Drogue

En Asie du Sud-Est, le trafic de drogue prospère malgré la pandémie

« Alors que tous les regards sont tournés vers le coronavirus, tout indique que la production et le trafic de drogues de synthèse et de produits chimiques se poursuivent à des niveaux records. »
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
thaïlande drogue meth
1,42 tonnes de "ice" saisie dans la province de Narathiwat, au sud de la Thaïlande, le 3 juillet 2020. Madaree TOHLALA/AFP 

Les autorités thaïlandaises ont intercepté une cargaison massive de 1,42 tonne de crystal meth en route vers la Malaisie plus tôt ce mois-ci, ce qui prouve une nouvelle fois que la production de drogue en Asie du Sud-Est, loin d’être affectée par la pandémie de Covid-19 en cours, connaît au contraire un pic majeur.

Selon le site malaisien Bernama, deux suspects ont été arrêtés avec une cargaison de « ice » (une autre appellation de la méthamphétamine), d'une valeur totale de 285 millions de bahts, soit environ 9,1 millions de dollars. Les deux ressortissants thaïlandais auraient été payés 600 000 bahts (19 300 dollars) pour la livraison.

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La drogue, emballée dans 35 grands sacs, a été trouvée dans une remorque transportant des barres de fer de Bangkok à Tak Bai. Une fois que le camion a atteint la frontière entre la Thaïlande et la Malaisie, une autre personne aurait été chargée de transporter la drogue en Malaisie. Les suspects, cependant, ont été interceptés à Narathiwat, à quelque 35 kilomètres de la frontière.

Alors que 1,42 tonne est une saisie importante, cela ne représente qu'environ 1 % de la quantité totale de méthamphétamine saisie en Thaïlande en 2019 – la quantité la plus élevée jamais enregistrée dans un seul pays d'Asie du Sud-Est.

« Les saisies sont effectuées dans de nouveaux endroits car le crime organisé continue à repousser les limites de l'activité. La production est connue pour migrer vers des endroits où les problèmes de gouvernance sont profonds, comme le Triangle d'Or »

Ces dernières années, l'Asie du Sud-Est a connu une explosion du marché de la méthamphétamine, avec des pays où les prix dans la rue sont bas et les saisies records. En Thaïlande, les saisies de méthamphétamine ont été multipliées par dix entre 2017 et 2019. « Alors que tous les regards sont tournés vers le coronavirus, tout indique que la production et le trafic de drogues de synthèse et de produits chimiques se poursuivent à des niveaux records dans la région », a déclaré Jeremy Douglas, de la branche Asie du Sud-Est de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, suite à la publication d'un rapport en mai.

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Le rapport a montré un taux alarmant d'expansion et de diversification du marché de la méthamphétamine en Asie du Sud-Est. Et si le stimulant est devenu moins cher que jamais, sa pureté reste élevée.

L’Asie du Sud-Est a une spécialité : le « yaba », ou « pilule de la folie » en thaïlandais. Il s’agit d’un mélange de caféine et de méthamphétamine, parfois aromatisé comme un bonbon. Avec un prix par comprimé de seulement 80 baht (environ 2,60 dollars), cette drogue est tout à fait à la portée même des travailleurs à bas salaire, dont beaucoup prennent cette drogue pour faire face à des emplois éreintants, selon un rapport de Reuters.

Aux Philippines, c’est le « shabu » qui est la drogue de prédilection. Il s’agit d’une forme de méthamphétamine en poudre qui était autrefois présente dans 90 % des quartiers de la région de la capitale. Mais malgré la guerre sanglante menée par le président philippin Rodrigo Duterte contre la drogue – guerre qui a laissé des dizaines de milliers de morts –, le prix de la méthamphétamine a chuté de près de 20 % depuis son arrivée au pouvoir, ce qui laisse supposer que de plus en plus de drogues se retrouvent dans les rues. « Les saisies sont effectuées dans de nouveaux endroits car le crime organisé continue à repousser les limites de l'activité, indique l'ONUDC dans son rapport. La production est connue pour migrer vers des endroits où les problèmes de gouvernance sont profonds, comme le Triangle d'Or. »

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Mais si la production de drogue a toujours été importante dans le Triangle d'Or, la production de méthamphétamine se consolide encore dans la région du Bas-Mékong.

Le Myanmar étant le premier producteur mondial de crystal meth, la Malaisie et la Thaïlande ont servi de couloirs aux passeurs pour reconditionner et transporter la drogue vers d'autres pays, dont l'Australie et la Nouvelle-Zélande, principales destinations de la drogue.

Deux millions de comprimés de speed emballés dans des sacs d'engrais, d'une valeur marchande de 80 millions de baht (2,57 millions de dollars), ont été expédiés ce mois-ci du nord au sud de la Thaïlande, rapporte le Bangkok Post. Quatre suspects ont été arrêtés par les mêmes autorités qui ont mis la main sur la cachette de 1,42 tonne de « ice ».

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