Bram Van Bree a roulé à vélo de Brée à Bram
À gauche : Bram à Bree. | 

À droite : le tatouage qui symbolise sa route de Bree à Bram.

Société

Bram van Bree a roulé à vélo jusqu'à Bram depuis Bree, voilà voilà

Croyez en vos rêves.
Arkasha Keysers
Antwerp, BE

Bram Van Bree a eu la formidable idée de rendre hommage à son nom en reliant, à vélo, la commune limbourgeoise de Brée à Bram, un village dans le sud de la France. Comme tous les délires du genre, ce qui a commencé avec blague s’est mué en un voyage spirituel chargé d’un symbolisme insensé : « J’ai roulé 1987 kilomètres en tout, comme l’année où je suis né ».

L’Anversois nous raconte son voyage, ses inside jokes, et les hauts et les bas qu’il a traversés durant son périple.

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Photo : Arkasha Keysers

VICE : Bram, qu’est-ce qui t’a pris de faire ce voyage de Brée à Bram ?
Bram : J'ai grandi en faisant du vélo. Quand j’étais gosse, j’allais souvent en vacances à vélo. Et j'adore quand mes voyages ont une signification particulière. Ça faisait six mois que j’avais en tête ce voyage un peu égocentrique — c'est comme ça que je le qualifie. L'été dernier, le moment est venu : j'avais terminé mes travaux (je suis directeur artistique) et j'avais besoin de vacances et de défis.

« J’avais oublié les couverts mais dans les premiers jours, j'ai trouvé une cuillère à café et j'ai mangé avec pendant tout le voyage. »

Combien de temps a duré ce voyage ?
J'ai roulé pendant 23 jours avec une moyenne de 86 kilomètres par jour. Je n'avais pas grand-chose avec moi ; un vélo de randonnée, une tente et un tapis de couchage, trois T-shirts, deux shorts de cyclisme et un caleçon. J'avais aussi pris un briquet, deux petites bonbonnes de gaz, une marmite et une poêle. J’avais oublié les couverts mais dans les premiers jours, j'ai trouvé une cuillère à café et j'ai mangé avec pendant tout le voyage.

Mmmh. Et t’as aussi réussi à choper le drapeau de la commune de Brée.
J'avais envoyé un email à la bourgmestre quelques jours avant le voyage pour lui demander si je pouvais porter la ceinture de la ville, mais je n'ai pas reçu de réponse. J'ai demandé de l’aide dans le groupe Facebook « Tu sais que t’es de Brée quand… » Les habitant·es ont répondu en masse et ont taggé la bourgmestre. Elle a répondu qu'elle était en vacances, mais qu'elle reviendrait avant que je parte. Quand je suis arrivé devant la maison communale, elle m'attendait, très enthousiaste, avec deux photographes. J'ai été autorisé à porter l'écharpe de Brée et on m'a donné le drapeau. C'était un accueil super chaleureux. Je suis fier que Brée soit mon nom de famille.

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« Maintenant, je comprends pourquoi certain·es SDF se parlent à elleux-mêmes et deviennent un peu dingues. »

T’as aussi deux tatouages de ton voyage.
Quand j'ai été voir le village de Bram sur Google Street View, j’ai vu que le village était construit en cercle. Et j'avais déjà un tatouage d’un cercle sur l’avant-bras gauche. À la fin du voyage, à Arles, je me suis fait tatouer la route de Brée à Bram.

En cours de route, j'ai fait d’autres trucs symboliques. Je suis directeur artistique et je vis en ville, donc j'ai toujours pas mal de ressources et beaucoup d'idées pour faire des projets. Pendant mon voyage, c'était différent ; c'était vraiment un défi de créer quelque chose avec rien.

Tattoe route van Bram naar Bree

Le tatouage qui symbolise sa route de Bree à Bram | Photo : Arkasha Keysers

Je me suis arrêté dans un camping du Vent des Forêts, une forêt remplie d'œuvres d'art. C'est là que j'ai eu l'idée de fabriquer deux flèches, une indiquant Bram et une indiquant Brée, avec les distances écrites dessus. C'est là que j'ai rencontré un fermier hollandais, Joseph, qui avait un atelier et m'a aidé à les fabriquer. Ensuite, je les ai montrées au directeur du Vent des Fôrets et on les a accrochées dans la forêt. C'était très cool ; je suis passé direct de l'idée au résultat.

« J'ai peint des slogans destinés à moi-même sur la route, pour m'encourager, en Français et en Anversois, comme si c’était le Tour de France ! »

Quand je suis arrivé à Carcassonne, je devais encore rouler 20 kilomètres pour arriver à Bram. Je suis allé acheter une bombe aérosol et, j'ai peint des slogans destinés à moi-même sur la route, pour m'encourager, en Français et en Anversois, comme si c’était le Tour de France ! Je trouvais ça marrant que personne en France ne puisse comprendre : « Nog efkes » (encore un peu, ndlr.).

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Photo : Bram van Bree

Comment c’était d'être seul pendant si longtemps ?
Être au sec, au chaud, avoir l'estomac plein et pouvoir s'allonger ; c’est ça les besoins fondamentaux pour être bien. Ensuite, les contacts sociaux et la possibilité de pouvoir raconter son histoire sont très importants. Maintenant, je comprends pourquoi certain·es SDF se parlent à elleux-mêmes et deviennent un peu dingues. Iels ne peuvent pas communiquer leurs émotions, iels sont seul·es avec elleux-mêmes.

Dans ma vie, je suis constamment entouré de gens, ce qui est une bonne chose ; mais en fait, j'ai aussi besoin d'être seul. Alors pendant la première phase de mon voyage, j'ai trouvé ça agréable et libérateur, mais après un certain temps, ça a changé. J'ai eu besoin de parler et de connecter avec des gens. Physiquement, j'ai souvent dépassé mes limites. J’étais à fond, et il n’y avait personne pour me dire : « Bram, tu peux chiller maintenant. Vas dans un camping et fais-toi un bon repas. » J’étais borné et je me disais tout le temps « Allez, encore un peu. »

« Quand j'ai expliqué aux gens du bar ce que j'avais réalisé comme projet, tout le monde s’en foutait. »

Sur le plan émotionnel, je me suis également découvert sous un autre jour. J’ai brisé mes barrières psychologiques pendant le voyage. Je suis arrivé à un point où je suis devenu très sensible à la beauté, mais aussi à la tristesse. Tout à coup, j'ai vu beaucoup de choses dont j'ai essayé de me protéger dans ma vie quotidienne. Je suis parti avec beaucoup de choses en tête et, en pédalant, tout est devenu plus léger. J'ai aussi réalisé à quel point j'aime le vélo. Maintenant, en plus de mon travail de directeur artistique, je travaille aussi comme livreur.

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Comment c’était d’arriver à Bram ?
J'avais imaginé Bram comme un village français typique, populaire et accueillant, avec un bon boulanger et de savoureux croissants. Une fois arrivé, je suis allé retirer de l'argent ; j'étais trop motivé, je voulais aller au café du village. Mais quand j'ai expliqué aux gens du bar ce que j'avais réalisé comme projet, tout le monde s’en foutait. C'était peut-être à cause de mon français hésitant, mais la télé était à fond et les gens semblaient plus occupés par la course de chevaux. Seul le barman m’a écouté, par gentillesse ou par pitié, je sais pas. J’ai juste commandé une pinte et je suis parti.

J'avais envoyé un email au maire de Bram, mais il n’a pas répondu. Je suis allé à l'hôtel de ville. La femme derrière le comptoir était un peu arrogante, genre : « T’es qui ? » Elle m'a dit que le maire était en vacances et qu’il n’allait revenir qu'une semaine plus tard.

« Au bout de deux heures, j’avais fait le tour. Je n'ai jamais quitté un endroit aussi vite. »

Ensuite, j'ai pris quelques photos du village et j'ai allumé une bougie dans l'église. J'ai aussi acheté toutes les cartes postales que j'ai pu trouver. Je les ai envoyées à tou·tes celleux qui me sont cher·es. Mais au bout de deux heures, j’avais fait le tour. Je n'ai jamais quitté un endroit aussi vite.

De retour à Carcassonne, j'ai pris le train pour Nîmes, où des potes m'ont pris en camionnette pour aller à un petit festival pas loin. Quand je les ai vu·es, je leur ai fait le plus gros câlin du monde. J’étais vraiment en manque de contacts physiques. Et j'ai aussi réalisé qu'il est très important d'avoir dans son entourage des gens qui te comprennent et qui ne trouvent pas ça bizarre que tu fasses ce genre de trucs.

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kaartjes bekijken Bram

Photo : Arkasha Keysers

T’as parcouru 1987 kilomètres, comme ton année de naissance.
Quand je suis arrivé à Bram, je me suis rendu compte qu'il ne me fallait que 30 kilomètres supplémentaires pour arriver à 1987. Au début, je voulais faire 30 kilomètres en cercle autour de l'église, mais quand j’ai réalisé que ce village était vraiment trop nul, j'ai fait 20 kilomètres pour revenir à Carcassonne, donc il m’en restait encore 10 à faire.

Après quelques jours passés au festival j’ai décidé de faire une performance. J'ai fait 10 kilomètres en tournant en rond dans une pièce, avec « All By Myself » de Céline Dion en boucle. J'ai eu des vertiges et je suis tombé, juste à 1987. C'était une belle fin. J'avais bouclé la boucle. Et c'est une façon assez amusante de me faire connaître dans la presse.

Voilà.

Bram computer drinkfles

Photo : Arkasha Keysers

Bram sticker fiets

Photo : Arkasha Keysers

Burgemeester Bree sjerp Bram

Bram van Bree et la bourgemestre de Brée | Photo : Bram van Bree

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