brad pitt fight club
Culture

comment la mode flamboyante de « fight club » a défié le status quo

De la veste en cuir de Brad Pitt à la robe de mariée d'Helena Bonham Carter, retour sur les costumes d'un film devenu culte.

Il y a 20 ans, Fight Club sortait dans une tornade de controverses. Adapté du roman du même nom de Chuck Palahniuk, le New York Times en faisait « le film culte de notre époque ». Réalisé par David Fincher, Fight Club est une méditation – sexy et brutale – sur l’aliénation du consumérisme, passée au filtre de l’hyper masculinité. Robert Elbert est même allé jusqu’à lui accoler un nouveau genre, le « macho porn ». Si, deux décennies plus tard, le film génère encore des débats « pro » et « anti » enflammés, la justesse du thème et du style est indéniable.

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Edward Norton est encore auréolé du succès de sa performance de néo-Nazi dans American History X quand il endosse le rôle du personnage principal et mystérieux que l’on connaît sous le seul nom de « Narrateur ». Il est un salarié zombie, frappé d’insomnies chroniques. Quand son docteur refuse de lui prescrire des médicaments pour faciliter son sommeil, il décide de rejoindre des groupes de soutien. Pas parce qu’il souffre d’un cancer des testicules ou de parasites sanguins comme les gens qu’il y rencontre, mais parce qu’ils sont pour lui une forme de libération, un remède à ses nuits sans sommeil.

En tout cas jusqu’à ce qu’une autre « touriste », Marla Singer, jouée par Helena Bonham Carter, ne commence à marcher sur ses plates-bandes et gâche son plan d’incruste millimétré. Peu de temps après, il rencontre un vendeur de savon anticapitaliste, Tyler Durden (Brad Pitt), qui remplace ses groupes de parole par des nuits de bastons sanglantes en sous-sol, le pousse vers une nouvelle vie qui mènera au chaos, littéralement, et à la formation d’une armée d’anarchistes.

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Si certaines critiques récentes y voient un film prophétique à certains égards – de la crise financière à la montée de l’alt-right aux États-Unis – Fight Club a d’abord eu un impact sur la jeunesse, masculine, au moment de sa sortie, notamment lorsqu’il s’est agi de reproduire le concept de fight club clandestin. L’acteur Adam Driver a lui-même avoué avoir lancé son propre fight club quand il était ado. Le film n’a peut-être pas été un carton au box-office, mais il a su résonner auprès de son public.

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Le mimétisme du film est tout autant lié au style vestimentaire de ses personnages. Le look de Tyler, c’est la quintessence même du bad boy, avec juste ce qu’il faut d’excentricité. Oui, la veste en cuir n’a, en soi, rien d’extraordinaire, sauf que Tyler troque la couleur noire classique contre un rouge du plus bel effet. Michael Kaplan, le costumier du film à qui l’on doit également les looks géniaux de Blade Runner et des derniers Star Wars, n’a pas choisi la teinte de la veste de Tyler au hasard. Comme il l’expliquait à The Independent, il voulait qu’elle ait la couleur du « sang séché », ce qui collait parfaitement à la représentation de la violence qui parcourt tout le film. Il fallait également que Tyler s'éloigne le plus possible de l’uniforme ordinaire du Narrateur – son pantalon simple et sa chemise de travail.

Kaplan gardait également à l'esprit que Tyler n’avait pas une thune et vivait dans un squat. « Je me suis dit que c’était le genre de personnes à trouver de super fringues en friperies, parce que c’est ce que je fais, et je sais que c’est possible, » assurait-il. Mais dans la mesure où les personnages clé exigent une garde-robe en quantité, Kaplan a dû créer lesdites vestes, en utilisant un cuir rigide des années 1970. « Nous l’avons designée dans un style propre aux vêtements de cette époque, mais elle avait l’air de sortir tout droit du fond d’une friperie – on a cassé quelques boutons, déchiré la ligne et mis quelques taches dessus pour qu’elle ressemble à une veste dont personne ne veut. »

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L'arrogance et la confiance de Tyler dans son rôle de marginal va avec son penchant pour les textures et les motifs uniques. Il porte un long manteau de fourrure, des chemises hawaïennes, un débardeur imprimé de couvertures de magazines érotiques (ce qui, selon Kaplan, a « a causé des problèmes avec le censeur du studio ») et un crop t-shirt aux motifs feuille d’érable. En gros, tout ce que le Narrateur n’oserait jamais porter. Même la robe de chambre de Tyler a quelque chose de rebelle : un peignoir féminin, couleur lavande, sur laquelle sont brodées des tasses à café. Des vêtements devenus si convoités qu’il est facile aujourd’hui de trouver des répliques de chacun d’entre eux en quelques clics sur Google – pour info, vous pouvez vous procurer le peignoir, à l’identique, pour environ 200$.

Si Tyler Durden a inspiré les hommes des années 1990, les poussant à s’acheter des cuirs rouges et des pantalons de postier, ce n’est pas franchement surprenant. Après tout, presque toutes les filles de l’époque voulaient ressembler à Marla Singer. Quand le personnage apparaît pour la première fois, c’est comme si elle se matérialisait dans la fumée d’une cigarette. Dans une fourrure noire, elle a l’allure d’une marionnette macabre ; la fille goth rêvée. L’ultime « cool girl » de l’époque. Mais Kaplan estimait qu'elle n'avait ni une bonne ni une mauvaise opinion d’elle-même. « Je ne pense pas que Marla se pense cool – ou pas cool, disait-il lors d’une interview pour Clothes on Film. Je ne pense pas qu’elle soit si consciente d’elle-même. Mais elle est bizarrement déterminée, c’est une survivante. »

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Helena Bonham Carter, qui a d’abord eu du mal à cerner le personnage, a demandé de l’aide à Kaplan, qui lui a répondu : « Imagine la Judy Garland de ce millénaire. » La référence est d'ailleurs visible lors de la scène où Marla tente une overdose au Xanax ; elle porte une robe à paillettes bleue qui, selon Kaplan, est un hommage direct à la chanteuse légendaire.

À l’inverse de la garde-robe flamboyante de Tyler, Kaplan s’est attelé à vêtir Marla de teintes sombres. Son look s’est composé de plusieurs sources, principalement des friperies et boutiques vintage, et ne comporte aucune pièce neuve à l’exception d’une veste Rick Owens. Durant une scène, Marla raconte au Narrateur l’histoire de la robe qu’elle porte : une robe de demoiselle d’honneur, en lambeaux, qu’elle a trouvé en fripe pour un dollar. « C’est une robe de demoiselle d’honneur, dit-elle. Quelqu’un l’a adorée intensément pendant une journée, puis l’a jetée, comme un arbre de Noël. Spécial un jour. Sur le bord de la route celui d’après. »

Je dois l’admettre, revoir ce film m’a donné l’envie folle d’acheter un manteau de fourrure à la Marla, et je ne peux m’empêcher de repenser au monologue révolté de Tyler Durden : « On est des consommateurs. On est des sous-produits d’un mode de vie devenu une obsession. » La voix de Brad Pitt fait écho dans ma tête au moment où j’appuie silencieusement sur le bouton « Ajoutez au panier ».

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Cet article a été initialement publié dans i-D US.

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