Les amitiés que j'ai nouées en prison auraient dû y rester
Illustrations de Matt Rota

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Crime

Les amitiés que j'ai nouées en prison auraient dû y rester

Voici ce qui arrive une fois dehors lorsque vous avez passé des années à côtoyer des membres de gangs, des violeurs et des centaines de dealers.

J'ai passé 21 années derrière les barreaux. Si j'ai réussi à rester équilibré mentalement, c'est parce que j'ai passé mon temps à me balader dans la cour de la prison avec des potes. Ils étaient là quand il le fallait et me protégeaient d'un environnement relativement hostile. Mais tout change lorsque vous sortez.

Quand vous revenez chez vous, maintenir les amitiés nouées en prison s'avère rapidement compliqué – surtout quand croiser l'un de ces mecs est une violation de votre liberté conditionnelle et peut vous renvoyer au trou illico. Vous devez donc arrêter de côtoyer des criminels, ce qui semble simple au premier abord, mais pas tant que ça lorsque ces gens étaient votre famille.

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Un pote de prison m'a, par exemple, retrouvé sur les réseaux sociaux. Il m'a confié qu'il avait recommencé à déconner et m'a demandé conseil. J'ai rapidement coupé court à la discussion – je venais tout juste de sortir et ce mec me prenait pour un consultant criminel. Hors de question.

Chaque expérience est différente en prison, c'est pourquoi j'ai demandé à quelques anciennes connaissances de me raconter comment ils avaient vécu leur sortie et s'ils avaient maintenu un quelconque lien avec leurs anciens camarades de taule. Voici ce qu'ils m'ont raconté.

Derek*, 50 ans environ, condamné pour trafic de cocaïne

La prison n'est pas le meilleur endroit pour se faire des amis. Si vous nouez une relation avec quelqu'un qui est en prison, vous ne savez rien de lui. Vous ne savez pas s'il a un problème avec la drogue, s'il a fait du tort à sa famille. J'ai vu des types débarquer ici totalement accro – un an plus tard, vous ne pouviez pas le deviner. Dès qu'ils sortent, ils reprennent de la drogue tout de suite.

Je me souviens d'une histoire survenue entre deux mecs devenus amis lors de leur incarcération. L'un est sorti pendant que l'autre était toujours en prison. Celui qui était dehors lui a envoyé de l'argent, des livres et a veillé sur lui en quelque sorte. C'était son pote et il lui a dit de ne pas s'en faire lorsqu'il sortirait. Deux ans plus tard, le type en prison est rentré chez lui. Son pote l'a aidé à se remettre sur pied. Le problème, c'est que le mec qui venait de sortir en attendait beaucoup plus. C'est rapidement devenu tendu entre eux et celui qui venait tout juste de sortir de prison a fini par tuer son pote. C'est un exemple extrême mais qui montre bien qu'il faut faire attention.

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William, 40 ans, condamné pour trafic de méthamphétamine

La plupart du temps, les amis que vous vous faites en prison deviennent vos frères – vous êtes là pour eux et ils seront toujours là pour vous. Mais vous avez aussi des mecs dont vous êtes obligé d'être proche pour être en sécurité – en temps normal, vous ne seriez jamais devenu ami avec ces mecs. Ces types veulent toujours se battre, voler quelque chose à quelqu'un, etc. Pour ma part, je suis resté moi-même. Je faisais juste le minimum, genre : « Hé, comment ça va aujourd'hui ? » quand je les voyais. Je faisais tout pour rester occupé et les éviter. Si vous êtes avec eux lorsque les choses se gâtent, vous êtes dans la merde. Vous êtes avec eux. Vous suivez ou vous vous faites défoncer.

90 % de mes potes de prison sont des mecs qui n'avaient aucune envie d'arrêter leurs activités criminelles. Dès que je suis sorti, ils ont voulu me capter pour me dire : « Hé mec, j'ai un boulot pour toi, t'en es ? » Moi, j'étais plus genre : « Non, ça va. »

Techniquement, vous n'êtes pas censé parler à vos anciens codétenus mais j'ai encore des contacts avec certains. Aujourd'hui, j'ai une femme, des enfants et je bosse 80 heures par semaine. Je n'ai pas le temps de sortir pour boire un coup avec eux. Je préfère me rendre au match de baseball de mon fils ou bosser pour me faire 300 euros en quelques heures. Mon esprit est tourné vers mon job et ma famille maintenant – et c'est tout.

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Arthur, 40 ans, condamné pour fraude

En prison, j'étais un solitaire. Mes potes les plus proches étaient des toxicomanes. Des mecs qui faisaient leur peine sans broncher. Je ne dis pas que les petits délinquants de classe moyenne se plaignent tout le temps mais, dans ma cellule, certains le faisaient. J'essayais donc de les éviter. Ils snobaient les autres détenus qui n'étaient pas aussi éduqués qu'eux. En prison, certains veulent simplement mater la télé toute la journée, se plaindre toute la journée, jouer aux cartes toute la journée.

Après ma libération, l'un de mes potes de prison m'a appelé. « Je suis enfin sorti, me disait-il. L'agent en charge de ma surveillance est tout le temps sur mon dos. Je sais que tu es à Los Angeles. J'y suis aussi, on devrait se voir. »

Ce mec était vraiment cool en prison – le genre de mec à qui je racontais des histoires à la cantine. J'ai même rencontré sa femme et ses enfants au parloir. C'était un bon gars, mais pas un mec avec qui j'aurais pu garder contact à l'extérieur. Je savais très bien que c'était le genre de mec qui allait commettre de nouveau un crime.

C'était compliqué pour moi mais je n'ai pas mâché mes mots. Il disait qu'il voulait me voir pour qu'on puisse discuter, et j'ai dit non. Lorsqu'il m'a demandé pourquoi, j'ai répondu : « Je suis en liberté conditionnelle. On ne va pas foutre en l'air tout ça juste pour se voir. » Vous devez avoir des amis en prison mais une fois que vous franchissez l'enceinte, ces relations doivent cesser – à moins que vous ayez une très bonne raison de garder contact avec un mec.

*Le nom et certains détails ont été modifiés pour sa sécurité.

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