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Avec le Flamand qui croit dur comme fer qu’il est Eddy Merckx

Frans déjeune tous les jours avec une Rodenbach mélangée à un œuf.
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Cet article a été initialement publié sur VICE Sports Nederland.

Ensuite, il choisit une de ses combinaisons de cycliste vintage, saute sur son vélo tout droit sorti des années soixante et part pour une balade de quelques heures. Il fait ça depuis quinze ans. Tous les matins. Frans croit dur comme fer qu’il est Eddy Merckx, le cycliste belge le plus titré de tous les temps.

Petit garçon, Frans était un supporter « normal ». Mais depuis le rêve qu’il a fait il y a maintenant 15 ans, il est convaincu qu’il existe un lien spirituel entre Eddy et lui. Dès cet instant, il a commencé à vivre comme l’ancien champion du monde. Frans porte tous les jours des copies conformes des maillots d’Eddy, suit le même programme d’entraînement, mange et boit la même chose, parle comme Eddy et teint ses cheveux en noir. Merckx s’en fout. Sa femme aussi. Peter Sagan, l’actuel champion du monde, en est fan.

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Frans ne manquerait pour rien au monde une course en Belgique ou aux Pays-Bas. Il enfile son costume d’Eddy et s’en va rouler sur la piste cyclable à côté du peloton professionnel. Aussi longtemps que possible, car il veut absolument passer à la télé. Nous avons discuté avec Frans de son hangar rempli de vieux trucs, de ses courts moments de gloire sur le petit écran, sans oublier de discuter un peu d’Eddy.

VICE Sports : Hello Frans. Ou tu préfères qu’on t’appelle Eddy ?
Frans Geldof : Les deux me vont. Sur le vélo je suis Eddy, à côté de ça je suis qui je suis.

Pourquoi Eddy Merckx est-il si important pour toi ?
Pour moi, Eddy Merckx, c’est un dieu. Enfant, j’étais déjà fan. Mon premier souvenir de Merckx, c’est pendant le Tour de France de 1969. Il a assuré. On a suivi la course via la radio et la télé avec mes parents. Quand j’avais neuf ans, je me déguisais souvent en Eddy en enfilant un vieux chandail jaune. J’ai grandi, mais on continuait quand même à regarder toutes les courses, dont le Tour de France et les autres classiques. À seize ans, j’ai commencé à faire du vélo moi-même. Niveau allure, je ressemblais déjà beaucoup à Eddy : j’avais des épaules nerveuses, mes bras étaient rentrés vers l’intérieur et mon nez plongé sur le volant. La vie a continué comme ça jusqu’en 2004.

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Que s’est-il passé ensuite?
J’ai fait un rêve. Une voix lointaine m’a dit qu’Eddy n’en aurait plus pour très longtemps et m’a donné la mission honorable de perdurer sa mémoire, d’être littéralement Eddy Merckx. Et c’est sans doute parce qu’on est taillés pareils. Eddy et moi avons exactement la même taille, la même pointure, le même accent et la même tête. Le lendemain, j’ai immédiatement acheté du matos et j’ai décidé de suivre le même programme d’entraînement que Merckx. Je le fais encore aujourd’hui. Ce matin, j’ai parcouru septante kilomètres, sur un vélo d’époque. Et sans mon téléphone portable, bien sûr. Eddy n’en avait pas.

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Est-ce que les gens ne te trouvent pas fou?
Si, malheureusement. Ils pensent que je fais ça par intérêt, pour la célébrité. Ce n’est absolument pas le cas. Ça me rend heureux d’être Eddy. Parfois, je me fais huer. Mais Eddy Merckx a été hué aussi, alors je me sens encore plus proche de lui. On rencontre les mêmes difficultés, parce que je suis lui. Les réactions sont parfois extrêmes. Par exemple, il y a un magasin de lunettes sur la route du Tour des Flandres où les propriétaires m’interdisent l’accès. Ils ont honte qu’on puisse me voir à la télé près de leur magasin et ont peur que ça leur fasse perdre des clients.

Même tes cheveux sont comme ceux d’Eddy. Ton coiffeur en pense quoi ?
Je fais la teinture moi-même. J’ai aussi laissé pousser mes favoris, comme Eddy.

Ta femme et tes filles, elles voient ça comment ?
Ma femme n’est pas super contente. Elle est amoureuse de Frans, pas d’Eddy. Je ne pense pas qu’il existe une femme sur terre qui aimerait que son mari soit Eddy Merckx. Mes filles de 28 et 29 ans ont honte de moi. Pourtant, elles me soutiennent. Ce sont elles qui confectionnent les dossards chiffrés à coller sur mes maillots rétro.

À la télé, on te voit souvent rouler avec le peloton professionnel.
C’est vrai, je le fais depuis le Giro d’Italia de 2006. À chaque fois, les caméras zooment un court moment sur moi. S’il y a une course, je dois absolument y aller. Je ne peux pas la rater. Et quand j’y vais, j’y vais à fond. Je dois rentrer dans la course comme Eddy Merckx l’aurait fait. Je veux ressentir sa souffrance.

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Et dans le peloton, ils réagissent comment ?
Assez bien. Peter Sagan est un de mes plus grands fans. Il m’encourage toujours : « allez Eddy, allez Eddy ! » Tom Boonen, Fabian Cancellara et Jurgen van den Broeck sont aussi super sympas avec moi. Avant le départ d’une course, Van den Broeck m’a même une fois demandé si j’allais les accompagner.

Eddy Merckx par contre ne parle pas vraiment de toi.
Non, j’y suis habitué maintenant. C’est dommage, cependant. Mon but n’est pas de le ridiculiser. Ni de recevoir de l’attention de sa part. Je sens juste que je suis Eddy. J’ai même une fois donné un coup de main pour aider le vrai Eddy. Ouais, c’était bizarre. J’ai un immense respect pour lui, du coup je tremblais comme une feuille.

Axel, le fils d’Eddy, qui est également un ancien professionnel, se moque de moi. J’étais à l’Amstel Gold Race en 2006, et comme d’habitude je roulais sur une piste cyclable à côté du sentier où la course se passait, près du Cauberg. Axel m’a montré du doigt et a crié « Eh les gars, dites bonjours à mon père qui roule là-bas ! » Tous les autres coureurs ont rigolé, bien entendu.

Tu possèdes combien de tenues d’Eddy Merckx ?
Je ne sais pas dire comme ça. Beaucoup. J’ai tous les maillots de sa carrière: celui du champion de Belgique, le maillot jaune, celui du champion du monde, Molteni, Peugeot-BP, Faema, Fiat-France. Il me manque juste encore le maillot vert du Tour de France. Celui-là, je ne l’ai jamais trouvé.

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Lequel préfères-tu porter ?
C’est une question difficile. Parfois, je n’arrive pas à me décider, mais une heure avant que je parte rouler, l’inspiration me vient. Bon ok d’accord, le maillot Molteni est mon préféré. Avec celui là, je me donne encore plus sur la route. Quand je le porte, je sors toujours avec le vélo orange sur lequel Eddy a battu le record de l’heure masculin.

Si je comprends bien tu as aussi plusieurs vélos ?
Cinq. De toutes les équipes desquelles Eddy a fait partie. Mais il me manque encore le Peugeot-BP. Je construis ces vélos moi-même. Je fais attention à tous les détails. Je peux regarder un millier de photos d’un vélo avant de commencer à le construire.

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Tu ressens quoi quand tu traverses les collines flamandes comme Eddy Merckx ?
Je me sens enfin complètement moi-même. Je parcours tous les ans environ 25 000 kilomètres pour m’entraîner. C’est merveilleux de ressentir la douleur qu’Eddy Merckx a pu ressentir durant sa carrière. Me voir rouler, c’est comme un sentiment de déjà vu et tout le monde est un peu nostalgique. Moi et les gens qui me voient passer. J’entends toujours crier « alleeez Eddy ! ». Partout en Flandre. Quand je me lance sur le parcours du Tour des Flandres, j’en ai pour toute la journée, de très tôt le matin à tard le soir. Rien à faire, je ne vais pas aussi vite qu’Eddy.

Eddy vieillit lentement. Et s’il meurt ?
Je ne sais pas. Si ça arrive, je prendrai la mission qui m’a été assignée quatorze ans plus tôt super à cœur. Ça va être très bizarre.

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T’es tu déjà mis dans la peau d’un autre coureur ?
Je me suis transformé en Roger de Vlaeminck il y a quelques années. Mais seulement une fois. Et il a bien aimé ça ! Mais les gens continuent à m’appeler Eddy. C’est comme ça. Je lui ressemble plus. Je suis lui.

Y a-t-il un nouveau Merckx dans le peloton actuel ?
Pfiou. Quand Merckx a arrêté, j’ai eu beaucoup d’autres favoris. D’abord Johan Museeuw, puis Tom Boonen et ensuite Jurgen van den Broeck. Maintenant il y aussi Oliver Naesen et Wout van Aert. Ils me plaisent bien. Je supporte uniquement les Belges d’ailleurs. Vous avez Ajax [club de football néerlandais, ndlr], et nous on a nos cyclistes stars. Mais un nouveau Eddy Merckx ? Sérieusement, je ne pense pas.

Il t’arrive encore d’être simplement Frans ?
Ma femme aimerait bien, ouais. Ce n’est pas possible tous les jours. Souvent, je suis Eddy Merckx. Les jours d’entrainement déjà. Ça fait beaucoup. Mais pendant les jours de repos, quand je travaille dans le jardin ou quand je fais le ménage, je suis Frans.

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