De la difficulté de se faire stériliser
Illustration de Vivian Shih

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Feminisme

De la difficulté de se faire stériliser

« L’opération étant passée, je ne ressens ni joie ni regret face à ce que j'ai fait – juste un sentiment de sécurité constant et réconfortant. »

Cet article a été initialement publié sur Broadly.

J'avais 29 ans et j'étais célibataire sans enfants la première fois que j'ai demandé à me faire stériliser. Mon médecin s'est pincé les lèvres comme si j'avais sorti une absurdité. Je vais sans doute vouloir, m'a-t-il assuré, des enfants en vieillissant. Au milieu de la trentaine, j'ai demandé à un autre médecin, une femme cette fois-ci. Elle m'a conseillé de rentrer chez moi et de discuter de ma fertilité avec mon mari ou mon petit ami – je n'avais ni l'un ni l'autre à l'époque.

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L'idée de me faire stériliser m'a hantée pendant la majeure partie de ma vie d'adulte. Il a pourtant fallu près d'une décennie et demie pour que quelqu'un me prenne au sérieux. Plus tôt ce mois-ci – à l'âge de 42 ans, toujours célibataire sans enfants – j'ai enfin subi une ligature des trompes par laparoscopie.

En théorie, j'aurais dû pouvoir me faire opérer au moment où je l'ai demandé. Aucune loi n'interdit aux femmes de se faire volontairement stériliser, et la procédure est couramment utilisée comme méthode de contraception aux États-Unis. En pratique, ce n'est toutefois pas si simple que ça. Les médecins qui m'ont refusé la procédure ont fait écho à mes amis et ma famille, qui me pensaient trop immature pour prendre une telle décision. En l'espace de treize ans, on m'a constamment répété que je ne devrais pas agir à la légère, que je le regretterai plus tard. La plupart de ces mises en garde étaient accompagnées d'une petite tape condescendante sur la tête. On tentait de me rassurer – bien sûr, je pourrais toujours recourir à une ligature des trompes après avoir connu la joie d'avoir un enfant ou deux. Certains allaient même jusqu'à me proposer une issue insidieuse : après avoir eu des enfants, je pourrais raisonnablement faire pression sur mon mari pour qu'il subisse une vasectomie, après tout, ce sera la moindre des choses, vu que j'aurais déjà fait tout le sale boulot.

Je n'ai jamais voulu avoir d'enfants. Quand j'étais plus jeune, une tante m'a dit que c'était parce que je n'avais pas encore rencontré la bonne personne. Cela aurait pu être vrai, mais je suis sortie avec beaucoup d'hommes qui auraient fait de très bons pères, et j'ai été mariée à un homme avec qui j'aurais pu mener une longue et heureuse vie, avec deux enfants et deux voitures. Mais je ne voulais pas de ce mode de vie, et j'ai fini par divorcer. Je n'ai aucuns regrets quant à la porte que j'ai refermée derrière lui.

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Depuis le début de ma vie sexuelle, j'ai bataillé pour trouver une méthode de contraception qui ne me cause pas constamment de la douleur et de l'inconfort. Je ressens beaucoup d'effets secondaires négatifs lorsque je prends la pilule : des maux de tête quotidiens, une migraine occasionnelle et un ventre légèrement mais constamment ballonné, sans parler des règles irrégulières et des sautes d'humeur. On m'a dit que mon col de l'utérus était trop petit pour un stérilet (un médecin l'a décrit comme étant « de la taille d'un trou d'épingle »), et parce que je suis aussi sensible aux hormones, même à faibles doses, l'implant n'est pas non plus une option viable. La ligature des trompes m'a semblé être une solution judicieuse, puisqu'elle est à la fois sans hormones et permanente. Pendant un temps, il m'a été impossible de trouver un médecin d'accord avec moi.

Le plus difficile était de l'annoncer à ma mère, qui croit fermement, et le répète souvent, que la plus grande vocation d'une femme est la maternité.

En février cette année, après que mon frottis a donné un résultat anormal, j'ai pris rendez-vous avec un spécialiste – un gynécologue obstétricien réputé dans la ville où je vis. Sans rien espérer, je lui ai expliqué que je souhaitais une méthode de contraception durable avec moins d'hormones.

Au lieu de me rejeter, il m'a répondu : « Eh bien, vous pouvez essayer l'implant Norplant, mais il contient des hormones – ou bien vous pouvez vous faire ligaturer les trompes. C'est définitif, mais ça mérite considération. » Je suis sortie de son cabinet soulagée d'avoir enfin trouvé le Saint-Graal de ma quête contraceptive : un médecin qui m'écoute et qui accepte de me stériliser.

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Un mois plus tard, lors d'une visite de suivi, je lui ai annoncé que je voulais une ligature des trompes. Il a fait un pas en arrière et, bien qu'il ait semblé surpris, m'a expliqué les détails de la chirurgie. Il ne m'a pas demandé si j'avais consulté mon partenaire. Il ne m'a pas conseillé de rentrer chez moi et d'y réfléchir soigneusement. Il s'est assuré que je comprenne bien le caractère définitif et irréversible de la chose, avant de me faire lire et signer un formulaire de consentement.

Mon assurance a approuvé la chirurgie dans la semaine qui a suivi la demande du médecin. J'ai aussitôt programmé l'examen préopératoire et une litanie d'examens d'option : un électrocardiogramme, une radio du thorax et différents tests sanguins. Le plus difficile était de l'annoncer à ma mère, qui croit fermement, et le répète souvent, que la plus grande vocation d'une femme est la maternité. J'ai abordé le sujet de manière détournée, pendant que nous étions sur le canapé en train de nous moquer des séries que nous regardons ensemble de manière obsessionnelle.

« Les résultats de mon deuxième frottis sont arrivés aujourd'hui », lui ai-je dit en m'efforçant de ne rien laisser paraître. « Je pense me faire ligaturer les trompes. »

Elle l'a assez bien pris : elle a soupiré, puis a souligné que, puisque je n'avais jamais voulu des enfants, le moment était propice à cette opération. La procédure est relativement peu invasive et sans risque. Mon assurance maladie couvrait le coût. Plus important encore, j'étais célibataire, et le choix m'appartenait. Ma mère a alors hésité. J'étais célibataire, n'est-ce pas ? Le choix m'appartenait ?

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L'inquiétude de ma mère n'est pas sans raison : l'Amérique a un long et honteux passé de stérilisation involontaire. En 1927, la Cour suprême a statué lors de l'affaire Buck vs. Bell que les États avaient le droit de stériliser de force les hommes et femmes qu'ils jugeaient inaptes à la procréation. Selon Alexandra Stern, professeure spécialisée dans l'histoire de l'eugénisme et de la justice, les médecins de l'État de Californie ont stérilisé environ 20 000 hommes et femmes au milieu des années 1900. Leurs principales victimes étaient des patients considérés comme ayant des comportements sexuels transgressifs ou des mœurs légères, ainsi que les enfants d'immigrants mexicains, japonais et italiens dont les familles étaient trop pauvres pour prendre soin d'eux. Dans les années 1960 et 1970, le Los Angeles County-USC Medical Center a forcé les femmes mexicaines et mexicano-américaines à signer des consentements à la stérilisation médicale avant qu'elles ne soient traitées pour des césariennes d'urgence. Le mois dernier, un juge du Tennessee a été critiqué pour avoir proposé aux détenus de se soumettre à des vasectomies en échange d'une réduction de peine de 30 jours.

En tant que Mexicano-Américaine, je suis une anomalie historique en cela que j'ai volontairement subi une procédure de ligature des trompes. Et même parmi les femmes qui ont fait ce choix, mon cas est exceptionnel : selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, seuls 1,7 pour cent des femmes qui choisissent la stérilisation comme méthode de contraception le font parce qu'elles ne veulent pas avoir d'enfants.

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Il m'a fallu 13 ans, d'innombrables médecins et quelques mauvais frottis pour arriver là où j'en suis. Je suis sûre de ma décision.

Il y a deux semaines, à la veille de mon opération, j'ai regardé ces statistiques à nouveau et j'ai eu un moment de doute. L'idée d'élever un enfant m'a toujours ennuyé, mais je suis actuellement dans la situation idéale pour avoir un – mon travail est adapté aux enfants et je pourrais, avec quelques ajustements, « me permettre » d'avoir un bébé. Mes sœurs et ma mère m'ont répété à plusieurs reprises que si jamais j'avais un fils ou une fille, elles seraient ravies de s'en occuper si besoin. Je devrais être reconnaissante pour ces circonstances, mais en me couchant ce soir-là, j'ai imaginé ce que ça ferait de porter et élever un enfant – mon estomac s'est tordu et un sentiment d'anxiété m'a gagnée. J'adore mon neveu et mes nièces, mais la maternité n'est pas quelque chose que je me souhaite à moi-même. Pendant que je m'endormais, je me suis rappelée : Il m'a fallu 13 ans, d'innombrables médecins et quelques mauvais frottis pour arriver là où j'en suis. Je suis sûre de ma décision. C'est ce que je veux.

Le jour J, mon opération a été retardée d'une heure et quart parce que mon médecin s'occupait d'un accouchement. C'est une infirmière qui me l'a dit après avoir m'avoir recouverte d'une couverture chauffante et inséré mon intraveineuse. Assise dans mon lit, j'ai pensé à la femme qui donnait naissance quelques étages au-dessus de moi. Je lui ai souhaité bonne chance. J'espérais qu'elle ait son bébé, tout comme moi ma chirurgie, dans les meilleures circonstances possible.

J'étais sur le point de m'endormir quand le médecin s'est pointé dans ma chambre en me demandant si j'étais prête et si j'étais sûre de vouloir le faire. J'ai répondu par l'affirmative et on m'a transportée en fauteuil roulant jusque dans la salle d'opération.

Une ligature des trompes est on ne peut plus simple : le chirurgien réalise une ou deux petites incisions dans l'estomac de la patiente, puis pompe le gaz dans la cavité abdominale, en l'élargissant. Cela lui permet de voir l'utérus et les trompes de Fallope plus clairement. Ensuite, une petite caméra est insérée dans le ventre et les trompes sont coupées ; le chirurgien brûle ensuite les extrémités ou les ferme de sorte à former une boucle. Enfin, le chirurgien retire la caméra, suture le tout, et la patiente se réveille. C'est tout.

Je ne sais pas quelle méthode le médecin a utilisé – la cautérisation ou la ligature – car je ne lui ai pas demandé. Je me suis réveillée, somnolente et sereine, deux heures après l'intervention de trente minutes. Mon estomac et mon nombril étaient douloureux, mais je n'étais pas inquiète – l'infirmière m'avait prévenue. Elle m'a assuré que la douleur n'allait pas empirer, ce qui s'est avéré juste dans les jours qui ont suivi.

Il s'est écoulé un peu plus d'une semaine depuis l'opération ; les points de suture et les bleus sous mon nombril en sont les seuls rappels physiques. Treize ans suffisent amplement à réfléchir, et j'étais sûre de ma décision. L'opération étant passée, je ne ressens ni joie ni regret face à ce que j'ai fait – juste un sentiment de sécurité constant et réconfortant. Être stérile est mon choix, et j'ai eu ce que je voulais.