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Drogue

Oubliez le Pastis, c'est la coke qui a la cote chez les joueurs de pétanque

Deux grands joueurs de pétanque néerlandais expliquent pourquoi leur sport de prédilection est miné par la coke et la weed.
Marine Coutereel
traduit par Marine Coutereel
Brussels, BE

« Je pense qu'il y a beaucoup de drogue dans le monde de la pétanque, surtout en France et en Belgique. Je connais moi-même pas mal de joueurs belges qui prennent de la coke. »
Pour beaucoup de personnes (âgées), une partie de pétanque est avant tout un passe-temps rigolo, mais selon Kees Koogje (27 ans) et Edward Vinke (46 ans), certains vont beaucoup plus loin dans la compétition et seraient prêts à faire (et à prendre) n'importe quoi pour se rapprocher du cochonnet.

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Ces deux hommes ont été champions aux Pays-Bas et ont pris part aux compétitions européennes et internationales. À la cantine de l'association de pétanque Petanque Union Kennemerland, j'ai discuté avec Kees et Edwin de l'image de leur sport, d'argent et de la quantité de coke sniffée dans le cercle fermé qu'est le petit monde de la pétanque.

VICE : Les gars, la pétanque, c'est pas un sport de vieillard ou un truc de camping ?
Edward : Aux Pays-Bas, il y a effectivement un problème d'image. Ça a toujours été considéré comme un sport pour les vieux beaux du camping, mais heureusement, les choses sont en train de changer. D'autant que de plus en plus de bars branchés commencent à ouvrir, tels que le Mooi Boules à Amsterdam et Utrecht. Si ça continue sur cette lancée, ça deviendra un jeu très connu dans deux ou trois ans aux Pays-Bas .
Kees : C'est déjà connu en fait, mais les gens en ont de très mauvaises perceptions. Ils y voient un jeu auquel les vieux jouent uniquement pour le plaisir. L’aspect concurrentiel est complètement oublié.
Edward : Quand je dis que je joue à la pétanque, bien souvent ça rigole. Mais si je raconte aussi que j'ai déjà été champion des Pays-Bas à plusieurs reprises et que j'ai participé à des championnats partout dans le monde, ça commence soudainement à les intéresser. Aux Pays-Bas, le sport est encore très petit pour le moment. Ce n'est pas non plus facile d'y consacrer beaucoup de temps : on ne peut pas vraiment gagner d'argent avec et la plupart des coûts liés à sa pratique sont à votre charge.

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Est-il impossible de devenir riche en jouant à la pétanque ?
Kees : Si vous gagnez beaucoup, vous gagnez un peu d'argent, oui. Mais vous ne deviendrez certainement pas riche. Ce n'est pas comme si j'allais bientôt conduire une Porsche ici.
Edward : Aux Pays-Bas, le montant maximum que vous pouvez gagner, c'est mille euros. Pour ça, il faut jouer une journée entière et partager le montant avec vos deux coéquipiers. En France, il y a une possibilité de gagner cinq mille euros, mais bon, on parle de la France… Et si vous voulez vraiment en vivre, vous devrez gagner vingt de ces tournois en une seule année.
Kees : En France, c'est vraiment un sport national. Certains joueurs ont un emploi à temps partiel à la municipalité, mais en fin de mois ils ont quand même un salaire complet. En plus, ils peuvent utiliser leur temps libre pour s'entraîner. Pour la renommée de leur village, c'est bien sûr toujours bon d’avoir le champion de pétanque à la maison.
Edward : Il y a aussi des joueurs qui peuvent simplement vivre en développant leur propre ligne de marchandising à côté. Malheureusement, on est loin de ça ici.

« La pétanque n’est pas seulement populaire ici, mais aussi à Madagascar, en Thaïlande ou au Maroc. »

À quoi d'autre remarquez-vous que le sport est beaucoup plus vivant en France ?
Edward : Aux Championnats du Monde 2012 à Marseille, il y avait cinq mille personnes dans les gradins. Et là, ça fait vraiment plaisir quand les gens applaudissent pour un beau placement. Il existe également des tournois auxquels tout le monde peut participer, attirant jusqu'à quatre cents personnes.
Kees : Ils y vont avec leurs familles entières. C'est vraiment un mode de vie pour ces personnes. Et ce n'est pas seulement populaire en France, mais aussi dans des pays comme Madagascar, la Thaïlande et le Maroc.

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Kees Koogje en action

Surprenant. Pourquoi est-ce si populaire à Madagascar ?
Edward : Madagascar est une ancienne colonie française. En 2016, je suis allé à la Coupe du monde et il y avait là aussi cinq mille personnes dans les gradins. Les Malgaches qui sont devenus champions du monde cette année-là sont maintenant des héros nationaux. Mais à Madagascar, n'importe qui ne peut pas devenir joueur de pétanque : les gens ne gagnent souvent que huit euros par mois. Ils ne peuvent même pas se payer deux boules.
Kees : Pour avoir un bon jeu de boules, il faudra bientôt mettre deux cents euros. Il existe même des jeux qui coûtent plus de trois cents euros. De nombreux bons joueurs de Madagascar viennent s'installer en France pour gagner de l’argent qu’ils envoient ensuite à leurs familles.
Edward : Lors de cette Coupe du Monde, certains joueurs étrangers distribuaient quelques-unes de leurs vieilles boules. Les malgaches sont vraiment devenus fous.

Comment avez-vous commencé la pétanque ?
Edward : À dix-neuf ans, je suis allé voir pour la première fois assister à une réunion avec ma mère. Je suis devenu accro avant de pouvoir m'en rendre compte. Au début, il n'y avait pas deux jours qui s'écoulaient sans que je ne lance une boule. À un moment donné, je suis devenu ce perfectionniste qui voulait lancer chaque boule de la manière la plus parfaite possible.
Kees : Je suis vite arrivé à un point où je ne pouvais plus vivre sans. Les gens qui n'en ont jamais fait penseront sûrement : comment peut-on devenir accro au lancer de boules ? Pourtant, c'est la vérité. Peut-être que vous devriez essayer.

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Edward Vinke à son rendez-vous pétanque à Haarlem.

À quelle fréquence vous entraînez-vous ?
Kees : Une ou deux fois par semaine, en soirée. Si on organise un tournoi important pendant le week-end, je prends quelques jours de congé. Et je m'entraîne généralement quelques heures par jour. Contrairement aux fléchettes, on ne peut pas facilement accrocher une cible chez soi et y jouer pendant des heures.
Edward : Quand je m'entraînais beaucoup plus, je le faisais une heure par jour, quatre jours par semaine. Juste pour avoir de la constance dans mon bras.

Faut-il vraiment être en bonne forme physique pour devenir un joueur de haut niveau ?
Kees : D'accord, si vous nous regardez, vous allez penser que non.
Edward : Effectivement, il ne s'agit pas ici d'un ballon de foot sur lequel il faut tout donner pendant 90 minutes. Chez nous, c’est principalement le fait que quand vous participez à un tournoi, ça peut durer de dix heures du matin à dix heures du soir. Une partie prend en général jusqu'à deux heures et si vous faites sept parties par jour, vous restez debout, en train de marcher et accroupi toute la journée. C'est physiquement difficile. Si vous devez lancer une de ces boules à une distance de neuf mètres et que vous souhaitez rester concentré, il est très utile d'être en forme.
Kees : Lors d'un tournoi, on joue souvent deux ou trois jours consécutifs. On pourrait comparer ça aux échecs : c'est l'art de rester vif et concentré. Et en tant que joueur de pétanque, vous devez vous agenouiller plusieurs fois par jour. Après un championnat européen ou une coupe du monde, je suis complètement brisé.

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Est-ce qu'il y a de la triche à la pétanque ?
Edward: Oui, bien sûr, ça concerne principalement la mesure des deux boules qui sont à peu près à la même distance.
Kees : Aux Championnats d'Europe pour vétérans, quelqu'un a déjà joué avec des boules tronquées. L'astuce consiste à faire un trou dans la boule, à la remplir de mercure, puis à la refermer. Cette boule va réagir très différemment et est beaucoup plus facile à lancer. Le joueur qui a été démasqué, je crois bien qu’il était Allemand.
Edward : Comme par hasard.
Kees : Pure coïncidence.

« Mes adversaires sont allés aux toilettes pendant dix minutes et sont revenus avec des yeux énormes. Tout allait visiblement très bien pour eux. »

Edward : Mais c'est assez facile à vérifier. Une boule avec du mercure reste en place sur une pente. Et ils ont ces bacs spéciaux, où une balle normale devrait normalement se déplacer en rond. Alors, quand une balle commence à vaciller, on sait qu'il se passe quelque chose de louche.
Kees : Et bien sûr il y aussi le dopage.
Edward : D'après moi il faudrait vérifier ça un peu plus souvent. Surtout en France et en Belgique, je pense qu'il y a une grosse utilisation de stupéfiants.

Que dois-je en conclure ?
Kees : J'entends souvent parler de la ritalin, il paraît que c'est bon pour la concentration.
Edward : Et il y a la coke ou l'herbe. Je connais pas mal de joueurs belges qui prennent de la coke. Ils vont ensuite aux toilettes et ne lancent plus une balle de travers quand ils reviennent. Ça les fait se sentir invincibles.

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Vous avez déjà été témoins de ce genre de choses ?
Kees : Une fois, en France contre des joueurs de Madagascar. Nous étions loin devant et avons joué parfaitement. Puis ils sont tous allés aux toilettes pendant dix minutes et sont revenus avec des yeux énormes. Tout allait visiblement très bien pour eux.
Edward : Dans les tournois normaux, il n’y a pratiquement jamais de contrôle antidopage.
Kees : Et pas de contrôle d'alcool non plus, au fait. Je suis parfois d'avis que les gens boivent trop sur les tournois. Alors après, les gens sont complètement saouls sur le terrain. Ce n’est bien sûr pas bon pour l’image du sport.

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Aux fléchettes, quelques bières permettent à certains de se détendre. Ce n'est pas nécessaire pour la pétanque ?
Kees : Moi, je n'en ai pas besoin. Bien que je puisse comprendre que certains apprécient : vos muscles sont relâchés et vous êtes plus détendu.
Edward : Il y a aussi ceux qui pensent qu'ils ont besoin de ça pour se calmer. Si vous avez plus d'expérience, vous pouvez vous détendre tout seul. Je n'ai pas besoin d'un verre pour ça.

« Quand je joue en Belgique sur un grand terrain ouvert, il y a toujours beaucoup de fumée. »

Vous avez également parlé de weed. C'est un truc, dans le monde de la pétanque ?
Kees : Ce n'est pas le cas aux Pays-Bas. Quelques personnes le font, mais ça se passe principalement en Belgique et en France. Quand je joue en Belgique sur un grand terrain ouvert, il y a toujours beaucoup de fumée. Ce sont généralement les joueurs qui participent au tournoi uniquement pour le plaisir. Pas les meilleurs joueurs.
Edward : Les meilleurs joueurs ne le font pas aux yeux et au su de tous, du moins. Comme pour les fléchettes, les champions ne boivent pas sur scène. Tout se passe en coulisses.

Les fléchettes sont devenues extrêmement populaires à la télévision en peu de temps. Ça pourrait arriver avec la pétanque ?
Kees : Disons que les fléchettes sont très faciles à suivre pour le spectateur. La flèche est dans le triple vingt ou pas. C'est différent pour la pétanque.
Edward : Et bien sûr, les fléchettes sont fantastiques à regarder, avec tout le show qu'il y a autour. Ça plaît à beaucoup de monde. La pétanque, il faut vraiment la comprendre pour pouvoir suivre. Les boules sont très similaires, il est donc difficile de voir quelle boule est à qui. On devrait sans doute déjà changer ça. Il y a des bruits autour du fait que la pétanque ferait peut-être partie des Jeux Olympiques de 2024 en tant que sport de démonstration. Alors à ce moment-là, elle aura vraiment l'occasion de montrer ce qu'elle vaut.
Kees : J'ai encore une fois compris que ça n'arriverait probablement pas. En tout cas, ce serait énorme. Ça sera diffusé à la télévision et le sport deviendra plus professionnel. Franchement, ca donnerait un énorme coup de pouce à la pétanque.

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Cet article a été initialement publié sur VICE Sports NL.