Les clubs Kompass et Fuse s'associent pour Rave Rebels au Palais 12
Culture

Que signifie le mot ‘rave’ en 2019 pour les créateurs du Fuse et du Kompass

« Chacun devrait se sentir libre d’utiliser le mot 'rave' comme il l’entend. »
TB
Brussels, BE

Le 12 octobre prochain, deux de nos clubs belges les plus sollicités s’associent au profit de Rave Rebels, un événement à la production colossale. À ma droite, le Fuse, qui fêtait récemment ses 25 ans de fêtes explosives et suintantes dans son club de la rue Blaes ; à ma gauche, une formation bien plus jeune, le Kompass, auquel trois ans auront suffi pour conquérir la ville de Gand avec des programmations alliant exigence et diversité.

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À leurs commandes, Nick et Jens, issus de deux générations bien différentes. Le premier a vu la scène grandir, s’imposer et se transformer de l’intérieur, et ce dès les tous premiers battements de basses en 1988. Le second, plus jeune, garde quant à lui les yeux rivés sur chaque nouveau ramage musical et sur les nouveaux visages d’un public qui lui ressemble.

Joignant leurs forces pour l’organisation de Rave Rebels, Nick et Jens promettent une expérience mémorable : un retour à l’atmosphère authentique, hypnotique et dissidente des premières rave-parties, au coeur du gigantesque Palais 12. Alors que le terme ‘rave’ n’en finit plus d’être décliné et redéfini, on voulait s’asseoir avec eux pour réfléchir à l’évolution du terme, des teufs illégales des années nonante jusqu’aux méga-clubs d’aujourd’hui. Et bizarrement, malgré la quinzaine d’années qui les sépare, ces mecs semblent toujours parler d’une seule voix.

VICE : Le Fuse et le Kompass s’associent le mois prochain sous la bannière ‘Rave Rebels’. Quelle était votre intention derrière le choix de ce nom ?
Jens : On a choisi ce titre après s’être posé des questions sur le sens du mot ‘rave’. Aujourd’hui, beaucoup de gens pensent qu’une rave ne peut jouer que la techno la plus dure. C’est totalement faux. Si tu t’intéresses aux origines du mot - qui remontent au ‘Summer of Rave’ de 1988 - tu réalises qu’il s’agit d’abord de gens qui décident de se retrouver sur un dancefloor. Autour d’une musique principalement électronique, mais qui ne se limitait sûrement pas à un genre particulier. Il y a tellement de nouvelles idées et d’influences qui s’élèvent aujourd’hui, de la nouvelle house à la techno trancy, que personne ne voyait arriver.

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C’est l’idée qui nous a motivés dès le départ : organiser un événement qui ne se concentrerait pas sur un genre musical mais dans lequel on pourrait expérimenter et traverser différents univers grâce à un line-up solide.

En clair, qu’est-ce que c’est une rave-party ?
Jens : Une rave est un rassemblement autour de la musique. Un espace dans lequel personne ne peut être exclu selon le job qui l’occupe pendant la semaine, sa couleur de peau ou son orientation sexuelle. C’est un endroit où l’on est invité à être soi-même et où l’égalité entre les participants est primordiale. Les raves ont toujours cette atmosphère unique et difficile à définir qui ouvre un chemin hors des réalités de notre société.
Nick : Pour moi, c’est un lieu, un groupe de gens partageant un certain état d’esprit qui s’en vont ensemble en quête de communion. Il s’agit bien plus du concept et du public que du line up, finalement.

Cela fait plus de vingt ans que le Fuse fait vivre la scène techno à Bruxelles. Nick, as-tu perçu une évolution dans notre définition du mot rave ?
Nick : Oui. Malheureusement, je suis assez vieux pour me souvenir de la première fois qu’on entendait le mot ‘rave’ aux infos. J’avais 12 ans, c’était à la télé. Un reportage au Royaume-Uni montrait des gens se faire violemment sortir d’une warehouse où avait lieu une rave. J’ai vécu la longue transition de ces raves illégales aux fêtes légales d’aujourd’hui. À l’époque, les clubs ne voyaient aucun intérêt à jouer de la house ou de la techno. Les artistes et leur communauté devaient se débrouiller seuls, même si cela signifiait verser dans l’illégal.

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Qu’est-ce qui a changé dans notre manière de faire la fête ?
Nick : Avant les années 2000, il n’y avait aucun format préétabli. Une rave pouvait avoir un bon système son ou pas, un light-show de dingue ou pas de light-show du tout. Sur internet, on peut retrouver des vidéos de Carl Cox aux platines en 1988. On l’entend jouer du breakbeat, puis partir sur de la trance avant de revenir sur des sons plus housy. Je crois qu’il n’y avait pas assez de morceaux sur le marché pour pouvoir se concentrer sur un seul genre. Et même s’il y en avait assez, les foules étaient moins uniformes, les sensibilités plus disparates et les DJs tenaient à toucher tout le monde.

C’est seulement après les années nonante qu’on a commencé à produire des soirées trance, drum and bass, ou techno. On a séparé les genres et les publics pour créer des communautés distinctes. Puis, la techno est devenue le genre musical dominant de la musique électronique. D’énormes festivals comme Timewarp ou I Love Techno se sont mis à produire des line-ups 100% techno, et le public s’est mis à associer la rave à cette musique.

Alors quels sont les ingrédients d’une authentique rave ?
Nick : Je pense qu’on commence à parler de rave à partir de 1000 personnes sur le dancefloor. Il faut un minimum de monde. Des gens qui ne se connaissent pas à l’avance et qui pensent peut-être différemment les uns des autres.
Jens : Les besoins en termes de système son et de lumières restent très importants. Dès les premières teufs anglaises, cet aspect était primordial. On en a fait une priorité pour Rave Rebels : un light-show terrifiant et un système son massif.
Nick : Le système son ne doit pas être bon ou puissant : il doit être massif. Si tu me demandes ma marque de sono favorite, je te réponds : « Je m’en tape, tant que le système son est massif. »

En associant la rave au mot ‘rebels’, essayez-vous d’affirmer quelque chose à propos de l’aspect politique des musiques électroniques ?
Jens : Pas vraiment. À vrai dire, on pense qu’il est bon de rester hors de la politique.
Nick : Pour moi, la musique n’a jamais vraiment été liée à la politique. Elle porte un message, oui, mais je pense que celui-ci est apolitique. Et n’est-ce pas justement ce qui le rend si beau ?
Jens : L’esprit rebelle fait surtout référence à l’artiste qui sommeille en chacun de nous. Quelque part, si quelque chose lie les différents publics de musique électronique, c’est leur créativité, leur intérêt pour la musique, la photo, la mode, l’art en général.
Nick : En associant les mots ‘rave’ et ‘rebels’, on s’offre aussi une grande liberté : celle de ne pas suivre les codes et la définition populaire d’une rave en 2019. Aujourd’hui, si tu demandes ce que se doit d’être une rave, les gens te répondent avec une liste de dix artistes. C’est dommage, ça limite énormément notre travail.

Pensez-vous que le mot ‘rave’ puisse être parfois utilisé à tort et à travers ?
Jens : Pas du tout. Chacun devrait se sentir libre d’utiliser ce mot comme il l’entend.

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