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Ma lutte sans fin pour accepter mon poids

Détester son propre corps est une sorte de rite de passage chez les femmes, au même titre que découvrir la masturbation sous la douche.

L'auteur dans son enfance

Je devais avoir neuf ans et je me souviens m'être allongée dans mon lit les yeux fermés, puis j'ai compté jusqu'à 30, en me répétant : « S'il vous plaît Dieu, lorsque j'ouvrirai les yeux, faites que je sois mince. » À la fin de ces trente secondes, j'ai ouvert les yeux et regardé mon corps dénudé. Dieu l'avait laissé tel quel.

J'ai essayé à nouveau, en me disant qu'il avait peut-être besoin d'un peu plus de temps. Au bout de deux nouvelles tentatives, je me suis résignée. Dieu avait eu trois occasions de transformer mon corps selon mes désirs, mais il n'avait pas bronché. Sérieux, Dieu ? Tu peux séparer la Mer Rouge et fabriquer un bateau assez grand pour abriter deux animaux de chaque espèce, et tu ne peux toujours pas retirer quelque malheureux kilos du corps d'une fillette de neuf ans ? Je commençais à comprendre l'athéisme.

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À cet âge, j'étais obsédée par mon poids. Je n'étais même pas grosse, mais j'étais rongée par la peur de l'être, comme beaucoup de gens souffrant de troubles alimentaires. J'étais douée pour les cacher. Après avoir mangé une tranche de pain, je m'emparais de ma corde à sauter pour brûler les calories dues à ce petit moment de faiblesse. Plutôt que de manger le repas de la cantine, je me contentais d'une sucette, car qu'y a-t-il de plus sain que du sucre sur un bâton ?

Un jour, je me suis plaint à mon médecin de douleurs d'estomac et il m'a dit que j'étais sérieusement constipée. Il m'a montré une radio de mon estomac et a dessiné de large cercles avec ses doigts. « Tu vois tout ça ? C'est ton caca. » Je ne voyais pas vraiment de quoi il parlait, mais mon père a vite saisi l'idée. À partir de ce moment, ma mère et lui ont strictement surveillé mon régime. Après quelques semaines, j'en suis venue à faire moins attention à mon corps et je me suis finalement sentie bien.

Enfin, aussi bien qu'une fille puisse se sentir. Malheureusement, détester son corps est une sorte de rite de passage chez les femmes, au même titre qu'avoir ses règles et découvrir la masturbation sous la douche. J'ai traversé la première étape – qui est souvent la plus radicale – dès mon plus jeune âge. Et puis je suis allée au lycée, et ma peur était devenue réalité. J'étais alors en surpoids, mais à cet époque, je n'y prêtais pas vraiment attention.

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Je n'étais jamais sûre de ce qui causait ma prise de poids, mais je me disais que ça avait à voir avec le fait que mes règles n'étaient plus régulières. Plus tard, j'ai découvert que j'avais une polykystoseovarienne (SOPK), un trouble hormonal dont souffrent des millions de femmes. Les causes ne sont toujours pas connues, mais il s'agit vraisemblablement d'un problème génétique.

Les femmes dans ces conditions ont beaucoup de problèmes internes, comme des kystes aux ovaires et un cycle de règles irrégulier. Cela peut également conduire à l'infertilité, ce qui, considérant mon âge et mon revenu, est le seul bon point à en tirer. L'effet le plus visible d'une SOPK sur une femme est qu'elle prend du poids facilement et le perd difficilement. Une fois que mes règles ne sont plus venues naturellement, je me suis mise à enfler.

Ma période intermédiaire

Au lycée, j'étais une espèce de désillusionnée. Étant une adolescente certaine de son hétérosexualité, ma préoccupation première était de sortir avec un mec. Je me suis en quelque sorte auto-convaincue qu'il fallait que je travaille sur ma personnalité pour arriver à mes fins. Je ne soignais pas vraiment mon apparence, et je me suis mise à cultiver des qualités que je considérais essentielles chez un prétendant : un grand sens de l'humour et une profonde connaissance de toutes sortes de sujets que je tenais pour hautement intellectuels (comprendre : la filmographie de Wes Anderson et Devendra Banhart).

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Aujourd'hui, je sais pertinemment que j'avais tort. Les garçons n'allaient pas se jeter sur la petite rondouillarde de l'équipe d'improvisation de l'école, qui récitait les meilleures répliques de Rushmore d'un air suffisant. Peut-être que je suis complètement narcissique, mais au lieu de ne pas me sentir suffisamment bien pour les autres, j'ai choisi de penser que c'était les autres qui n'étaient pas suffisamment bien pour moi. Cela m'a amené à être extrêmement difficile lors de mes rendez-vous. (Certains appellent ça un « mécanisme de défense », mais comme je préfère me dire que j'étais une adolescente qui savait exactement ce qu'elle voulait.)

En grandissant, par une cruelle ironie du sort, j'ai fini par avoir davantage confiance en moi et en mon apparence. Malheureusement, pour les femmes en surpoids, cela s'apparente à gagner au loto. J'ai eu des moments (et j'en ai encore) ou je haïssais réellement ma tête de débile et mon horrible, énorme ventre. Ce que j'ai quand même compris, c'est que quasiment toutes les femmes ont eu ce sentiment, quel que soit leur tour de taille.

C'est pendant mes études supérieures que j'ai été la plus lourde. Je faisais 80 kg pour 1m52, ce qui faisait officiellement de moi une obèse. A cette époque, ça ne me contrariait pas plus que ça. Selon ma mère, la société, ou ce que vous voulez, ça aurait dû être le cas, mais je m'en moquais. Lorsque je me regardais dans le miroir, je ne voyais toujours pas une personne moche. Depuis que j'ai arrêté de manger aux buffets à volonté de la cafétéria de l'université, j'ai perdu quelques kilos. Cependant, je reste quand même « grosse ».

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L'auteure aujourd'hui

Après plusieurs années à m'être forcée à perdre du poids – en vain –, j'en suis arrivée à la conclusion que la vie est mieux sans compter les calories, sans sentir mon échec parce que j'ai mangé un bout de pain de trop dans la corbeille d'un restaurant. J'entends toujours des voix qui m'ordonnent de perdre 20 kilos. Elles me suivent où que j'aille, comme dans Un homme d'exception. Et tel le génie mathématique John Nash, je me suis entraînée à ne plus laisser ces voix contrôler ma vie – bien qu'elles en fassent partie intégrante.

Bien sûr, je sais que ces 20 kilos en moins pourraient me catapulter du statut de meilleure amie sympa au premier rôle d'une comédie romantique. Je sais aussi que ces 20 kilos en moins pourraient me conduire à être deux fois plus harcelée par des inconnus dans la rue. Je sais aussi que ces 20 kilos m'aideraient à faire parfaitement la roue. Je sais tout cela, mais ça ne m'intéresse toujours pas. En ce moment, je me sens bien comme je suis, à faire de la marche à pied mon exercice principal. Bien que j'aime clamer mon amour des pizzas au reste du monde, j'ai gardé un régime plutôt sain tout au long de ma vie d'adulte. Pas strict, mais disons plus sain que l'Américain moyen. Je sais que cela ne signifie pas grand-chose, mais sachez qu'il y a du quinoa micro-ondable dans mon congélateur.

Je ne vais pas mentir et dire que je détesterais être mince. C'est des conneries. Je suis simplement en train de dire que je ne hais pas mon surpoids. Un homme d'âge moyen qui touche régulièrement mon vagin avec des objets en métal (connu pour être mon gynécologue) me dit que perdre du poids serait la seule façon de guérir de ma SOPK. C'est ma seule motivation à essayer de perdre du poids, mais je ne suis pas pressée. C'est étrange de sentir que quelque chose ne va pas avec vous parce que vous ne vous méprisez pas.

Certains d'entre vous vont penser que je ne devrais pas faire l'apologie de la positivité corporelle parce qu'il vous arrive de penser que c'est moche. Vous pouvez également essayer de déguiser votre dégoût des femmes fortes avec toutes ces merdes diététiques, comme si nous n'allions pas tous mourir un jour. C'est bon. Pour les dix d'entre vous qui me trouvent horrible, il y en a dix autres qui sont prêt à me baiser, sans égard pour mes vergetures et mes cuisses imposantes. Et quand je pense à ça, je me sens plutôt bien.

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