Pourquoi s’automutiler ?
Au début de son adolescence, Yoni s'est beaucoup automutilée ; ça lui donnait un sentiment d'euphorie et lui permettait de s’évader de la situation difficile dans laquelle elle se trouvait. « Ça fait maintenant deux ans que je n'ai pas eu recours à l'automutilation pure et dure, mais ça m'arrive d’avoir besoin de sentir une certaine douleur. En général, j'en ai envie quand je suis dans l'espace public et que j’ai des angoisses à cause de ça. Je n'ai pas encore trouvé de solution saine, alors pour le moment je me soulage en me griffant la peau. »« L'automutilation est un mécanisme d'adaptation auquel on a souvent recours lorsqu'on ressent un sentiment d'impuissance. Ce processus fait office de distraction ou d'anesthésiant. » — Jantien
Bondage, discipline, sado-masochisme
Pour Anna*, le BDSM a été l'un des premiers pas pour se réconcilier avec la soumission et le fait qu’elle puisse être une personne avec d’autres facettes : « J'ai le droit d'être la Anna* de 13 ans, celle qui a été violée, tout comme je peux être la personne qui aspire encore à être soumise dans certaines situations, et celle qui ne laissera plus jamais personne la contrôler dans la vraie vie. » Elle utilise le masochisme pour explorer son côté vulnérable : « Je me construis une image de moi-même qui montre que je suis une personne forte, que je sais ce que je veux et que je peux y arriver. C'est comme ça que j'ai rompu avec l'idée que les hommes me dicteraient toujours ce que je dois faire. »Là où l'automutilation consiste à chercher à contrôler les choses, chez la plupart des gens, le masochisme consiste à renoncer à ce contrôle, explique Jantien : « Vous n’avez besoin de réfléchir ou de décider à aucun moment ; juste besoin de ressentir. Idéalement, le masochisme commence par un effet positif et donne également un bon sentiment par la suite. Les stimuli de la douleur en eux-mêmes donnent aussi du désir ; c'est excitant. Voilà la plus grande différence avec l'automutilation. »« Idéalement, le masochisme commence par un effet positif et donne également un bon sentiment par la suite. Les stimuli de la douleur en eux-mêmes donnent aussi du désir ; c'est excitant. Voilà la plus grande différence avec l'automutilation. » — Jantien
Connaître ses limites
Anna* conseille également d’être patient·e quand il est question de franchir la ligne entre automutilation et masochisme afin de choisir la pratique BDSM qui présente le moins de ressemblances avec votre automutilation habituelle. Jantien encourage également l'auto-réflexion et d’avoir conscience de ce qui vous pousse à pratiquer le masochisme.Sofie a connu cette frontière entre les deux à un certain moment, lorsqu'elle est sortie avec une maîtresse avec laquelle elle avait une relation de soumission et pour laquelle elle achetait des cadeaux. « Il ne s'agissait pas de beaucoup d'argent, mais comme j’étais encore étudiante, j'étais souvent fauchée. J'ai trouvé ça amusant et excitant, même si ça a fait mal financièrement. Elle aimait aussi ce type de pouvoir particulier. J'étais accro à la façon dont je pouvais échapper à la réalité quand j'étais chez elle. À un moment donné, j'ai décidé de mettre fin à cette relation parce que je sentais que ça commençait à avoir un impact sur ma situation financière et la possibilité d’envisager d’autres relations. Si j'avais continué ce masochisme émotionnel et financier, ça serait devenu malsain. La dépendance à la douleur et à l'humiliation peut rapidement devenir dangereuse, parce qu’on peut s'y perdre. »Dans un jeu avec un·e sadique avec qui vous ne vous sentez pas en sécurité, un stimulus de douleur beaucoup plus faible peut déjà sérieusement franchir les limites et laisser des traces psychologiques.
Le BDSM comme thérapie ?
Un milieu stigmatisé
« Le cliché qui entoure l'automutilation est toujours le même, comme quoi on le pratiquerait pour attirer l'attention ou que ça n'arrive qu'aux personnes qui ne sont pas capables de supporter certaines choses, ce qui n'est bien sûr pas le cas. On entend souvent que le BDSM ne concerne que les gens qui ont subi un traumatisme dans leur enfance ou que c’est dû à des traits de personnalité moins stables que "la normale". Bien que ces idées fausses aient toutes été réfutées par une recherche en 2020, elles perdurent encore et procurent un sentiment de honte. C'est l'une des émotions les plus dangereuses de la sexualité, celle qui la transforme en quelque chose de négatif, entraîne des problèmes sexuels ou peut transformer le sexe en une forme de stratégie inadaptée. C'est en partie cette stigmatisation qui rend si difficile le débat sur la corrélation entre automutilation et masochisme. »Pour conclure, Yoni conseille de toujours s’informer et de continuer à réfléchir. « Il est important de faire des recherches sur ce que vous voulez faire. Notez vos intentions, engagez la conversation avec vous-même et découvrez quelles sont vos limites. »* Prénom d’empruntSuivez VICE Belgique sur Instagram.« On entend souvent que le BDSM ne concerne que les gens qui ont subi un traumatisme dans leur enfance ou que c’est dû à des traits de personnalité moins stables que "la normale". »