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« L'appareil photo est un objet ludique entre mes amants, mes amis et moi »

Comment immortaliser le sexe ? La jeune photographe Ellie English répond.
Simon Doherty
London, GB
NS
traduit par Nazanine Sadeghi
Photos : Ellie English 

Cet article a été initialement publié sur VICE UK.

« L'appareil photo est un objet ludique entre mes amants, mes amis et moi », explique Ellie English, une photographe de 23 ans.

Les photos d'Ellie, ce sont des scènes explicites qui dépeignent une intimité pure. Étroitement liées à des images banales et ordinaires de la vie quotidienne, elles sont complètement organiques, jamais mises en scène. Elles donnent un aperçu de l'un des aspects les plus privés de notre société : les normes et les valeurs sexuelles. L'artiste tente de comprendre les connotations liées au sexe et la valeur que les individus accordent aux échanges intimes.

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J'ai rencontré Ellie dans le sous-sol de sa librairie érotique du nord de Londres pour discuter de son travail.

VICE : Vos photos explorent l'intimité et le quotidien. Que reflète ce mélange ?
Ellie Anglais : Les thèmes prédominants dans mon travail sont la non-monogamie, mon rapport au BDSM, et à une sexualité qui ne rentre pas dans les normes dictées par la société. Pour moi, il est nécessaire d'envisager ces choses dans le contexte de la vie quotidienne. Il est important de comprendre que les gens qui vivent de cette façon sont en fait incroyablement normaux. Ils mènent une vie très normale. Mon but est de représenter le voyage émotionnel que l’on vit dans une relation – les moments de communion, mais aussi les moments de solitude, de méditation.

Selon vous, quelle place accordons-nous aux échanges intimes ?
Ça dépend de chacun. La première chose qui me vient à l'esprit, ce sont les coups d’un soir. Pour certains, ils sont dénués de sens. J'ai moi-même connu des coups d’un soir qui n'avaient aucune importance. Mais il m'est aussi arrivé de ressentir un lien avec certains – même si on ne s'est vus qu’une seule fois. Ces interactions sont très précieuses pour moi.

Qu'avez vous appris sur la sexualité ?
J’ai appris beaucoup de choses sur moi-même et sur ceux qui m'entourent. J'ai appris à ne plus avoir honte, à accepter la sexualité, à comprendre qu’il n’y a rien de mal à cela. Plus jeune, je me suis longtemps demandé ce qui clochait chez moi. J'avais envie d'être dominée, d'avoir mal et de faire mal. Mais aussi d’aimer quelqu’un très fort, sans que cela ne m'empêche d'être attirée par d'autres. J'ai finalement appris à mettre de coté les normes qui nous dictent la façon dont on devrait gérer nos relations amoureuses. J'ai trouvé ce qui me convient le mieux.

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Ce travail a-t-il changé vos idées reçues au sujet des relations humaines ?
Je ne sais pas si « changer » est le bon mot, mais cela m'a fait réfléchir aux relations de manière générale. Dans l'un de mes premiers projets, j'ai fait une série d'autoportraits qui portaient sur les pratiques BDSM. À ce moment-là, je sentais que mon travail était incroyablement important parce qu’il reflétait une réalité dont on ne parlait pas. Même si je reste convaincue que la vérité est essentielle et qu'elle fait toujours partie de mon travail, j'ai commencé à regarder les choses d'un point de vue plus psychanalytique – en m’intéressant aux origines de la sexualité. Elle est liée aux expériences vécues pendant l’enfance et à la relation parents-enfants.

L’année dernière, j'ai photographié mon père et, plus récemment, j'ai enregistré toutes mes conversations avec lui. On a discuté de mon enfance, de notre relation et de l'impact sur mon rapport aux autres aujourd’hui. C’est fascinant de découvrir sa propre psychologie et sa propre sexualité. C'est incroyable, non ? Chaque individu est façonné d'une manière très particulière.

Pourquoi pensez-vous que nous avons évolué de sorte à dissimuler nos désirs les plus profonds ?
Il y a encore beaucoup de honte et d'embarras autour du sexe. Je ne sais pas pourquoi, d'autant plus que les humains sont des animaux incroyablement sexuels. Il n'y a pas de mal à discuter de fantasmes et de désirs en tête-à-tête avec un proche, mais en société, c’est souvent perçu comme honteux.

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Pensez-vous que la société soit en train de changer ?
Les choses changent énormément – en ce qui concerne les droits des personnes transgenres et des communautés LGBT, par exemple. Mais je pense que pour ceux qui ont des pratiques sexuelles hors norme, il est difficile de s’identifier à ce cliché de monogamie très droite et étroite ou à ces idéaux sexuels à l’eau de rose. Les gens ont accès à l'information maintenant. Ils peuvent s'éduquer.