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James Herbert a photographié l’érotisme hippie des années 80

« J’aime la tendresse, parfois même la tristesse, qu'il peut y avoir dans l'érotisme » affirme l'artiste à propos de ses images évocatrices en noir et blanc.

James Herbert n’est pas seulement photographe. Ses nus sensuels sont reliés à ses films : en 1989, il projette plusieurs courts-métrages sur un mur et les examine méthodiquement à travers un cadre. Il photographie et agrandit certains plans sur du 16×20, un travail publié en 1992. La quarantaine de films et les quatre productions indépendantes qu’il a réalisées ont toutes une chose en commun : elles privilégient le nu, incarné par des modèles non-professionnels. Cette approche libérée, Herbert l’affectionne depuis ses cours de dessin d’adolescent (son esprit vif a désormais 79 ans).

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Herbert a été un acteur majeur de la vie artistique d’Athens, en Géorgie. Alors qu’il enseigne la peinture et la réalisation, il réalise différents clips pour R.E.M et The B-52s – « conçus avec la même attitude d’ouverture, d’accident et d’intuition » que ses films érotisés. Pour le clip de The B’52s Revolution Earth, il filme Kate Pierson au milieu de zèbres et d’éléphants. Pour It’s the End of the World, lui et Michael Stipe filment un chien dans une maison dont les murs cèdent sous la pression de vaches qui foncent dedans.

Aujourd’hui, dans un studio éclairé par une lumière fluorescente, Herbert peint des immenses toiles à partir d’images de couples nus trouvées en ligne. Assis au milieu de ses peintures, nous l’avons rencontré pour parler nudité, expérimentation et culture jeune.

Vous êtes sur le point d’ouvrir une exposition de photographies, mais nous voilà cernés par des peintures. Quel lien faites-vous entre ces deux pratiques ?
J’ai toujours peint, mais je me suis ensuite passionné pour le cinéma et la photographie. Le cinéma a tout emporté, j’ai tourné beaucoup de films en 60mm près d’Athens, en Géorgie, ils reflètent donc l’atmosphère du Sud, son air, sa lumière, son humidité. Ensuite, je suis allé en Italie et je me suis mis à faire des films plus longs, en 35mm. J’alternais : je peignais pendant neuf mois et puis je me mettais à filmer les trois suivants. Ça a fini par s’inverser, neuf mois à filmer et seulement trois à peindre. Je suis quelqu’un de très organisé et j’ai besoin d’envisager les choses de manière séparée. Ce qui est resté, c’est que depuis mon adolescence, je représente les gens nus, à l’exception d’une très belle fille en robe bleue [dans le film de 1999 Speedy Boys]. J’étais un peintre qui fait des films, je suis devenu un réalisateur qui était peintre. Cela fait aujourd’hui dix ans.

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Quand vous avez réalisé ces films, aviez-vous l’intention d’en faire des photographies ensuite ?
Non, je ne souhaitais pas chercher des images fixes qui contenaient une fin en soi et avaient leur propre signification. C’est venu après, sur un coup de tête. J’aime travailler avec l’idée d’accident, d’arbitraire. Je suis très discipliné quand il s’agit de se mettre au travail, à tel moment, mais lorsqu’on en vient à rassembler des images, je deviens très intuitif. Dans leur forme originale, ces films ne sont pas très intéressants, à part sous l’angle un peu voyeur qui consiste à regarder de jeunes et belles personnes. J’ai passé en revue des rouleaux entiers de pellicule à l’aide d’un projecteur manuel, je regardais ce que donnait un plan dans le cadre, avant de passer au suivant. C’est là que j’ai vraiment décidé ce que je voulais

Pourquoi avez-vous décidé de faire de la culture jeune votre sujet ?
J’ai vécu l’ère hippie quand j’avais vingt ans. Avec beaucoup de nudité, beaucoup d’actions tribales – aujourd’hui bien moins intelligentes qu’on ne le croyait à l’époque – mais les gens étaient beaux et les rassemblements étaient nombreux. À ce moment-là, c’était facile de demander à des gens d’apparaître dans des films. Mais avant, en tant qu’adolescent, je photographiais mes amis lorsqu’ils se baignaient nus. D’autre part, dépeindre l’innocence, la transformation et les corps de groupes du même âge m’a toujours beaucoup attiré. J’en suis donc resté là. On pourra dire qu’en tant qu’artiste, je capture mes sujets comme des « natures mortes ». Tout ce qui nous entoure peut être figé dans une image.

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Avais-tu une idée en amont de ces prises de vues ?
Non, pas une idée, mais une attitude. Je voulais que l’idée visuelle advienne pendant le processus. Le procédé commence avec quelque chose d’assez basique, une simple attraction, un « c’est joli ». Le désir se crée lorsque l’on découvre quelque chose qu’on aime, qui nous semble beau. Cela peut être une pêche, cela peut être une personne. Quand les artistes nient être intéressés par la beauté, je crois que c’est de la suffisance… J’aime la tendresse, parfois même la tristesse, dans le registre érotique. Et je ne crois pas qu’elle advienne sous mes yeux, mais dans la découverte de ce cadre fixe. Le procédé m’est très cher parce que je ne vois aucune autre manière de faire ce type de découverte, à part en voyage. Jamais je ne partirai avec un tour-opérateur, je veux pouvoir errer mon sac à dos sur les épaules.

La fascination pour la culture jeune est-elle éternelle ou opportune ? La façon dont vous exprimiez votre vision dans les années 1980 est-elle nécessairement différente de celle que vous avez aujourd’hui ?
Je crois que la culture jeune a déterminé la sensibilité américaine. Je pense par exemple à Teenage Lust de Larry Clark, qui était un travail explicite essentiellement composé de nus… Ce livre ne pourrait pas être publié aujourd’hui et ferait l’objet de critiques, à cause de problèmes de droits. Il y a eu une période – ce moment hippie, jeune, bourgeonnant et insouciant, où quelque chose s’est produit dans la culture, de manière générale. Aujourd’hui, les choses sont plus commerciales, on ferme les boutons et on rhabille les corps, la nudité est perçue différemment. Et dans le milieu artistique, la nudité n’est pas considérée comme très intelligente. On se représente souvent les adolescents comme des êtres peu éclairés. Le préjugé, c’est qu’ils n’ont encore rien appris. En même temps, ça a son charme, cette idée qu’ils n’intellectualisent pas encore tout.

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Quelque chose d’intuitif.
Oui. Qui est, en ce qui me concerne, intimement lié à l’attitude et à la création artistique. L’une des raisons pour lesquelles je vais vers les jeunes est la curiosité. Wallace Stevens dit : « L’image doit refléter celui qui l’a produite. Elle reflète son créateur d’une manière encore plus forte. C’est lui, dans une version renouvelée, rafraichie » C’est drôle et presque ironique : la jeunesse rafraichie.

Avez-vous fait appel à des performers professionnels dans vos films ?
Non. Je n’aurais pas pu utiliser des danseurs, qui travaillent avec une ligne directive. Et je ne pouvais pas utiliser des gens qui avaient une présence trop théâtrale, des acteurs par exemple. Cela donne quelque chose de trop étudié, et cela finit par être too much. Je n’ai jamais voulu diriger personne. Il y a des gens qui savent naturellement comment s’asseoir sur une chaise et se relever, avec une grâce merveilleuse.

“James Herbert” est exposé à la Gitterman Gallery à New York du 7 septembre au 4 novembre 2017.

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