Ultras Red Tigers de Lens et Ultras RWDM
Société

Voyager de stade en stade : avec un jeune groundhopper belge

« Le foot se vit au stade. Supportez votre équipe locale. »
Gen Ueda
Brussels, BE

En marge des expert·es en carton qui croient tout savoir sur le foot après avoir vu six matchs de Coupe du Monde, certain·es poussent la passion un peu plus loin. J’ai rencontré Thibault (17 ans) dans le Bloc A des tribunes du RWD Molenbeek, qu’on suit tous les deux. Mais au-delà d’être un des tous gros supporters du club, il est aussi ce qu’on appelle un groundhopper. Quand il n’est pas à Molenbeek, il part en vadrouille vers d’autres stades, ambiances et cultures locales ; qu’il découvre à travers le prisme du foot.

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VICE : Salut Thibault, elle te vient d'où cette passion ?
Thibault : Mon père m’a emmené voir des matchs dès le plus jeune âge, et fatalement, j’y ai pris goût. J’ai commencé par l’accompagner à des matchs de la Belgique. Mon premier, c’était Belgique - Turquie en 2011, où Witsel rate un penalty si je me souviens bien. J’ai enchaîné avec d’autres matchs de l’équipe nationale et un peu avec le RWDM Brussels FC (Division 2, tombé en faillite en 2014, ndlr). C’est à ce moment-là que j’ai commencé à accompagner mon père à tous ses voyages footballistiques à travers le pays et en dehors.

« Je suis quasi incapable de regarder un match à la télévision. Le foot, c’est pas que l’aspect sportif, c’est surtout tout ce qui se passe autour. »

Le retour du RWDM (le club ressuscite en 2015, en Division 4, ndlr) a énormément contribué à ma passion pour le groundhopping, parce qu’en suivant les déplacements de Molenbeek, j’ai découvert d’autres stades. En partie grâce à ça, j’ai vu tous les stades des trois premières divisions belges.

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Fr. O'Brien Park, Achill Island, Irlande.

Ça te fait combien de stades différents ça, au total avec ceux à l’étranger ?
234 selon l’application Futbology, mais en réalité beaucoup plus car les stades et terrains provinciaux ne sont pas tous répertoriés dans l’application. Pour le nombre de matchs, c’est aussi compliqué de savoir exactement parce que, contrairement à certains groundhoppers, je ne reste pratiquement jamais jusqu’à la fin d’un match, ce qui me permet d’en voir d’autres matchs dans la même journée ; mais je dirais approximativement 300 à 400.

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Qu'est ce que ça t'apporte d’accumuler tout ça ?
Pas grand chose, à part de la satisfaction personnelle de voir une liste se remplir, de pouvoir voir et sentir différentes cultures, que ça soit dans les tribunes ou en dehors. À côté, j’étudie dans le tourisme, donc ça entre en corrélation avec tout ça.

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Stade Giuseppe-Sinigaglia, Côme, Italie.

Il y a une communauté de groundhoppers en Belgique ?
Oui, mais pas aussi présente qu’en Allemagne ou en Angleterre. La plupart des groundhoppers belges se trouve en Flandre, mais par rapport à nos pays voisins, c’est pas grand chose. En soi, le groundhopping c’est quelque chose d’assez ancien, mais internet relance un peu le truc.

C’est quoi le stade le plus fou que t’aies vu ?
Le Stade des Alpes, celui du Grenoble Foot 38 en France. Le stade en lui-même est très basique, avec quatre tribunes pratiquement identiques, mais c’est le background qui est impressionnant. Comme son nom le laisse deviner, les Alpes sont visibles depuis certains angles du stade, et seulement en journée.

Coup de bol, quand j’y suis allé, Grenoble jouait en journée et contre Lens. Leurs Ultras, les Red Tigers, fêtaient leur 25ème anniversaire. Il y avait un combo de tifos (animations visuelles créées par les supporters d’une tribune, ndlr), craquages de fumigènes, banderoles ; bref une excellente ambiance dans un stade qui résonne, le tout avec les Alpes en arrière plan donc.

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Stade des Alpes, Grenoble, France.

C’est aussi ton meilleur souvenir niveau ambiance ?
Non. C’est peut-être pas très objectif, mais à mes yeux c’était plutôt RWD Molenbeek - RSC Anderlecht, en juin 2019 ou RWD Molenbeek - RFC Liège en décembre 2017. En même temps, je l’ai vécu de l’intérieur, vu que c’était mon club. C’était fou, vraiment. Tu vis clairement différemment une ambiance si tu y contribues que si t’en es spectateur. Hors Molenbeek, je dirais FC Antwerp - AZ Alkmaar au Stade Roi Baudouin en barrage de l’Europa League. Borussia Dortmund - FC Ingolstadt 04 dans le mur jaune m’avait également marqué.

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« Depuis le parcage merdique du PSG, je voyais pas grand chose du match, et je me suis rendu compte que je regardais beaucoup plus les mouvements du virage d’en face qu’autre chose. »

On soutient tous les deux le RWDM ; y a un truc typique à notre stade et que les autres ne possèdent pas ?
Ce qui rend ce stade mythique, c’est son histoire, nos titres, nos joueurs, nos drames, nos joies et j’en passe. Architecturalement, le Machtens m’avait l’air bien plus intéressant dans les années 1970 et 1980 ; mais même maintenant, les formes des tribunes « L’Ecluse » et « Goethals » me frappent encore. Le fait qu’il soit vétuste et authentique en même temps… L’ambiance est très populaire, c’est un club du peuple. Architecture, public, le Machtens est un exemple parfait, avec une ambiance marquante pour nos supporters ; un mélange d’Ultras et de public plus « oldschool ». Il est à 10 minutes à pied de chez moi et j’y suis pratiquement chaque week-end.

Stade Edmond Machtens Ultras

Dans le Bloc A du Stade Edmond Machtens, Molenbeek Saint-Jean, Belgique.

Tu choisis généralement tes destinations de voyages en fonction des stades que tu veux visiter et des matchs que tu veux voir ou l'inverse ?
Les deux. J’ai déjà fait des city-trips assez courts spécialement pour les stades : Madrid, Barcelone, Milan, Bergame, etc. Et évidemment, quand je suis en vacances, j’essaye d’aller voir les stades locaux, comme cet hiver au Cambodge et en Thaïlande, ou bien en été 2017 au Japon. Là-bas, j’ai vu deux matchs, avec une ambiance et un public totalement différent de ce qu’on peut trouver ici, mais y a des traits de ressemblance : c’est un mélange de culture Ultras à l’européenne et de show à l’américaine, c’est assez spécial. À noter également qu’après le match, les tribunes restent tout aussi propres qu’elles ne l’étaient avant.

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« À Molenbeek, l’ambiance est très populaire, c’est un club du peuple. Il y a un mélange d’Ultras et de public plus "oldschool". »

J’ai fait FC Tokyo - Vissel Kobe : excellente ambiance, à tester si t’es dans le coin un jour « par hasard ». En plus de ce match au Ajinomoto Stadium, j’ai eu la chance d’aller voir un autre au Panasonic Stadium Suita, là où le Gamba Osaka évolue ; et tout ça s’est fait en dernière minute. En fait, je me baladais à Nara quand une affiche en japonais m’a tapé dans l’œil, celle du match Gamba Osaka - Kashiwa Reysol. On a chopé le premier train vers Kyoto pour se changer à l’hôtel, puis on en a pris un autre en dernière minute vers Osaka.

Siem Reap Stadium, Siem Reap, Cambodge.

Siem Reap Stadium, Siem Reap, Cambodge.

J’ai l’impression que ton regard est toujours porté sur les tribunes et rarement sur le terrain.
Avant, il était tourné sur le terrain, sur les joueurs et tout ; mais depuis que je suis vraiment dans le milieu, il est très clairement tourné vers les tribunes. À vrai dire, à un match sans Ultras ou sans ambiance, je m’ennuie. C’est d’ailleurs pour ça que je suis quasiment incapable de regarder un match à la télévision.

Le foot, c’est pas que l’aspect sportif, c’est surtout tout ce qui se passe autour. Un exemple parfait, c’est le déplacement avec nos potes d’Angers au Parc des Princes pour voir SCO Angers-PSG. Depuis leur parcage merdique, je voyais pas grand chose du match, et je me suis rendu compte que je regardais beaucoup plus les mouvements du virage d’en face qu’autre chose.

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VELTINS-Arena, Gelsenkirchen, Allemagne.

VELTINS-Arena, Gelsenkirchen, Allemagne.

Du coup, t’arrives à te remémorer tous les matchs que t’as vus ?
Pour les « gros matchs », je me souviens au moins du score, et puis du stade fatalement. Mais quand mon père m’emmène dans des terrains de championnats provinciaux, j’ai du mal à me souvenir du nom du patelin ou du club, ouais. Puis dès qu’on monte en grade, ce qui me reste le plus en tête c’est l’architecture, le public et l’ambiance.

« Au Japon, il y a un mélange de culture Ultras à l’européenne et de show à l’américaine, c’est assez spécial. »

Entre les places, les trajets et les bières, c'est une passion coûteuse non ?
Le tout, c’est de gérer l’ensemble. Pour les places, en général, ça va ; les prix sont souvent raisonnables. Sinon, j’essaye de m’arranger avec un local pour avoir des pistes. Les trajets, je les fais avec mon père ou en car pour les déplacements de Molenbeek, donc c’est pas trop cher.

Et niveau conso, je mange pas spécialement à chaque match et pareil pour les bières. En fait, je consomme peu autour des stades… À part pour les matchs du mythique RWDM.

KSK Wenduine, Wenduine, Belgique.

KSK Wenduine, Wenduine, Belgique.

C'est quoi ton prochain objectif en tant que groundhopper ?
Le derby de Belgrade, entre l’Etoile Rouge et le Partizan. J’aimerais voir ça avant que tous les fumis et l’ambiance autour ne disparaisse.

Un truc à dire aux gens qui ne connaissent le foot qu'à la télé ?
Le foot se vit au stade. Supportez votre équipe locale.

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