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Intelligence animale : les poules se révèlent bien moins connes que prévu

On a parlé avec Lori Marino, une chercheuse en neurosciences qui a compilé toutes les publications scientifiques qui font état du Q.I de nos oiseaux de basse-cour préférés.

En matière d’intelligence animale, tout le monde sait que les cochons ont la réputation d’être roublards, les vaches d’être stupides et que celle des poules se situe quelque part entre les oiseaux et les poissons rouges.

Après avoir regardé une poule droit dans les yeux (et avant d’en avoir fait danser une dans La Ballade de Bruno), le réalisateur Werner Herzog avait lourdement insisté sur l’ « aberrante énormité de leur cerveau plat et de leur stupidité ».

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Pourtant la viande, la peau et les œufs de poule ont plutôt bon goût, en plus d’être bon marché. Rien qu’en France, on consomme 1,5 milliard de poulets chaque année ; c’est plus de 24 kg par personne et par an. Il va sans dire que cette consommation de masse n’est pas synonyme de conditions de vie agréables. Mais peu importe. Après tout, ces créatures sont d’une stupidité sans nom, pas vrai ?

Faux. C’est là où l’on se mettrait tous le doigt dans l’œil.

Aussi doué que soit Werner Herzog pour saisir la subtilité et l’absurdité de la condition humaine, il se pourrait bien qu’il soit passé à côté de la psychologie du poulet. Car oui, il existe bel et bien une psychologie du poulet.

Lori Marino est chercheuse en neurosciences et biologie comportementale à l’université Emory. Elle a publié une étude intitulée : « Thinking chickens: a review of cognition, emotion, and behavior in the domestic chicken » ( Poulets pensants : psychologie, émotion et comportement du poulet domestiqué, en VF ) dans la revue Animal Cognition.

Marino a rassemblé toutes les publications existantes sur les poulets et examiné la littérature scientifique, notamment des catégories telles que la capacité numérique, la perception du temps, la communication et la personnalité. Ses résultats sont assez surprenants et pourraient bien vous faire reconsidérer votre position sur l’intellect de votre oiseau inapte au vol préféré.

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VICE: Les poulets sont-ils vraiment « plus bêtes » que les autres animaux ?
Lori Marino : Non. Je pense que les poulets sont « désavantagés » pour diverses raisons. D’abord, ce ne sont pas des mammifères et les humains aiment les manger. En général, les gens ont tendance à penser que les mammifères sont plus intelligents que les oiseaux, alors que ce n’est pas toujours le cas. Et plus important encore, les gens minimisent l’intelligence, la sensibilité et la conscience des animaux qu’ils mangent, car le contraire entraîne une trop grande dissonance cognitive. Ils les voient comme n’étant rien de plus qu’un aliment, un produit.

Selon vos recherches, quelle est la plus grande idée préconçue au sujet de l’intelligence des poulets ?
Je pense que le préjugé le plus répandu est qu’en plus de ne pas être intelligents, ils n’ont pas non plus de sentiments ou de réflexions. Au cours de ma recherche, j’ai été frappée par le niveau de complexité sociale et de sensibilité émotionnelle envers autrui qu’ils présentaient et que nous attribuons habituellement aux mammifères.

Ils ont donc conscience d’eux-mêmes et des autres ?
Ils aiment beaucoup faire des comparaisons entre eux et les autres poulets, et utilisent parfois ces comparaisons de manières qui peuvent être considérées comme « machiavéliques » ou stratégiques. Ils apprennent aussi les uns des autres en s’observant. Ils sont aussi capables d’être affectés par les émotions des autres poulets, ce qui est le fondement psychologique d’une forme d’empathie simple.

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Le terme « psychologie du poulet » revient plusieurs fois dans votre article. Que veut-il dire ?
La psychologie est l’étude du comportement et de l’esprit. Quand on pense à un psychologue, on pense à quelqu’un qui travaille avec les humains. Mais tous les animaux ont un esprit et, par conséquent, ont une psychologie. Les poulets ne font pas exception à la règle. J’utilise le terme « psychologie » vraiment délibérément, car en plus d’être scientifiquement valable, il prend en compte le fait que les poulets ont effectivement un esprit.

Nous avons tellement de façons de nous référer aux poulets comme des « choses », mais nous devons reconnaître qu’ils ont un esprit et sont des individus comme les autres. Le langage est important et peut façonner nos perceptions. C’est pourquoi nous devons parler de « qui » et non de « quoi » pour désigner les poulets.

De toutes les choses que vous pouviez étudier, pourquoi avoir choisi de vous pencher sur le monde des poulets ?
Tout d’abord, mon but était d’étudier la littérature scientifique afin de séparer le fait de la fiction. Je voulais résumer ce que la science sait à propos de la personnalité des poulets et comprendre en quoi ils peuvent constituer un domaine de recherches intéressant et convaincant. Donc l’article suit sa propre voie et devra faire l’objet d’un examen scientifique. Mais, ceci dit, je crois que la science peut et doit informer nos perceptions et notre comportement.

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Est-ce que vous appelez à un traitement plus humain des poulets ?
Nous devrions traiter tous les animaux plus humainement, c’est certain, mais en ce qui concerne les poulets, je pense que nous avons vraiment besoin de revoir la façon dont nous les traitons sur une base quotidienne et systématique. Nous partons de la fausse supposition qu’ils n’ont pas de vie psychologique riche ou de sentiments. Ce n’est tout simplement pas vrai et nous devons approfondir cette connaissance si nous voulons vraiment agir comme les êtres sensibles et compatissants que nous sommes.

Wow. Très intéressant. Merci de nous avoir parlé.

Cet article a été initialement publié sur MUNCHIES UK

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