FYI.

This story is over 5 years old.

Nouvelles

« Accepter un baiser n’est pas accepter de baiser »

2000 personnes se réunissent à Montréal pour dénoncer la culture du viol.
Photo : Andréanne Regina S. Sylvestre

Pendant que des manifestations avaient lieu simultanément dans différentes villes du Québec, la manifestation contre la culture du viol à Montréal, le 26 octobre, unissait environ 2000 personnes.

2000 personnes unies contre l'intolérable à Montréal

« J'ai deux filles. J'attends un autre enfant. Je ne veux pas savoir le sexe avant la naissance, mais j'ai peur que ce soit une fille. Je ne devrais pas penser ça ni le dire, mais j'espère que ce n'est pas une fille. Je me suis fait agresser sexuellement quand j'avais onze ans. Quand je lis les statistiques, je sais qu'il y a beaucoup de risques que mes filles vivent ça aussi. Et je ne sais pas comment dealer avec ça. »

C'est une mère qui m'a dit ça, alors que j'expliquais à ma fille de cinq ans que le consentement, ce n'était pas la même chose que la concentration.

Publicité

« Je suis là parce que je me fais traiter de salope quand je porte une jupe au travail et que je veux m'impliquer pour contrer une culture qui permet trop de dérapages », m'a dit Caroline, une commis de bureau et étudiante en éducation spécialisée.

Photo : Instagram/Damien Ligiardi

Accompagnée de mes enfants, nous croisions des manifestantes aux pancartes éloquentes : « Accepter un baiser n'est pas accepter de baiser », « Mon corps n'est pas une porte débarrée » et « Sans oui c'est non ». Une manifestante brandissait fièrement sa pancarte « Le consentement est sexy », pour plus tard réaliser qu'elle se devait de compléter son affirmation. Au sol, pendant le discours de Natasha Kanapé Fontaine, l'artiste multidisciplinaire et porte-parole de la mobilisation, ainsi que ceux de différentes associations comme Québec Inclusif, Stella et Missing Justice-Justice pour les femmes autochtones disparues et assassinées, la manifestante a ajouté « et nécessaire » à son slogan.

Une manifestation qui ravive des douleurs

Pour certaines victimes d'agressions sexuelles, c'était trop difficile de participer à la manifestation, qui avait été spontanément organisée suite aux agressions multiples à l'Université Laval et à la dénonciation d'Alice Paquet, accueillie avec mépris et condescendance par beaucoup de blogueurs et commentateurs dans les médias.

Sur le collectif Facebook Les Gamines, une survivante expliquait que se présenter à la manifestation était dangereux pour elle, qui a dû subir le rejet de ses proches après avoir révélé son agression sexuelle: « En quelques mois, on a violé mon corps, ma vie privée, mes amitiés, mon appartement, mes relations. Je me suis retrouvée au bord d'un rien immense. » Elle craignait de croiser au Jardin Gamelin, le lieu de rencontre de la manifestation, les proches qui l'avaient fait souffrir.

Publicité

Geneviève Caron-Ferron, une chorégraphe de danse et militante féministe, a aussi éprouvé des difficultés lors de la marche de solidarité et de lutte contre la culture du viol. Elle s'est rappelé la détermination et la force de sa mère, morte récemment. « C'est certain que j'aurais marché avec ma mère si elle était encore en vie. Les manifs, on les faisait souvent ensemble. C'était trop d'émotions, ça, et tout. », qu'elle m'a avoué.

Des alliés contre l'isolement et le mépris

Une telle manifestation, bien que triste, car elle nous confronte tous à des événements déplorables et à des attitudes qui tolèrent ou excusent des violences sexuelles , apporte toutefois un baume à plusieurs personnes . Certaines soulignent qu'elles ont enfin l'impression de sortir de l'isolement. « Je n'avais jamais raconté à personne mon viol. Je ne pensais pas que c'était un viol. Je savais que c'était un viol, mais je me disais que j'inventais peut-être, que j'étais folle. J'ai raconté ce qui m'est arrivé à mon chum la semaine dernière. Il est avec moi. Je sais que je ne suis pas folle et que je ne suis pas seule non plus », m'a dit une participante à la manifestation.

Photo : Instagram/Koriass

Mathieu, un autre manifestant, confirme que ça lui a fait du bien « d'entendre un discours différent de toute la marde misogyne trouvée sur internet ces jours-ci ». Comme allié, il trouvait important d'être présent à la mobilisation, car plus de la moitié de ses amies ont été agressées sexuellement: « Ça me touchait directement. J'ai été battu par mon père dans mon enfance. Je crois que ça m'a toujours permis d'être plus sensible au genre d'injustices où les victimes sont balancées dans le silence forcé et le mépris généralisé. »

Le slogan « On vous croit » a été scandé de nombreuses fois par la foule. Après la manifestation, l'événement #Stopcultureduviol, animé par Tamy Emma Pépin, avait au programme des témoignages et des prestations des chanteurs de pow-wow Buffalo Hat Sisters, de Safia Nolin et des Soeurs Boulay.