Tom Galle
Karen Spiessens

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Tom Galle nous a parlé d’Hamza, de mèmes et de frites belges

« Les mèmes sont peut-être bien une forme de protestation pour la jeune génération, c’est leur moyen de résistance. »
KS
illustrations Karen Spiessens
LB
Brussels, BE

Dans la série « The VICE interview », on part à la rencontre de Belges plus ou moins célèbres en leur posant une liste prédéfinie de questions insolites à propos de tout et n’importe quoi. Cette fois-ci, on a parlé avec Tom Galle, l’internet artiste belge résidant actuellement à New York.

VICE : Y a-t-il des théories du complot auxquelles tu crois vraiment ?
Tom Galle : Le système des dirigeants est une grosse théorie du complot contre les citoyens lambdas, surtout en Amérique. Sous couvert de capitalisme ou de néolibéralisme, un petit groupe de personnes avec beaucoup d’argent monte les gens les uns contres les autres. C’est devenu une sorte de gamification où c’est chacun pour soi. C’est pour ça qu’il est très difficile actuellement d’avoir une société où les gens vivent vraiment ensemble. En Europe, il y a le socialisme démocratique qui fait que la redistribution des richesses et les infrastructures sont meilleures, ça a pour conséquence qu’on s’occupe un peu plus les uns des autres. En Amérique, ce n’est pas du tout le cas. C’est une théorie du complot, parce qu’on fait avaler le contraire à la population. On leur dit que tout va pour le mieux, mais tout se détériore : le niveau des salaires, les infrastructures, et au final les jeunes ne savent plus comment payer leur loyer dans le pays le plus riche du monde. C’est scandaleux.

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Quelle était ta première adresse e-mail ?
Gallabis@hotmail.com. À l’époque je fumais pas mal de weed, donc c’est une fusion entre Galle et cannabis : Gallabis. Je n’ai pas trouvé ça moi-même, ça vient d’un de mes chefs scout. J’avais 15 ans. Après ça, j’ai débarqué dans la vie professionnelle et fatalement j’ai dû changer d’adresse, c’est simplement devenu mon nom.

Quel film ou série te fait fondre en larmes ?
Je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai fondu en larmes, mais j’ai été assez ému devant The Godfather. C’est un peu cliché mais j’ai toujours trouvé cette histoire fantastique. Ça parle de valeurs familiales et d’honneur et ce sont des choses auxquelles j’accorde beaucoup d’importance. La première fois que j’ai vu le film, j’avoue, j’ai quand même pleuré.

Le grand problème avec les jeunes c’est qu’…
Qu’ils ont difficile à accéder aux bonnes informations. Avec cette abondance d’infos, on ne sait plus vraiment quelles sont les vraies nouvelles. Il y a trop de confusion et de chaos sur comment s’éduquer, ce qu’il faut écouter et la fiabilité des sources. C’est difficile pour les jeunes de se faire une image juste du monde, simplement parce qu’il y a ce déferlement d’infos. Par exemple beaucoup acceptent facilement cette idée libérale de gauche selon laquelle Kendrick Lamar serait le porte-parole de la politique raciale, alors qu’il ne fait que surfer sur la vague. Il y a aussi ce sentiment généralisé comme quoi la gauche d’Obama était politiquement correcte, alors qu’au final ça n’a pas mené à grand chose de bien. On nous sert sans arrêt les mêmes opinions, à savoir celles qu’on a déjà. C’est un moyen d’éducation très conservateur.

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Si tu pouvais fusionner deux animaux pour ne former qu’un « super animal », lesquels choisirais-tu et pourquoi ?
Je pense que fusionner deux animaux ne donne jamais quelque chose de réussi. Je choisirais d’office un chat, parce que les chats font partie intégrante de l’internet culture. Mais non, je ne mixerais sûrement pas deux animaux ensemble.

Quelle a été le période la plus sombre de ta vie ?
J’ai eu une période pendant laquelle je prenais beaucoup de drogues, alors que j’étais encore trop jeune pour ça. J’ai testé toutes les drogues populaires dans ces années-là: XTC, weed, coke, LSD et champis. Je n’ai rien contre l’expérimentation en ce qui concerne les drogues, mais tout ça s’est déroulé entre mes seize et dix-neuf ans et ça a eu une mauvaise influence sur mes angoisses. J’ai eu quelques bad trips à cause de ça. Les drogues m’ont apporté énormément d’émotions extrêmes, aussi bien positives que négatives. Mais j’étais beaucoup trop jeune et j’ai vu mon monde s’effondrer à cause de ces substances. Maintenant, je ne touche plus aux drogues et il arrive que je ne boive plus d’alcool pendant plusieurs années consécutives.

Si tu étais boxeur, sur quelle musique ferais-tu ton entrée ?
Sur « Life » d’Hamza. Surtout parce que c’est un artiste belge et j’ai envie de mettre la Belgique à l’honneur. La chanson parle de problèmes personnels et si tu boxes à un certain niveau, c’est que tu as réussi à surmonter certains problèmes personnels. Et aussi, parce que c’est de la bonne musique.

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Si tu pouvais choisir un endroit où vivre n’importe où dans le monde ou au-delà, quel endroit choisirais-tu ?
J’irais sur une île au Japon, Ishigaki. C’est une île tropicale qui est à l’écart de tout, à quelques heures de vol du Japon. C’est isolé mais à la fois très moderne et Occidental. J’y ai vécu pendant un mois et une fois là-bas, je me suis dit que ce serait un endroit parfait pour passer mes journées de pensionné.

Penses-tu que les drogues et l’alcool puissent te rendre heureux ?
Non, mais je pense bien que tu peux en retirer une expérience qui peut t’apprendre des tas de choses. Je connais des gens qui, sous drogue, deviennent très créatifs où dont la perception du monde change totalement. Cela dit, si tu te drogues régulièrement, ça n’aura évidemment pas une bonne influence sur le long terme.

Ferais-tu l’amour avec un robot ?
Oui, pourquoi pas ? Je suis ouvert à toute expérience.

Pour quelle tradition belge serais-tu prêt à tout braver ?
Les frites belges. En Amérique ils appellent ça des « French fries », parce que c’est l’armée française qui a introduit les frites auprès des soldats Britannique pendant la première guerre mondiale. C’est pour ça que quand je commande des frites aux USA, je dis toujours que je veux « des frites belges ». Je dois parfois leur expliquer.

Quel est le plus gros acte de résistance que tu aies jamais commis ?
Apprendre par moi-même comment le monde fonctionne. Regarde l’élection de Trump. Beaucoup de mes potes descendent dans les rues pour crier « Fuck Trump », mais pour moi ça génère l’effet contraire. Je trouve plus important de ne pas prendre part à ce genre de manifestations et d’expliquer aux gens pourquoi je considère ça comme étant un mauvais acte de résistance. On se concentre trop facilement sur certaines informations, alors que certains sujets plus importants ne font pas le buzz et que du coup les gens ne sortent pas en rue pour ça. C’était le cas d’un article à propos du Parti Démocrate qui avait boycotté Bernie Sanders, du coup le mec n’avait plus aucune chance avant même qu’Hillary Clinton soit élue. Personne n’est sorti en rue pour protester contre ça. Mon plus gros acte de résistance, c’est donc de m’informer correctement et d’en tirer les bonnes conclusions.

Qu’aimes-tu le plus avec Internet ?
Les mèmes. La manière avec laquelle la culture digitale s’est développée. Chaque évènement est illustré par un mème. Tu comprends comment les jeunes réagissent grâce à ces mèmes. Ça lie les gens aussi. Si tu as les mêmes valeurs, tu vas plus vite partager un mème avec cette personne. Les mèmes peuvent traiter de sujets très sérieux aussi, comme le communisme par exemple. Grâce aux mèmes, il y a de la révolte, de l’humour et une réflexion culturelle. Pour l’instant, ce sont les mèmes qui traduisent le mieux ce qu’il se passe dans le monde. Les mèmes sont peut-être bien l’outil de manifestation de cette jeune génération, c’est leur moyen de résistance. C’est un mouvement internet collectif de gens qui ne se connaissent même pas.

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