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Victor Pattyn

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VICE Guide to Work

La star du KV Malines Xavier Chen fait maintenant de la street food à Ixelles

« Je bosse beaucoup plus maintenant que lorsque j'étais joueur de football professionnel. »

De comment survivre dans un espace de co-working au business model d'une travailleuse du sexe, tout ce que vous devez savoir pour vous en sortir dans la vie active est dans le VICE Guide to work.

Old Boy, le nouveau point névralgique de la street food à Ixelles, n'est pas juste un autre restaurant asiatique. Ici, pas de petits lampions en plastique rouge ni de goreng, nasi ou autres nouilles sur le menu. Pensez plutôt baos, wontons frits et porc effiloché. Un conseil pour tous ceux qui viendront manger ici : appelez le propriétaire et ancien footballeur pro Xavier Chen est dites lui que vous voulez discuter de sa carrière, et aussi bien de l’ancienne que de l’actuelle. Avant de vous en rendre compte, vous vous retrouverez assis au comptoir en marbre vert du petit restaurant bruxellois, devant une bouteille de vin à l'étiquette Chuck Norris. « Bienvenue et santé », trinque Xavier.

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Au cours de notre dîner, j'ai discuté avec l'icône du KV Malines de ses semaines de travail d’une centaine d’heures, de son refus de match d'adieu et de son statut de star à Taiwan.

VICE : Salut Xavier, comment un ancien footballeur professionnel en est-il venu à ouvrir un restaurant ?
Xavier : J'ai toujours combiné ma carrière avec des études de droit car je savais que je voulais aussi faire quelque chose en dehors du football. J'ai rencontré John Prigogine à l'ULB et il a proposé qu’on ouvre un restaurant ensemble. Ça me semblait être un projet assez facile à mettre en place, mais évidemment, j’avais tout faux. Je bosse beaucoup plus maintenant que lorsque j'étais joueur pro.

« J’ai bien gagné ma vie en tant que joueur de football, mais on ne voulait pas utiliser cet argent pour ça. Nous avons suivi la voie normale et avons demandé un prêt auprès de plusieurs banques. »

Qu'est-ce qui fait que c’est si difficile ?
Les deux premiers mois, notre équipe était trop petite et nous étions nous-mêmes impliqués dans toute l'affaire, sept jours sur sept. On était ici de neuf heures à une heure du matin, et on disposait d’une heure de pause pour reprendre notre souffle à la maison. Jouer au foot demande certes beaucoup de dévouement, mais en réalité, vous ne bossez vraiment que la moitié du temps. Dans un restaurant, il faut constamment résoudre des problèmes. Juste pour l'emplacement, on a dû chercher pendant un an.

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Ça n’a pas été plus facile pour toi car tu avais déjà de l’argent de côté grâce à ta carrière de footballeur ?
J’ai bien gagné ma vie, mais on ne voulait pas utiliser cet argent pour ça. Nous avons suivi la voie normale et nous sommes allés demander un prêt auprès de plusieurs banques. C'est la meilleure façon de tester ton projet. Il vaut mieux ne rien commencer sans y avoir longuement réfléchi. Il nous a fallu trois à quatre ans pour passer de l'idée du restaurant à son ouverture réelle.

Maintenant, une file de clients est à la porte chaque jour et les critiques sont élogieuses. Vas-tu construire un empire Old Boy ?
Dans quelques mois, on va proposer des plats à emporter à côté, mais vous ne verrez jamais quatre ou cinq Old Boy’s. Ça n'a jamais été l'objectif. Je suis également analyste chez Proximus et je suis une formation pour obtenir mon diplôme d’entraîneur. Mes journées sont donc bien assez longues comme ça.

« Je savais que le monde du football était un milieu difficile, mais j'ai commis l'erreur de trop compter sur l'honnêteté des gens. Chaque fois que le président du club me voyait sur le parking, il faisait demi-tour. »

Au cours des sept saisons que tu as passées au KV Malines, tu portais le club dans ton cœur, mais tu as dû faire tes adieux avec un peu d'amertume…
J'avais un accord verbal pour prolonger mon contrat, mais tout d’un coup, il n’en était plus question. Certains membres du conseil d’administration et l’entraîneur de l’époque, Yannick Ferrara, ont pris cette décision mais ne m’ont jamais dit pourquoi. Ils m’ont beaucoup déçu, et je le suis encore. Je savais que le monde du football était un milieu difficile et je connaissais les règles du jeu, mais j'ai commis l'erreur de trop compter sur l'honnêteté des gens. J'espérais qu'ils viendraient me dire pourquoi ils avaient changé d'avis. C'était la moindre des choses, et j’aurais accepté leur décision. Chaque fois que le président du club me voyait sur le parking, il faisait demi-tour.

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Tu as décidé de ne pas jouer les play-off 2 et tu as même refusé un match d'adieu.
C'est vrai, mais ça a été l'une des périodes les plus difficiles de ma vie. D'un côté, je voulais montrer au monde extérieur que je n'étais pas satisfait de ma situation. Du coup, jouer un match d'adieu aurait été hypocrite. Par ailleurs, je ne voulais pas partir en laissant un mauvais souvenir de moi aux supporters. Je ne sais toujours pas ce qu'ils pensent de moi maintenant, mais je devais continuer à pouvoir me regarder dans les yeux.

« J'ai joué deux matchs contre Robinho en Chine. Il n'était plus que l'ombre du joueur qu'il était avec le Real Madrid. »

Tu as joué en Chine pendant trois ans entre deux périodes au KV Malines. Qu'est-ce qui t’a convaincu d’aller jouer de l'autre côté du monde ?
J’étais à Malines depuis cinq ans et j'avais 29 ans. J'avais l’un des plus lourds contrats du club, mais en Chine, je pouvais gagner cinq fois plus d'argent. En plus de ça, je connaissais le monde asiatique à travers mes racines taïwanaises et j’avais envie de le découvrir.

Quelle a été l'ampleur du choc culturel ?
Énorme. J'habitais dans une « petite » ville de trois à quatre millions d'habitants, dont seulement une centaine étaient des étrangers. Du point de vue vie sociale, c’était pas incroyable. Si on avait trois ou quatre jours de congé, J'allais à Hong Kong ou en Thaïlande avec ma femme. En principe, tous les joueurs et le personnel vivaient ensemble dans un hôtel cinq étoiles. Presque tous les jours, il y avait des réunions d'équipe qui souvent, ne concernaient pas grand-chose. Je voulais séparer ma vie quotidienne du football donc après un certain temps j'ai pris mon propre appartement. Mais du coup, je me suis retrouvé à faire un trajet en taxi d'une demi-heure chaque jour pour continuer à me rendre à ces réunions dénuées de sens.

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Comment était le niveau en Chine ?
Le jeu n'y était pas encore mature. Je l’ai surtout remarqué en observant le style de vie des joueurs. Nous avions des entraînements à 16 heures donc certains joueurs ne se couchaient que vers deux heures du matin. Ils ne faisaient pas attention à leur alimentation. Mais en parallèle, il y avait des règles très strictes sur d'autres sujets. Par exemple, ils vérifiaient que vous étiez bien dans votre chambre à 23 heures. J'ai joué deux matchs là-bas contre Robinho. Il n'était plus que l'ombre du joueur qu'il était avec le Real Madrid.

« Quand le syndicat est arrivé pour me persuader de jouer pour Taiwan, une foule de journalistes m'attendait à l'aéroport. »

Entre temps, tu es devenu une star à Taiwan sans encore avoir joué un seul match. Comme ça se fait ?
A cette époque, seuls les semi-professionnels jouaient avec l'équipe nationale taïwanaise. J'étais le seul qui jouait comme pro à l’étranger, même si je ne suis qu'à moitié taïwanais. Donc pour eux, j'étais un pionnier. Quand le syndicat est arrivé pour me persuader de jouer pour Taiwan, une foule de journalistes m'attendait à l'aéroport. Des dizaines de cameramen ont assisté à la conférence de presse. Ça a été suivi par des obligations envers les sponsors et des séances photo pour les magazines. Maintenant, je me rends à Taiwan deux fois par an. La dernière fois que j’y suis allé, c’était suite à la coupe du monde, pour deux semaines de promo pour une grande marque.

As-tu toujours été fier de porter le maillot Taïwanais ?
Oui, je l’ai toujours fait avec grand plaisir. Non seulement parce qu’avec ça, je pouvais jouer contre et dans d'autres pays asiatiques, mais c'était aussi l’occasion d’apprendre à connaître le lieu de naissance de mon père et de mon grand-père. Ce dernier est maintenant décédé, mais j’allais lui rendre visite dès que possible. J'ai tissé un lien avec ce pays pour le restant de ma vie.

Tu n'as jamais eu envie de quitter la restauration et de replonger dans tes chaussures de foot ?
Non, je ne regrette pas une seule seconde. Nous avons toujours attiré beaucoup de monde, dès l'ouverture. Chaque jour, il y a une file qui se presse à la porte. Franchement, qu’est ce que je pourrais souhaiter de plus ?

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