Un homme a servi à ses amis un morceau de sa jambe amputée dans des tacos
Images via IncrediblyShinyShart

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Santé

Un homme a servi à ses amis un morceau de sa jambe amputée dans des tacos

« Un copain a dû me recracher dans un essuie-tout. »

Si vous aviez l’occasion de goûter à de la chair humaine, le feriez-vous? C’est le genre de question qu’on se pose après avoir regardé le Silence des agneaux sous l’influence de drogues. Normalement, si l’on dit qu’on le ferait, personne ne nous pousse à passer plus tard de la parole aux actes. Mais dans un récent message sur Reddit, un homme utilisant le pseudonyme IncrediblyShinyShart a raconté son accident de moto qui a fait de cette hypothèse une réalité. Quand la voiture l’a heurté et envoyé planer dans la forêt en bordure de route, son pied a été écrabouillé au point où il ne pourrait plus jamais s’en servir pour marcher. Le médecin lui a demandé s’il était d’accord pour subir une amputation de la jambe, il a posé une question : « Si je le fais, est-ce que je peux la garder? »

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Le médecin a dit oui. Le dimanche 10 juillet 2016, trois semaines après l’accident, Shiny, qui préfère conserver l’anonymat, a invité dix de ses amis les plus ouverts d’esprit à un brunch spécial. Ils ont mangé de la croustade aux pommes, de la quiche, de la tarte aux fruits et de la tarte au chocolat. Ils ont bu du punch et des mimosas. Puis il y a eu le plat de résistance : des tacos à la viande de jambe amputée.

Aux États-Unis, il n’existe pas de loi fédérale interdisant le cannibalisme. Il n’y a qu’en Idaho que la consommation de chair humaine peut conduire en prison. Toutefois, des lois contre le meurtre, l’achat et la vente d’humain, en tout ou en partie, ainsi que la profanation de sépulture font qu’il n’est quand même pas facile d’adopter le cannibalisme, même si, en théorie, il est légal dans les autres États. Surtout qu’il est très rare qu’une personne qui consent à être mangée rencontre une personne qui souhaite la manger. Et encore, le cas échéant, ce n’est pas partout accepté. En Allemagne, un Belge nommé Detlev Gunzel a été condamné à huit ans et demi de prison pour avoir découpé et mangé un homme d’affaires polonais qui y avait pourtant consenti.

Le cas de « cannibalisme légal » de Shiny est donc rarissime. Il a documenté son expérience en entier, mais, en raison de la nature des photos, nous avons choisi d’en laisser plusieurs de côté. Si vous souhaitez les voir, consultez cette page.

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Nous avons demandé à l’homme de 38 ans pourquoi il avait décidé de se faire en partie manger par ses amis, mais aussi quel goût il a et s’il est sorti transformé de cette expérience.

VICE : Pourquoi?
Shiny : Au début, je voulais que mon pied soit empaillé ou lyophilisé. Ç’aurait été cool d’avoir mon pied empaillé ou lyophilisé dans la maison comme lampe ou butoir de porte ou autre chose. Je me disais qu’après tout, c’était à moi. Je ne voulais pas qu’il soit incinéré ou balancé dans un dépotoir. C’était une partie de moi et je la voulais.

Comment avez-vous réussi à convaincre le médecin de vous le remettre?
Dans la plupart des hôpitaux, il y a des politiques sur la disposition des parties du corps amputées pour les religions qui exigent que vous soyez enterré entier, alors je n’ai eu qu’à signer des documents. Ma mère, qui m’aidait à me remettre sur pied, si l’on peut dire, m’a conduit à l’hôpital pour que je puisse récupérer ma jambe. Elle ne sait pas que je l’ai mangée, par contre. À l’intérieur, on me l’a donnée dans un sac plastique rouge. Je suis revenu à l’auto et je l’ai aussitôt mise dans une glacière. C’était assez bizarre.

Où l’avez-vous conservée en attendant le repas?
Chez moi, je l’ai congelée. Aucun taxidermiste ne m’a pris au sérieux et la lyophilisation était trop chère. Ça coûtait 1200 $. Si j’avais eu l’argent, je l’aurais fait. Quand je l’ai sortie du sac, c’était dégueulasse. Elle était couverte de sang et d’iode. Après l’avoir nettoyée, j’étais agréablement surpris de voir qu’elle était assez bien conservée. Ils ne les préservent pas dans le formol ou quelque chose comme ça. Mais si on peut laisser vieillir du bœuf pendant des mois, je me suis dit que ça irait.

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À ce moment-là, quatre de mes amis étaient avec moi, et c’était surréel. On a joué avec elle. Ça n’avait pas l’air d’une jambe, elle semblait être un simple objet, pas une partie d’une personne. Je ne ressentais pas de lien émotif. Je pouvais me dire : « Oui, c’est ma jambe », mais il n’y avait pas de profond sentiment d’étrangeté en moi. En fait, c’est ce qui était le plus étrange : l’absence d’étrangeté.

Qu’est-ce que vous avez fait ensuite?
J’ai utilisé un couteau de cuisine pour couper un bout de mollet. La peau avait déjà été enlevée pendant l’amputation, donc un gros morceau de muscle était à vif. J’ai mis le morceau dans un sac plastique, puis dans le congélateur.

Vous vous souvenez de la scène de Family Vacation avec Chevy Chase qui dit juste « This is crazy, this is crazy, this is crazy »? Je me sentais comme ça. Je me suis dit : « Il n’y aura jamais rien de plus étrange que ça dans ma vie. J’espère qu’il n’y aura jamais rien de plus étrange que ça. »

Comment avez-vous convaincu dix amis de manger de votre jambe avec vous?
J’ai invité 11 personnes, en disant quelque chose comme : « Tu te souviens qu’on s’est déjà demandé : “Si on avait l’occasion de manger de la chair humaine de façon éthique, est-ce qu’on le ferait?” Bien, c’est l’heure de passer de la parole aux actes. On le fait oui ou non? Dix ont dit oui. On est un peu bizarres, j’imagine. C’étaient des amis de différents groupes d’amis. Dans un groupe, la réponse a été : « Bien sûr que oui! » Combien de fois une chance pareille va se présenter? Une amie a dit qu’elle demanderait à son chum, qui est chef, de le cuisiner. Parfait. Dans les invités, il y avait le chef et sa blonde, mon ex, un ami du collège, deux amis que je connais depuis des années, deux que je connais depuis plus de dix ans et la fille de l’un d’eux.

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Comment l’avez-vous apprêtée?
J’ai parlé de mon idée au chef et, après quelques jours, il m’a dit : « OK, c’est bon. On le fait. Vous n’avez qu’à venir chez nous demain. » Il a fait mariner la chair pendant la nuit et, le lendemain, il l’a sautée avec des oignons, des poivrons, du poivre, du sel et du jus de lime. Il l’a ensuite déposée dans des tortillas avec une sauce à la tomatille. [Vous pouvez consulter la recette en ligne.]

Et la question que tout le monde se pose : quel goût a la chair humaine?
Ce morceau avait un goût super proche du bœuf. Une saveur de bœuf vraiment prononcée. Le muscle est coriace et caoutchouteux. C’est un bon goût, mais ce n’est pas la meilleure viande.

Comment s’est passé le repas?
Il y avait de la nervosité. On se regardait, l’air de se demander : « Est-ce qu’on est vraiment en train de le faire? » On a fait de l’humour très noir. Je pense que c’est grâce à ça que ça s’est si bien passé. On a blagué tout au long du repas. À un moment donné, j’ai dit : « Aujourd’hui, c’est le jour où j’ai pénétré tous mes amis en même temps. » Le lendemain, un ami m’a appelé pour me dire : « Je viens de te chier. Désolé. » On avait l’impression que c’était une expérience qui nous rapprochait. On pouvait vivre cette expérience unique ensemble. Et ç’a été une façon pour moi de tourner la page.

C’est-à-dire?
Ça avait été un cauchemar du début à la fin. Je me rappelle avoir été frappé. Je me rappelle avoir été projeté très loin. Je me rappelle être assis entre les arbres et ressentir cette douleur brûlante. J’ai baissé les yeux et j’ai vu mon pied qui pendait. Il était tout cassé, déformé et sale.

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Mais j’ai été chanceux que ce soit arrivé à un endroit où il y avait des gens autour. J’ai été très chanceux qu’une jeune femme qui venait tout juste de finir l’école secondaire soit là et me pose un garrot à la jambe. Elle venait de suivre un cours de premiers soins. J’ai été chanceux qu’un ambulancier qui n’était pas en service arrive en moins de 15 minutes.

Beaucoup d’autres choses se sont passées pour le mieux. Je n’ai eu aucune autre blessure. Juste la jambe et une petite coupure derrière le cou. À part de ça, j’étais intact! Je suis retourné au lieu de l’accident et j’ai vu que j’avais volé entre des arbres à seulement 50 cm les uns des autres. Je roulais à 75 km/h au moment de l’impact. Je ne sais pas comment j’ai pu m’en sortir avec une seule blessure. J’aurais très bien pu mourir ce jour-là.

À l’hôpital, je me suis souvent réveillé en pleurant et en me demandant ce que ma vie allait devenir. J’ai demandé au médecin ce qui était possible, ce qui pouvait être sauvé. Mais il y avait des os qui manquaient et tout le reste était foutu. Je ne pourrais plus jamais me servir de mon pied. Après une semaine, j’ai décidé de les laisser l’amputer.

J’ai vécu cette expérience. Ç’a été une transition déterminante pour moi. Je suis un homme blanc de la classe moyenne. Je n’avais jamais eu à me battre pour quoi que ce soit dans ma vie. Je n’avais jamais vraiment été mis à l’épreuve. Je n’avais jamais fait partie de l’armée, je n’avais jamais été pauvre, je n’avais jamais manqué de nourriture et j’avais toujours eu un toit au-dessus de la tête. J’ai une vie facile et je le reconnais. Avant l’accident, je n’appréciais pas la vie et les gens autour de moi à leur juste valeur.

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La vague de compassion et d’empathie que j’ai reçue de la part de mes amis et de ma famille m’a vraiment aidé à relever le défi que ce grand changement dans ma vie représentait. J’ai pris soin d’une partie de moi qui m’a été utile très longtemps. Je lui ai rendu hommage et lui ai fait mes adieux. Les cendres sont dans une urne dans le salon chez ma blonde, et je les aurai avec moi dans ma tombe. C’est une partie de moi, et c’est une expérience qui fait partie de moi aussi.

Les choses se sont vraiment bien passées après. Ma vie s’est grandement améliorée. J’ai quitté la ville où j’habitais et un emploi que j’avais depuis dix ans et qui était en train de me tuer émotionnellement. J’ai déménagé dans un autre État. J’ai un bien meilleur emploi que j’adore. J’ai rencontré une fille avec qui je suis depuis un an et demi, et c’est la meilleure chose qui me soit arrivée dans la vie. Je suis beaucoup plus heureux que j’aurais pu l’imaginer avant. Et c’est grâce à ce moment où ma vie a été en jeu et à travers lequel je suis passé. Manger mon pied a été un moyen drôle, étrange et intéressant d’aller de l’avant.

C’était il y a deux ans. Pourquoi avez-vous décidé de raconter l’histoire après autant de temps?
C’est une histoire que vous pouvez raconter aux gens qui vous connaissent bien, mais les autres en général vous trouvent dégoûtant. Ça m’a pris du temps avant d’être à l’aise de la raconter. Maintenant, elle circule. Je l’ai racontée sur Reddit parce que c’est plutôt anonyme. J’aime les choses ahurissantes que le monde publie là, et je me suis dit que c’était une façon de redonner à cette communauté. Ce que j’ai fait n’était pas illégal. Je n’ai pas vendu ma jambe. Je ne l’ai pas fait manger à des gens sans leur consentement. Elle était à moi. On n’a trouvé aucune vraie loi contre ça. Alors je ne m’inquiète pas des conséquences juridiques. Mais je ne veux pas que le monde entier me voie comme un cannibale . Ça ne me représente pas réellement.

Est-ce que cette épreuve a changé votre perception du cannibalisme?
On l’associe aux sociétés qu’on juge primitives, sinon aux situations dans lesquelles des personnes ont été forcées de le faire pour survivre. C’est considéré comme barbare, alors les gens se demandent pourquoi je l’ai fait. Mais des gens mangent le placenta après l’accouchement. Pour moi, c’est du cannibalisme.

Je pense qu’un cannibalisme éthique est possible dans certaines situations. Je n’ai pas envie de chasser des gens et de bouffer leur face. C’était la seule occasion que j’avais de vivre une expérience unique d’une façon saine et éthique. Je l’ai fait, et c’était cool et amusant. Et ça fait une bonne histoire.

Cette entrevue a été légèrement abrégée par souci de clarté et de concision.

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