E-sport Stefano Pinna PSV champion du monde FIFA PlayStation

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People of the Year: le joueur d'e-sport Stefano Pinna

En 2018, le sportif limbourgeois a gagné le titre de champion de monde FIFA sur PlayStation.

Lorsque j’entre dans la salle d'e-sport du club néerlandais PSV Eindhoven, Stefano Pinna pose pour le photographe d’un magazine de foot, visiblement à contre-cœur. L’ancienne skybox a une vue directe sur le terrain de football et est équipée de 4 consoles, 8 sièges en cuir avec le logo du club et un écran qui fait la taille de la pièce ; tout y est placé sous le signe de la FIFA. C’est ici que Stefano s’entraîne au moins deux fois par semaine avec son coéquipier, Ali Riza, sous l’œil attentif du coach Romal Abdi. « Manifeste davantage ta joie », s’exclame le photographe. « Comme si tu venais tout juste de marquer. » Stefano murmure qu’il ne jubile jamais à ce point, même quand il marque pour du vrai. Le Limbourgeois n’a rien d’un grand sportif, c’est plutôt sa capacité à garder la tête froide qui est à l’origine de ses victoires. Comme c’était le cas au mois d’août, à peine une semaine après avoir rejoint le PSV : il a remporté le titre de meilleur joueur mondial de FIFA sur PlayStation devant des milliers de personnes.

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Le jeune qui a abandonné ses études vient de boucler une année d’exception. Nous avons discuté de sa vie de footballeur professionnel, de gros chèques en banque et de l’absence de femmes dans la discipline.

VICE : Salut Stefano, comment vas-tu ?
Stefano Pinna : Très bien à vrai dire. Bien que je sois très occupé. Je viens de participer à un tournoi à Bucarest, j’ai enchaîné avec un match au Pays-Bas dans le cadre de la e-Division pour finalement repartir à Londres. En plus, je viens deux à trois fois par semaine au club pour m’entraîner. Ça commence à ressembler à la vie des vrais footballeurs.

Comment qualifierais-tu 2018, était-ce une bonne année ?
Jusqu’ici, ça a été la meilleure année de ma carrière au sein de la FIFA. J’ai eu l’occasion de vivre beaucoup de choses et de voyager à maintes reprises. Que des bonnes choses.

Imaginais-tu un tel succès il y a un an : un contrat pro, champion du monde sur PlayStation ?
C’était mon but de devenir professionnel, mais je ne pensais pas que ça irait aussi vite. Il y avait déjà des personnes intéressées. Lorsqu’on joue bien aux grands tournois, on garde un œil sur nous en permanence, mais PSV a été la première demande concrète. Racing Genk, l’équipe de ma région, n’a par exemple pas encore de joueur d'e-sport.

PSV e-sport FIFA Stefano Pinna

Tu peux difficilement dire le contraire, mais es-tu heureux chez PSV ?
Absolument, ce n’est qu’à trois quarts d’heure de route et ils sont déjà bien plus avancés que la Belgique au niveau du e-sport. La Jupiler Pro League compte cependant se lancer à son tour dans une compétition FIFA. À partir du moment où tous les clubs ont un joueur et que les matchs sont diffusés en direct, ça peut vite prendre de l’ampleur.

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"Je viens de participer à un tournoi à Bucarest, j’ai enchaîné avec un match aux Pays-Bas dans le cadre de la e-Division pour finalement repartir à Londres. Ça commence à ressembler à la vie des vrais footballeurs."

Bien que je pense connaître la réponse, quel était le point culminant de cette dernière année ?
La FIFA eWorld Cup à Londres, ça va de soi. J’étais parti sans attentes particulières, mais quand j’ai gagné la finale PlayStation, tout s’est précipité, les médias se sont rués sur moi. J’étais néanmoins extrêmement déçu d’avoir perdu la grande finale contre le joueur Xbox. Ça aurait été un tel honneur de remporter ce titre, et d’encaisser le chèque qui va avec.
Toujours est-il que quand je rencontre le vainqueur saoudien à d’autres tournois, on va se manger un morceau, sans rancune.

Est-ce que les gens de ton entourage se rendent compte de tes exploits ?
Les jeunes oui, et depuis le tournoi à l’O2 Arena toute ma famille me suit également à chaque tournoi. Tantes et oncles y compris. Ça amène une pression supplémentaire, pression que je m’inflige d’ailleurs à mon tour car je veux indubitablement améliorer mes prestations.

Quand t’es-tu rendu compte que tu pourrais faire carrière dans cette discipline ?
Lorsque j’ai atteint les demi-finales à Barcelone en début d’année. C’est à partir de ce moment-là que me suis focalisé sur ma carrière d’e-sporter. Jusqu’en 2006, je ne jouais qu’à Pro Evolution Soccer, puis un beau jour j’en ai eu assez et un cousin m’a présenté FIFA. Avec du recul, on peut dire que ça a été un vrai coup de pouce pour ma carrière, ha ! ha !

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Comment explique-t-on à ses parents que l’on veut devenir e-sporter ?
Le fait d’avoir deux frères qui étaient tous deux conscients de l’importance de la FIFA a beaucoup aidé. Ça a facilité les choses auprès de mes parents. Et quand on met les gains sur la table, ils se rendent rapidement compte que c’est bien plus qu’un jeu.

Considères-tu avoir pris un risque en mettant tous tes espoirs dans l'e-sport ?
Pas vraiment. Je n’avais pas de travail avant ça, je n’ai donc pas dû démissionner. J’ai quitté l’école à 18 ans, sans diplôme en poche. J’ai eu l’occasion de réaliser quelques stages, notamment en menuiserie et en peinture, mais ce n’étais pas quelque chose que j’aimais faire, je ne me voyais pas faire ça à long terme. J’aime la FIFA, je voulais avancer et créer quelque chose avec elle. Ce contrat pro est arrivé pile quand il le fallait.

"Il suffit de bien s’organiser et de bien répartir les quinze heures de jeu par weekend. Il y a également beaucoup d’adversaires qui déclarent forfait quand ils apprennent que la personne en face d’eux est un pro ; ça permet de gagner du temps."

À quel niveau pourrais-tu t’améliorer davantage ?
Mon niveau de jeu est suffisamment bon, c’est plutôt dans tout ce qu’il y a autour que j’ai encore beaucoup à apprendre : enregistrer des vidéos, développer mon charisme, m’exprimer avec plus d’assurance. Les Belges sont très différents des Néerlandais pour ça, et il est parfois difficile de s’adapter. Je dois également élargir ma présence sur les réseaux sociaux, bien que mon côté timide ne réveille pas en moi ce besoin d’y être omniprésent. Mon concurrent chez Ajax a dix fois plus de personnes qui le suivent que moi, tout le monde est différent.

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Actuellement, tu as un contrat d’un an. Est-ce que l’incertitude pour la suite t’empêche de dormir ?
Ça affecte le sommeil dans tous les cas, c’est d’ailleurs pour cette raison que j’essaie de faire les meilleures prestations possibles, pour que le PSV soit toujours satisfait en fin de saison. Le club s’investit réellement dans l'e-sporting, il suffit de jeter un coup d’œil autour de soi pour s’en rendre compte. Ce dévouement est crucial, c’est bien plus important qu’être le club le plus riche au monde. Regarde Brøndby IF, ils ont remporté un grand tournoi alors que ce n’est qu’un petit club du Danemark.

Te considères-tu comme un vrai joueur du PSV ?
Oui, c’est ce que j’ai toujours voulu : représenter un club. Je m’habille aux couleurs du PSV pour les tournois, bien que j’aie également des fans qui me suivent pour moi et non pas pour le club. Lors de la journée des fans, je dois prendre des selfies et distribuer des autographes. J’entends parfois les gens dire : c’est lui, c’est cet e-sporter du PSV.

Depuis que j’ai rejoint le club, je suis davantage l’équipe : la Première Division, la Champions League, les matchs en général. Dès que j’ai l’occasion, j’y assiste, mais je dois moi-même jouer les weekends.

Oui, j’ai entendu parler de quinze heures par weekend.
Oui, tout à fait, c’est assez lourd. On est occupé tout le weekend.

N’est-ce pas un peu irresponsable d’en attendre autant de la part des joueurs ?
Il suffit de bien s’organiser et de bien répartir les heures. Il y a également beaucoup d’adversaires qui déclarent forfait quand ils apprennent que la personne en face d’eux est un pro ; ça permet de gagner du temps. J’essaie aussi de me changer les idées en prenant l’air tout près du parc de Houthalen : je m’y promène ou j’y joue au foot, juste pour le plaisir du jeu.

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Est-ce que l’argent est une préoccupation majeure ?
Tant que je peux en vivre, ça me suffit. La crème de la crème a maximum 28 ans, j’ai donc encore sept ans devant moi. Il m’arrive de réfléchir à ce que je pourrais faire après. J’aimerais rester dans le milieu du e-sport, comme coach ou guide des jeunes joueurs. D’ici dix ans, ce sera un business qui aura pris de l’ampleur, il est donc difficile de prévoir les possibilités.

Qui as-tu admiré le plus cette dernière année ?
Eden Hazard au Mondial en Russie. Il était excellent et j’adore le voir jouer. On n’a pas souvent l’occasion de voir une génération en or de la sorte.

"Je n'ai pas vraiment le temps pour une petite amie. Je joue chaque weekend et tout ce que je veux c’est plus de victoires. Il n’y a d’ailleurs pas de femmes qui participent aux compétitions, je n’en croise jamais, à aucun tournoi."

Et quel était selon toi l’événement de l’année ?
Il est en dehors du monde du football cette fois, mais toujours dans le milieu sportif : l’équipe de hockey qui a remporté le championnat du monde en Inde, face aux Pays-Bas. Une belle performance bénéfique pour la Belgique. Je ne regarde pas souvent le hockey, mais je trouve que c’est plutôt sympa.

Quel est ton objectif en 2019 ?
Gagner la FIFA eWorld Cup. Et à côté de ça, bien vivre, faire en sorte d’être apprécié par tous, avoir la bonne attitude, y compris face aux fans du PSV. Quoi qu’il arrive, on est un modèle pour les jeunes. Je dois donc me comporter de façon exemplaire et ne pas dire de gros mots quand j’encaisse un goal.

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Et avoir ton chez-toi, comme le désirent de nombreuses personnes à ton âge ?
Honnêtement, très peu pour moi. Dans quelques années peut-être, quand j’aurai une copine.

As-tu le temps pour ça ?
Pas assez, je joue chaque weekend et tout ce que je veux c’est plus de victoires. Il n’y a d’ailleurs pas de femmes qui participent aux compétitions, je n’en croise jamais, à aucun tournoi. On rencontre cependant des joueuses quand on change de jeu, elles sont également présentes lors des directs. Le football reste un truc d’hommes à première vue, bien que de nos jours FIFA offre la possibilité de jouer avec des équipes féminines.

Je n’ai pas vraiment le temps pour sortir non plus. Je suis disponible en semaine quand mes amis travaillent et vice versa. Tout à l’heure, il y aura une petite réception de Noël avec l’ensemble des collaborateurs et des joueurs.

Arrive-t-il que ces joueurs de Première Division jouent contre toi ?
Bien qu’ils jouent tous beaucoup à FIFA dans leur temps libre, ils ne parviendraient pas à me battre.

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