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Société

Mes parents me haïssent parce que je suis gay, j'ai fui au « Refuge » à Bruxelles

Thibauld se faisait insulter chez lui, devait uriner dans des bouteilles et a dû appeler la police après une bagarre avec sa mère.
Arkasha Keysers
Antwerp, BE
Arkasha Keysers
Antwerp, BE
refuge bruxelles gay
Thibauld, par Arkasha.

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Le Refuge Bruxelles est un safe space pour les jeunes LGBTQ+ qui ne peuvent ou n’osent plus vivre chez elleux après avoir fait leur coming-out. Le gagnant de Mister Bear Belgium (une personnalité LGBTQ+) croit déjà beaucoup en cette initiative. Il a collecté 1 000 € pour le refuge, qui travaille exclusivement avec des bénévoles. Juliette Meignant, la coordinatrice du centre, explique que la Belgique est beaucoup plus tolérante à l'égard de l'homosexualité et de la transsexualité que la France, son propre pays d’origine. « Cela dit, en Belgique également, certain·es sont obligé·es de vivre dans la rue ou sont confronté·es à la violence domestique simplement parce qu'iels ont fait leur coming-out. » Elle présente le refuge comme un environnement sûr pour les jeunes. « Nous les aidons également à préparer leur CV et à chercher un job ou un appartement. »

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J'ai discuté avec Thibauld, résident actuel du refuge. Il m’a raconté qu’il se faisait insulter chez lui, qu’il devait uriner dans des bouteilles et qu’il a même dû appeler la police après une bagarre avec sa mère.

VICE : Salut Thibauld, le refuge pour personnes LGBTQ n’existe pas depuis longtemps. Comment l’as-tu connu ?
Thibauld : Mon petit copain a été jeté dehors quand sa mère a compris que nous étions ensemble. Ça fait maintenant trois mois qu’il est ici, moi deux. C’est grâce à lui que j'ai rencontré Juliette et découvert le refuge. J'ai attendu beaucoup trop longtemps avant de partir de chez moi, cinq ans se sont écoulés entre mon coming-out et mon départ. Mais il s'est passé beaucoup de choses à la maison.

Comment tes parents ont-iels réagi quand tu leur as dit que tu étais gay ?
Au début, ma mère me disait qu’elle l’acceptait. Avec elle, j'avais un lien très fort. Mais je pense que mon père l'a dressée contre moi. À lui, je ne lui ai pas annoncé personnellement. Depuis ma naissance, il a toujours été très distant. Avant mon coming-out, c’était déjà le genre d’homme toujours assis dans le fauteuil avec une bière à la main. Et ça n'a pas changé depuis mon coming-out. Au contraire. Il est devenu verbalement et parfois même physiquement violent.

Qu'est-il arrivé pour que tu en viennes à devoir fuir dans ce refuge LGBTQ+ ?
Peu à peu l'attitude de mes parents a changé. Iels sont devenu·es plus strict·es. Il suffisait que je prenne quelque chose dans le frigo et que je le mange pour que ma mère se mette à me crier dessus, comme si j’avais fait quelque chose de super grave. Quand j’allais me doucher, iels en faisaient toute une histoire. Iels disaient que j'utilisais toute l’eau chaude. Finalement, je n'ai plus été autorisé à utiliser les toilettes la nuit et j'ai dû faire pipi dans des bouteilles en plastique.

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Pourquoi devais-tu uriner dans des bouteilles ?
Pour que je ne les dérange pas pendant la nuit. Au final, je m’enfermais directement dans ma chambre dès que je rentrais à la maison. Je restais parfois enfermé toute la journée. Il m'est arrivé de ne pas manger. Je n'avais plus le droit de sortir, et j'ai perdu beaucoup d'ami·es à cause de ça. Je ne les voyais plus. Je n'osais pas non plus leur dire à ce qui se passait à la maison, car j'avais peur de leur réaction. J’ai même dû dormir une fois à l'extérieur avec mon petit ami, car nous n'avions pas le droit d'être ensemble à la maison. Ma situation empirait.

« Iels m’ont dit des choses comme : "Si tu veux de l'argent, sors dans la rue et sers-toi de ton cul." »

Comment savais-tu que l'attitude de tes parents avait quelque chose à voir avec le fait que tu sois gay ?
Iels ne l'ont jamais dit explicitement, mais je reste convaincu qu'il y avait un lien. Iels m’ont dit des choses comme: « Si tu veux de l'argent, sors dans la rue et sers-toi de ton cul. » Finalement, j'ai quitté la maison parce que j'avais fait une tache sur mon pantalon. Quand j'ai demandé à ma mère ce que je devais faire, elle a réagi très violemment. Elle s’est mise dans une colère noire, j'ai essayé de la calmer et de lui parler, mais elle ne voulait rien entendre. Je crois qu’elle avait bu, aussi. Elle a commencé à me frapper, elle m'a griffé, puis j’ai réussi à la repousser et elle est tombée. Je me suis enfui et j'ai appelé la police. Iels m'ont conseillé de partir, pour ma propre sécurité. Ce n'était pas la première fois qu'ils devaient intervenir. J'avais déjà contacté Juliette et le refuge auparavant, car j'avais constaté que ma situation s'aggravait. Un stagiaire du refuge est venu me chercher à ce moment-là.

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Qu’aurais-tu fait si le Refuge n’avait pas existé ?
Aucune idée. C'est aussi grâce au Refuge LGBTQ+ que j'ai découvert qu’il y avait d’autres options, d’autres refuges. Il y a beaucoup de demandes pour une place au Refuge, et iels voulaient être sûr·es que je trouverais quelque chose ailleurs si ça n’avait pas été possible que je reste chez elleux. Il y a d'autres endroits pour les situations de crise, où vous pouvez passer la nuit et rentrer le lendemain si nécessaire. Mais il y a aussi beaucoup de sans-abris, et il y a parfois des gens qui volent. Vous ne savez pas à côté de qui vous allez passer la nuit.

Un refuge LGBTQ+ à Bruxelles, c’était nécessaire d’après toi ?
J'ai plusieurs amis, également d'autres cultures, qui sont maltraités chez eux ou jetés dehors. Ou qui n'osent tout simplement pas dire qu'ils sont gays. Ils sont dans le déni et prétendent ne pas être homosexuels. Je connais plusieurs hommes qui ont une femme mais qui viennent quand même toujours en milieu gay. Avant, ils reniaient leurs sentiments parce qu'ils avaient peur. Maintenant, ils passent du temps avec des gens qui les aiment. Par respect pour cette femme, ils restent avec elle, mais dans l’ombre, ils sont infidèles dans le milieu gay. C'est pourquoi je pense qu'un abri LGBTQ+ est très important.

Comment vois-tu ton avenir ?
Un appartement, un job, une vie normale. Mon copain et moi, nous sommes tous les deux à la recherche d’un appart, chacun de notre côté. Ça fait maintenant quinze mois que nous sommes ensemble. Pour vivre ensemble, on trouve que c’est encore trop tôt. Mais ça viendra.

Vous trouverez plus d'info sur le Refuge ici : www.refugeopvanghuis.be

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