Critique gastronomique de la Rue des Pittas

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Critique gastronomique de la Rue des Pittas

On a testé tous les grecs de l’horrible rue de la capitale en essayant tant bien que mal d’oublier la légende urbaine de la sauce blanche au sperme.
Marine Coutereel
Brussels, BE
VP
Brussels, BE

On a tous mis les pieds dans la Rue du Marché aux Fromages, officieusement appelée Rue des Pittas : une soirée dans le centre, la faim qui tambourine dans un système digestif agressé par les litres d’alcool, l’envie d’engloutir quelque chose de chaud, de pas cher et de rapide, pour tapisser le tout avant de repartir au combat sur la piste du Celtica ou commencer la journée au Zodiak. Telles des mouches, on fait l’erreur d’être attirés par les enseignes colorées, de succomber aux serveurs mielleux qui invitent à entrer, pour finalement se retrouver assis au milieu de touristes beuglants et dépravés, les fesses collées sur une banquette en simili-cuir.

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Une fois là-bas, un choix cornélien peut faire surface dans les esprits anesthésiés par l’alcool : Quel grec choisir ? Comme choisir, c’est renoncer, j’ai, par un doux vendredi soir, testé pour vous les cinq snacks qui promettent « la meilleure pitta de la ville ».

Hellas – Depuis 1986

Afin de rester pro, j’ai décidé de coller à une méthodologie typiquement cartésienne : les tester dans l’ordre. Il s’agit donc ici du premier de la rue sur votre gauche quand vous avez la Grand-Place dans le dos. Déjà, les mecs font chier. On ne peut pas manger sur place si on ne prend qu’une seule pitta. On rajoute deux boissons pour amadouer ces radins et l’affaire est dans le sac. Je leur demande la meilleure de leurs pittas. Ils m’orientent vers la classique, à savoir gyros, chou et sauce blanche. Dix points pour l’originalité. Je n’ai même pas le temps d’observer en détails les somptueuses fresques grecques et les décors en trompe l’oeil que ma pitta est déjà posée devant moi.

Bon, niveau présentation, on repassera. Assiette en carton et serviette en papier aussi douce qu’un pied de footballeur. La viande est bonne, pas trop grasse. Le pain est un peu sec, beaucoup trop fin. La sauce est bien présente, peut-être un chouia trop. Rien d’horrible, pour le prix, ça fait le taf. Je la termine sans problème, noyée dans un décor qui veut absolument me faire avaler que je suis à Santorin.

Prix : 4 euros
Accueil et service : 2/10
Ambiance et décor : 7/10
Rapidité : 10/10
Aspect et présentation : 3/10
Goût : 7/10

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Plaka – Depuis 1985

Collé au snack Hellas, vous trouverez directement Plaka. L’accueil est, comme toujours, très (trop) sympa et très (trop) bruyant. S’installer à l’intérieur pour une seule pitta ne pose aucun problème, c’est une bonne nouvelle. Ici, le décor est principalement rouge et niveau peintures murales, on reste bien coincé dans la scéno hellénique kitsch. Même scénario, après avoir demandé la meilleure, on me propose la pitta Plaka, pitta gyros basique pimpée de concombre et dés de tomates. Adjugé. Deux minutes plus tard montre en main, la voilà qui arrive. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne me laisse pas le temps d’avoir faim. On me fait l’honneur de m’apporter une vraie assiette, ce que je jugerais presque chic.

La pitta a vraiment l’air appétissante. Je croque dedans pendant que mon copain me canarde au flash. La sauce blanche est très liquide et a un fort arrière goût de yaourt. J’en fous partout, c’est un peu gore. Le pain est bien meilleur que chez Hellas, plus épais et plus moelleux. La viande est bonne, croustillante, mais il pourrait y en avoir plus. Le gérant vient nous voir et nous engueule pour les photos prises sans permission. Bonne ambiance. À partir de ce moment là, je décide de me faire passer pour une blogueuse food russe. La pitta commence à m’écoeurer et me pèse un peu sur l’estomac. La sauce est beaucoup trop salée, et la flaque de graisse qui goutte au fond de l’assiette m’empêche de la terminer.

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Prix : 4 euros
Accueil et service : 4/10
Ambiance et décor : 7/10
Rapidité : 10/10
Aspect et présentation : 8/10
Goût : 6/10

Mykonos – Depuis 1983

Je m’accorde le quart d’heure digestif et me laisse ensuite séduire par les roucoulades du serveur du Mykonos. Sur les murs, une sirène topless échouée sur une plage me fait de l’oeil. Dans un anglais que j’agrémente de ce que j’imagine être l’accent russe, je demande conseil au gérant. Il m’indique sans hésiter la Pitta Mykonos. Spasiba. Cinq minutes de sirtaki plus tard, elle arrive enfin. Une oeuvre d’art. J’en pleurerais presque. Le pain n’a pas la forme ronde habituelle et est emballé dans un papier vichy rose.

Même si je n’ai plus faim, j’attaque le cornet. Le pain est épais, mais bien chaud et croustillant. Niveau ingrédients, des tomates et des oignons pour la fraîcheur, et quelques frites pour foutre les boules aux puristes. C’est super bon. C’est super bon jusqu’à ce que mes papilles envoient un signal alerte rouge à mon cerveau : la viande est dégueulasse. Mais quand je dis dégueulasse, je pense ignoble. Se succèdent dans ma tête plusieurs images sorties tout droit de l’enfer : un morceau de viande avariée, la vieille tranche de jambon irisée au fond du frigo, et puis, fatalement, la légendaire sauce blanche vengeresse pompée en direct sous le slibard, qui colle à la réputation de cette rue comme une capote usagée oubliée sur le sol de la chambre. Je sors prendre l’air et cracher dans une poubelle. Dommage, c’était bien parti.

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Prix : 5 euros
Accueil et service : 8/10
Ambiance et décor : 6/10
Rapidité : 8/10
Aspect et présentation : 10/10
Goût : 3/10

Santorini – Depuis 2010

Le fait que ce soit l’avant dernier me remet un peu de baume au coeur. La salle est assez grande, mais vide. Les mecs ont amené le fresque game à un tout autre niveau : les fenêtres des maisons sont éclairées aux led bleus. Je suis aveuglée par tant de bon goût. On s’installe près d’un aquarium vide, et je commande la pitta Santorini. L’attente est plus longue que d’habitude, la musique toujours grecque, mais plus boys band que traditionnelle. Les serveurs ne tirent pas la tronche quand on prend des photos d’ambiance, c’est limite si on n’existait pas. Ça me plaît.

La pitta arrive, servie en toute simplicité sur une assiette en émail. Il y a de la feta et des tomates par dessus le gyros. Et c’est reparti. Le pain est parfait, on sent qu’il est artisanal, ou du moins veut s’en donner l’air. Le gyros goûte la viande délicatement braisée et n’est pas noyé de sauce, c’est vraiment bon. La pitta est assez fournie, je pense que c’est la plus grosse que j’ai eu en main jusqu’à présent. Seul bémol: la feta est un peu sèche et goûte le carton-pâte.

Prix : 5 euros
Accueil et service : 6/10
Ambiance et décor : 6/10
Rapidité : 5/10
Aspect et présentation : 7/10
Goût : 7/10

Athènes – Depuis 1981

Arrivée en haut de la rue, le snack Athènes signifie la délivrance. Les trois boutons de mon jeans ont déjà sauté depuis belle lurette, mais comme je prends le truc à coeur je pénètre une fois de plus dans le snack. Le gérant est super sympa, il nous fait des blagues et nous conseille la classique, en toute simplicité. Gyros, chou et sauce blanche, la boucle est bouclée. On s’assied sur la petite terrasse car l’intérieur ne casse pas des briques, les peintures ne sont pas super funs et je ne peux plus supporter ces relents de graisse et de friture. Le temps de fumer une clope et la pitta arrive, servie dans un petit bol en inox.

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Quand je la prends en main, elle pèse le poids d’un cochon mort. Et directement, je le sais, je le sens : ce sera elle la meilleure. À peine la première bouchée avalée, j’en prends une deuxième. Plus rien ne semble pouvoir m’arrêter, ni la sauce ni les questions du patron qui visiblement veut continuer à nous taper causette. La sauce est savamment dosée, tout comme le chou. À relever: le pain n’a pas craqué malgré les quantités astronomiques, je n’ai donc pas terminé les doigts dégoulinants de jus de viande, et j’ai pu attraper les deux sucettes offertes par la maison avec des mains immaculées de princesse russe.

Prix : 4 euros
Accueil et service : 9/10
Ambiance et décor : 7/10
Rapidité : 7/10
Aspect et présentation : 7/10
Goût : 9/10

Verdict

Bon, soyons honnêtes, la ruelle bondée n’a rien à voir avec l’Olympe en terme de gastronomie. Vous y croiserez plus d’Héphaïstos que d’Apollons, mais si vous cherchez un snack sur le pouce, ce n’est pas vraiment pire qu’ailleurs. Prenez juste la peine de traîner votre carcasse tout en haut de la rue, et n’y allez peut-être pas totalement sobre. Pour ce qui est de mon haleine du lendemain, ça, c’est une autre histoire.