Santé

Le coronavirus si vous souffrez de TOC ou d'anxiété

Les nouvelles et les directives pour la prévention du coronavirus peuvent déclencher des épisodes de comportement compulsif.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
un homme se lave les mains
Image : Bonninstudio/Stocksy 

L'un des moyens les plus efficaces de rester en bonne santé pendant la pandémie de Covid-19 est de se laver les mains. Il faut les laver pendant au moins 20 secondes et être minutieux : nettoyer les espaces entre les doigts et sous les ongles. Après avoir touché quelque chose, lavez-les à nouveau. Lavez-les encore avant de manger ou de vous toucher le visage.

Les experts recommandent également de se tenir à l'écart des personnes qui semblent être malades lorsque vous sortez faire des courses ou vous aérer. Elles peuvent propager des particules du virus par de minuscules gouttes qui peuvent entrer dans le corps par le nez et la bouche. Faites attention aux surfaces dans les parties communes et désinfectez-les souvent.

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Ces recommandations ne sortent pas de nulle part et sont fondées sur des preuves, mais pour les personnes souffrant de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et d'anxiété, ces conseils peuvent commencer à dériver vers un terrain inconfortablement familier. Cela ressemble beaucoup aux pensées anxieuses que ces personnes ont au quotidien, même quand aucun nouveau virus ne se propage dans le monde.

Pour de nombreuses personnes souffrant d'anxiété et de TOC, les nouvelles et les directives de l'OMS peuvent déclencher des crises d'anxiété intenses, des comportements compulsifs et, bien sûr, beaucoup d'inquiétude à l'idée de contracter le coronavirus, de sentir que la contagion s'est déjà produite, d'être obsédé par ce qui pourrait arriver si elle se produisait, de faire le ménage, de contrôler ou de ressentir des symptômes physiques d'anxiété – étourdissements, essoufflement, picotements, douleurs dans la poitrine, etc. Après tout, même les personnes qui ne souffrent pas de TOC ou d'anxiété présentent des comportements compulsifs : achat de désinfectant pour les mains et de produits en boîte, surstockage de masques qui ne servent pas à grand-chose si vous n'êtes pas vous-même malade.

J'en sais quelque chose. Enfant, j'étais obsédée par la propreté de mes mains, je les lavais constamment. Après les avoir lavées, je me disais que je n'avais pas le droit de toucher quoi que ce soit, de peur de les infecter à nouveau. Je serrais les poings et j'évitais d'ouvrir les portes ou de toucher les tables. Si mes mains touchaient ne serait-ce que l'intérieur de ma chemise, elles me semblaient contaminées. En tant qu'adulte, je suis devenue obsédée par la contraction de diverses maladies, allant des maladies auto-immunes rares à la sclérose en plaques en passant par la bronchite. Lorsque ces obsessions s'installaient, je me rendais chaque semaine chez le médecin pour essayer d'obtenir un diagnostic correct.

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Je suis une thérapie pour les TOC depuis plusieurs années maintenant, et j'ai fait de grands progrès pour ne pas réagir lorsque des pensées anxieuses surgissent. Bien que j'aie parcouru un long chemin dans le processus de rétablissement, l'épidémie de coronavirus peut réveiller une petite voix dans ma tête qui dit des choses comme : « Tu vois ? J'avais raison de dire que chaque surface est une fosse septique infectée qui va te tuer. » Et : « Je savais qu'il n'était pas prudent de toucher quoi que ce soit et qu'il fallait aussi commencer à se doucher dans du chlore. »

Cette épidémie est grave : plus de 246 000 cas de coronavirus sont confirmés dans le monde à ce jour, et 10 300 personnes sont décédées. Il y a actuellement 10 995 cas confirmés en France et 372 décès. Mais comment une personne souffrant d'un trouble obsessionnel compulsif peut-elle gérer cela, alors qu'elle doit soudainement faire face à des messages venant de toutes les directions et qui deviennent des pensées envahissantes ?

Comprenez ce qui déclenche des crises

Le Covid-19 exige que nous soyons attentifs aux concepts de propreté et de maladie. Ainsi, les conseils de se laver constamment les mains ou de nettoyer les surfaces donnent aux gens davantage de raisons de réfléchir à ces comportements, selon Jon Abramowitz, psychologue clinicien.

Les personnes souffrant de TOC essaient souvent de faire le contraire : « Elles cessent de faire attention à la propreté et passent la journée à faire comme si les préoccupations dans leur tête concernant les germes et la pollution n'étaient pas pertinentes », explique Shala Nicely, thérapeute spécialisée dans le traitement des TOC. Mais là, les médias et les autorités leur disent qu'en fait, elles sont pertinentes. »

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« Le TOC pense qu'il fait autorité sur tout ce qui a trait à la sécurité, puis il vous dit quoi faire » – Shala Nicely, thérapeute

Les services de santé peuvent également utiliser des mots comme « fréquemment » ou « souvent » pour décrire la fréquence à laquelle les mains doivent être lavées. Cela peut causer beaucoup de détresse aux personnes souffrant de TOC car elles peuvent s'inquiéter de la signification spécifique de ces mots.

Toute cette attention portée aux germes, aux maladies ou au lavage des mains peut renforcer les pensées anxiogènes, donc si elles sont plus nombreuses, c'est tout à fait normal. L'astuce consiste à ne pas les laisser s'infiltrer dans votre comportement, ce qui reviendrait à valider ces pensées.

Suivez les recommandations officielles, mais n'en faites pas trop

Bien sûr, la nécessité de se laver les mains pendant la propagation d'un virus est valable, alors comment s'y prendre ? Nicely suggère gentiment d'emprunter une technique utilisée dans la thérapie des TOC appelée prévention de l'exposition et de la réponse. La méthode consiste à exposer une personne à quelque chose qui provoque de l'anxiété et à essayer de l'empêcher d'avoir la réaction qui fait disparaître l'anxiété. Par exemple, ne vous lavez pas les mains après avoir touché le sol avant de manger quelque chose.

Lors d'une épidémie, Nicely ne recommanderait pas aux gens d'arrêter complètement de laver ou de désinfecter les choses, mais de considérer l'exposition d'une manière différente. Dans ce cas,
« l'exposition » serait de choisir une source légitime de prévention, telles l'OMS ou l'Agence nationale de santé, et de l'écouter, mais c'est tout. Ne faites rien d'autre que ce qu'ils vous conseillent et n'écoutez pas les recommandations et les règles que le TOC commence à établir dans votre cerveau. « Le TOC pense qu'il fait autorité sur tout ce qui a trait à la sécurité, puis il vous dit quoi faire, dit Nicely. Je pense qu'il est important de comprendre que le TOC n'est pas l'autorité en la matière. Il n'a pas les connaissances nécessaires pour vous dire comment vous laver les mains. »

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Pour s'assurer que vous restez dans le domaine du comportement adaptatif, Hershfield dit qu'il peut être utile d'observer ce que vous faites et si cela change avec le temps. « Si le lundi je me lave les mains pendant 30 secondes avant de manger, mais que le mardi je les lave pendant 60 secondes, il faut s’en inquiéter », dit-il. Une fois que vous avez suivi les recommandations officielles, dites-vous que c'était suffisant.

Ne restez pas scotché à l'actualité

Les articles sur les coronavirus sont partout, et il est en effet important de se tenir informé. Mais Nicely suggère également de ne pas trop s'attacher à la couverture médiatique et de trouver ce qui fonctionne pour nous afin de trouver un équilibre entre être à jour et en savoir trop. Les personnes souffrant de TOC peuvent avoir tendance à être surinformées. « Nous devenons des experts sur tous les sujets que notre TOC veut que nous cherchions sur Google », dit Nicely.

Découvrez combien de fois vous pouvez remettre à plus tard le visionnement des nouvelles et obtenir quand même les informations dont vous avez besoin sans être trop anxieux. Peut-être que c'est une fois par jour, peut-être une fois par semaine. Il est peut-être préférable de ne pas les consulter du tout et de compter sur vos amis et votre famille pour vous fournir les mises à jour dont vous avez besoin, par exemple en cas d'épidémie dans votre région. « Vérifier l’actualité de façon compulsive, ruminer sur ce qui va se passer à l'avenir ou revoir mentalement ce que vous avez entendu sur le virus, tout cela crée des opportunités d'obsession », dit Hershfield. Il faut se concentrer sur le moment présent, même si cela implique d'être anxieux.

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Acceptez qu'il y ait de l'incertitude

Le TOC et l'anxiété sont causés par l’intolérance et l'incertitude. En fin de compte, toutes les expositions en thérapie visent à enseigner à une personne qu'elle peut gérer le fait de ne pas savoir ce qui va se passer lorsqu'elle fait quelque chose qui l'effraie. « Vous ne pouvez pas voir les virus, il est donc impossible de savoir si vous êtes à 100 % en sécurité, dit Abramowitz. Entendre parler du virus à chaque fois que vous allumez le journal télévisé donne l'impression qu'il est facile à attraper. »

C'est pourquoi vous pourriez être tenté de vous laver à nouveau les mains, ou de lire un autre article. Parce que vous essayez d'être sûr que vous ne l'aurez pas ou que vous ne le donnerez pas à quelqu'un d'autre. « Nous pensons que si nous en savons assez sur un sujet, nous pouvons le contrôler, mais malheureusement c'est une illusion, dit Nicely. Connaître les statistiques actuelles sur l'épidémie ne donne pas plus de contrôle sur celle-ci. »

Si vous pouvez accepter qu'il y ait beaucoup d'inconnues et essayer de vivre avec cette gêne, cela contribuera grandement à gérer le stress pendant l'épidémie.

Ne soyez pas trop dur avec vous-même

Tout cela est plus facile à dire qu'à faire. Selon Nicely et Abramowitz, ce sera une période extrêmement difficile pour de nombreuses personnes souffrant d'anxiété et de TOC, il est donc important d'être gentil avec soi-même pendant ce processus.

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