Stagiaires secteur hospitalier en période de coronavirus
Illustration : Zéphir Moreel
Société

En formation en première ligne : avec des jeunes du secteur hospitalier

« On essaie de nous tenir à l'écart des patient·es à risque, mais dans les semaines à venir, c’est sûr que je vais le choper ce virus. »

Depuis maintenant deux semaines, vous applaudissez tous les soirs le personnel médical qui prend des risques et se bat chaque jour contre le virus. Parmi ce personnel se trouvent aussi des étudiant·es et assistant·es en formation ou diplômé·es. Faire ses premiers pas dans le métier en première ligne en pleine pandémie mondiale… C’est probablement pas le scénario qu’iels s’étaient imaginé·es.

En Belgique, le nombre de patient·es corona admis·es à l'hôpital augmente jour après jour. Pour l'heure, les hôpitaux arrivent à gérer les nouvelles arrivées aux soins intensifs. Ce qui serait un plus gros problème, avec le manque de matériel, c'est que l’effectif hospitalier diminue pour cause de maladie.

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En stage ou fraîchement diplômé·es, on a demandé à trois jeunes comment ça se passe pour elleux en ce moment.

Thomas (21 ans), 3ème année d'infirmier, stagiaire aux urgences à Sint-Andries, Tielt

« Mes collègues me disent que leurs potes et leur famille évitent les contacts physiques avec elleux parce qu'iels savent qu'iels travaillent aux urgences. Par peur. C’est pareil pour moi : normalement je suis dans mon kot la semaine et je rentre chez mes parents tous les week-ends. Depuis que je travaille aux urgences, mes parents ne veulent plus que je rentre parce qu’iels ont peur que je chope le coronavirus. Mon père est vétérinaire et quand il tombe malade et prend congé, il doit laisser ses client·es en plan. Donc je reste dans mon petit kot. C’est une vraie quarantaine pour le coup. Mentalement, c’est dur, mais je peux comprendre mon père ; alors je me résigne.

C'est avec des sentiments mitigés que je fais mon stage en ce moment. J'ai choisi d'être infirmier pour pouvoir aider les gens, et je le fais avec conviction. Je ressens que mes collègues apprécient beaucoup que je puisse les aider pendant cette période ; toute aide est la bienvenue. Mais d'un autre côté, je crains que les stagiaires ne soient utilisé·es comme une main d’oeuvre bon marché pour pallier les pénuries dans les services hospitaliers. On preste 680 heures de travail et on n’a même pas droit à un lunch en compensation. Je me demande combien de temps notre motivation pourra tenir comme ça.

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« C’est pas parce que les chiffres en Belgique sont moins alarmants qu’ailleurs qu’il faut se dire que ce sera vite réglé. »

Pour l’instant, iels essaient de nous tenir à l'écart des patient·es à risque, mais dans les semaines à venir, c’est sûr que je vais le choper ce virus. Évidemment, on prend de bonnes mesures et les patient·es sont dans des chambres séparées, mais le risque zéro n’existe pas. On va devoir passer outre cette crainte pour prendre en charge les patient·es.

Selon moi, les mesures de quarantaine sont suffisamment strictes, il faut juste qu’elles soient bien respectées. Mais c’est pas parce que les chiffres en Belgique sont moins alarmants qu’ailleurs qu’il faut se dire que ce sera vite réglé. On doit persévérer et j'espère qu’on pourra passer à autre chose le plus vite possible et vivre à nouveau normalement. L'hiver a été assez long comme ça. Si on reste tou·tes chez nous, on pourra revoir nos festivals et nos terrasses cet été. »

Annelot (26 ans), 6ème année de médecine, médecin-assistante en pédiatrie à l’Hôpital Universitaire d’Anvers

« Heureusement, le virus est moins grave chez les enfants, donc c’est relativement calme dans mon service. Mais ça donne quand même à mon stage un aspect un peu différent de ce à quoi je m’attendais. Normalement, je ne suis que dans le service pédiatrie, mais selon la situation, mes tâches peuvent changer de jour en jour et je peux être envoyée ailleurs dans l'hôpital. Un jour, j'aide pour les consultations, un autre je dois gérer les patient·es à l'entrée de l'hôpital.

« Beaucoup de mes camarades de classe ne sont pas dans le département où iels voudraient être et ne peuvent donc pas se préparer à leur future carrière. »

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Dans quelques mois, je vais avoir mon diplôme de médecin, donc c’est d’autant plus important que je sois là en cette période difficile. Nous, les étudiant·es, on contribue à réduire la charge de travail des médecins et à faire en sorte qu’iels puissent être au bon endroit au bon moment. Bien sûr, c'est dommage pour nous, car beaucoup de mes camarades de classe ne sont pas dans le département où iels voudraient être et ne peuvent donc pas se préparer à leur future carrière. Mais c'est comme ça, et en tant que futur·es médecins, on doit aussi prendre nos responsabilités et faire notre part du boulot.

Chaque jour, je constate que la situation du coronavirus s'aggrave et, heureusement, de plus en plus de mesures sont prises dans les hôpitaux. Par exemple, il est désormais obligatoire que tout le personnel entre par l'entrée principale et porte un masque toute la journée. En fait, tout est lié au virus ; tout le monde à l'hôpital est s’en préoccupe vraiment. On se prépare tou·tes à d'éventuels changements d'équipe et de département. J'espère que la situation ne sera pas aussi grave qu'en Italie, mais on doit se préparer à cette éventualité. Si on s’attend au pire, on ne pourra qu’être positivement surpris·es. »

Rahi (25 ans), médecin-assistant en chirurgie cardiothoracique au centre médical Erasmus de Rotterdam

« Je travaille dans le service de chirurgie cardiothoracique où on fait des opérations du cœur, des poumons et des gros vaisseaux sanguins au niveau de la poitrine. Nos patient·es qui viennent d'être opéré·es du cœur sont particulièrement vulnérables si ce virus se répand dans le service. Les prochaines semaines vont être intenses. Pour l'instant, tout est encore sous contrôle, mais je pense que ça ne va pas durer longtemps si l'on considère la situation dans d'autres hôpitaux. Par exemple, un médecin néerlandais a envoyé une vidéo troublante nous demandant de prendre en charge certain·es de ses patient·es qui ont besoin d’une opération en urgence. Comme il y a trop de patient·es atteint·es du covid, ça devient compliqué de gérer les autres urgences. Et là ça devient dangereux.

« On applaudit les médecins et les infirmièr·es, mais c’est aussi grâce au personnel d’entretien et de logistique que les hôpitaux continuent de tourner. »

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Chez nous, l'ambiance n'est pas mauvaise ; on n’a pas encore beaucoup de patient·es atteint·es du covid, mais tout le monde se prépare à ce que ça arrive bientôt. J'aime beaucoup mon travail mais on attend beaucoup de toi et ça rend les choses parfois difficiles. Ça fait partie du job. La crise actuelle sera un défi pour nous, mais aussi pour le reste du monde. On continue à travailler ensemble, en équipe, donc pour le moment je n’ai pas peur ; mais je changerai vite d’avis si je vois les gens mourir les uns après les autres.

J'ai été assez choqué lorsqu’on a reçu un mail du conseil d'administration indiquant que le personnel médical ne voulait pas donner de masques ou de vestes au personnel de nettoyage et au personnel logistique aux Pays-Bas, alors qu’iels doivent nettoyer les chambres des patient·es atteint·es du coronavirus et sont donc très exposé·es au danger. On applaudit les médecins et les infirmièr·es, mais c’est aussi grâce à elleux que les hôpitaux continuent de tourner en ces temps difficiles. On voit bien que cette mentalité égoïste ne touche pas que les supermarchés. Même si je ne l’attendais pas ici. »

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