Amuse-bouches : demi-douzaine d'huîtres
Dix minutes avant notre rendez-vous, j’avais reçu un appel de Dis Huyghe, son manager. « Gorik est un peu malade », m’avait-il dit. « Allez, pas vraiment malade, mais un peu fatigué. Il a vraiment passé des semaines très difficiles avec toutes ces préparations pour les concerts et les nombreuses interviews. » Je ne comprenais pas vraiment où Dis voulait en venir et je lui ai donc demandé si l'entretien pouvait toujours avoir lieu. « Oui, oui, mais je pense que Gorik veut juste bien manger et parler d'autre chose que de sa mère. » Depuis la release de son clip « Gorik pt.1 » à la fin du mois de novembre, Zwangere Guy avait expliqué dans presque toutes les interviews que sa mère avait été maltraitée et abusée par son beau-père. Ça a commencé avec son témoignage dans De afspraak et continué jusqu'à aujourd'hui. Il a raconté son histoire d’une façon si crue et directe qu'elle a presque étouffé son premier album, Wie is Guy. Presque, car l’album est tellement ridiculement bon que tout le monde s’en régale depuis deux semaines. Nous trinquons donc aussi à ce succès.« J'ai un traumatisme avec les bananes. Une prof m'a une fois enfoncé une banane de force dans la bouche et depuis, j’ai un blocage. »
« Je pense que je vais prendre la sole. Ou le tartare de thon qui est aussi super bon ici. Même si j’ai déjà pris ça la dernière fois. Est-ce que tu manges vraiment de tout ? » me demande-t-il sans même attendre la réponse. « Moi j'aime tout, sauf un truc : les bananes. » Je lui dis que je mange une banane par jour et qu’une banane, c’est en fait le super aliment par excellence. « J'ai un traumatisme avec la banane », dit Gorik. « Une prof m'a une fois enfoncé une banane de force dans la bouche et depuis, j’ai un blocage. » Je lui confie que ma grand-mère souffre de ça aussi et que les bananes lui donne des hauts-le-cœur. « J'ai récemment mangé une banane en Afrique, mais elles sont différentes. »« Jusqu'à mes quatorze ans, j'étais pas facile pour manger. À partir du moment où j'ai dormi chez des personnes différentes chaque soir, c'est devenu plus difficile de refuser ce qu'on me servait. »
Pour la photo : croquettes aux crevettes
Gorik vient souvent ici. « Sur le temps de midi c’est un peu mort, mais le soir c’est toujours la grosse fête. Charlotte, la patronne, c’est vraiment une bête. Et Tom, le propriétaire, qui n’est pas ici pour le moment, c’est un véritable mélomane qui passe souvent des disques. » Bien que Wie is Guy est déjà sur les plateformes de streaming et sorti en CD, le vinyle est toujours en préparation. « Ça, ça va être le meilleur moment. Je suis vraiment impatient de tenir ce disque en main. Bien que, pour être honnête, ça fait déjà deux semaines que je fais la fête. Deux semaines qui ressemblent à un long anniversaire. Je suis vraiment dépassé par l’accueil que ce disque reçoit. »« Pour la première écoute, il ne faut pas l'écouter d'une seule traite, parce que l’album est bien trop dur. Il faut écouter quelques morceaux, puis faire un pause. Ensuite seulement, lui donner une seconde chance. »
Entrée : croquettes au fromage
« J'ai vécu à trois cents mètres du premier Mediamarkt de Belgique. J’allais là-bas acheter de la musique avec Frederik Daem, qui est écrivain. Il s’est avéré que Steve travaillait là-bas, un gars du quartier avec qui j’avais fumé des joints. Il nous collait des stickers sur les CD qu’on voulait. ‘4,99€’ sur un CD de vingt balles. J'ai vraiment acheté énormément là-bas. Et aussi à Lefto chez Music Mania, mais les bacs de cds étaient placés bien trop haut pour moi. Il fallait que Frederik, qui avait une tête de plus que moi, me les sorte : hip-hop français, Nas, 2Pac, … »La veille, Gorik a passé successivement dix morceaux de 2Pac lors d'une soirée. « C'était pour faire la fermeture du Daringman, le bar où Mercedes tient le comptoir. C'est une amie à moi. » On dirait qu'il connaît personnellement tous les gens des cafés bruxellois. « Je ne dirais pas ça non plus. Mais quand je vais quelque part, je veux me sentir chez moi. Dans un restaurant, je vais dire bonjour en cuisine et si je vais dix fois dans le même bar, je ne peux pas prétendre que je ne les connais pas. On va au café pour être social. Mon père a eu un café qu'il a lui-même mis en faillite. J'y suis allé quelques fois et vous savez, un bon bar, c’est sacré. Avant, dans les Marolles, il y avait une corde dans chaque bar, à laquelle les gens étaient attachés. À la fin de la soirée, ils la coupaient, tout le monde tombait KO et ils vous traînaient dehors. On peut toujours trouver ces cordes dans certains cafés. »« J'ai vécu à trois cents mètres du premier Mediamarkt de Belgique. Un type avec qui j'avais fumé quelques joints collait des stickers 4,99 € sur des CD de vingt balles. J'en ai acheté beaucoup là-bas. »
Plat de résistance : trois filets de sole à l'Ostendaise
Gorik voulait me montrer son nouveau clip depuis les croquettes aux crevettes, celui du titre « Wie is Guy ». Mais à cause de toute cette bouffe, on n’avait pas encore réussi à trouver le temps. Quand les soles sont débarrassées, je peux enfin le voir. Pendant les six minutes où je regarde Zwangere fumer, vomir et tuer des gens à travers le paradis et l'enfer, Gorik profite de cet interlude pour bavarder avec à peu près toutes les personnes présentes au Vismet.« Il y a un démon en moi. J’aimerais bien prendre des drogues tous les jours, mais je sais que j’en deviendrais fou. »
Digestif : espresso
Ne s'inquiète-t-il pas pour l'avenir ? « Les gens me préviennent que je vais tomber dans une espèce de trou noir, mais je viens déjà de la misère. Les choses ne font que s'améliorer. Je veux juste en profiter. » Je lui suggère que plus tard, il pourrait peut-être ouvrir un restaurant. « J'y ai pensé pendant longtemps mais maintenant, j'ai un meilleur plan. Dans dix ou douze ans, je serai le patron de l’AB. Pas directeur artistique ou un truc du genre, hein. Non, vraiment le boss. PDG. Si j’avais un resto, je deviendrais gras du bide et je boirais beaucoup trop. Mais bon, d’un autre côté, je le fais déjà. »« Les gens me préviennent que je vais tomber dans une espèce de trou noir, mais je viens déjà de la misère. Les choses ne font que s'améliorer. »