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Chroniques

J’ai lu la biographie de Noémie Dufresne pour que vous n’ayez – surtout – pas à le faire

Noémie Dufresne se décrit elle-même comme une des « personnalités les plus populaires et les plus influentes » de sa génération, « l'idole des jeunes filles et une femme admirée par les hommes ».

Elle n'a pas de talent particulier, mais elle trône au sommet des réseaux sociaux du Québec. Pour l'histoire courte, sachez que Noémie Dufresne se décrit elle-même comme une des « personnalités les plus populaires et les plus influentes » de sa génération, « l'idole des jeunes filles et une femme admirée par les hommes ».

Elle était suivie par quelques milliers de personnes lorsqu'une rumeur au sujet d'un lift et d'un paiement en nature s'est mise à circuler sur le web, ce qui a fait exploser sa popularité. Bête de même. Depuis, la page Facebook officielle de Noémie a près de 1 250 000 abonnés. C'est plus qu'Éric Salvail, Julie Snyder, Marie-Mai et Maripier Morin – réunis.

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Voici maintenant qu'elle nous offre, du haut de ses 21 ans, une biographie intitulée Un like à la fois, un livre dégoulinant de clichés qui retrace ses débuts sur les réseaux sociaux et sa montée fulgurante vers la gloire, le tout entrecoupé de fantasmes rose bonbon, où Noémie s'imagine triompher dans tous les domaines de la manière la plus cheesy qui soit. J'hésite entre qualifier cette bio de « désastre littéraire » ou de « coup de génie du marketing ».

Une très longue infopub

Si vous pensiez en apprendre plus sur Noémie Dufresne, vous serez déçu.

Après un bref survol de son enfance en banlieue et de son rêve olympique inaccompli, Noémie se vante d'être un outil de diffusion qui attire les annonceurs et en dresse la liste exhaustive, au point où on se demande à quel point la biographie est faite de contenu commandité. Parce que, come on, personne dans la vie n'écrit des paragraphes complets pour expliquer les mérites des e-boards ou des apps sociales qui tentent de percer. Ça, c'est sans compter le chapitre ENTIER dédié au Beachclub de Pointe-Calumet.

Photo : Facebook

En fait, on s'affaire ici à la promotion d'un mode de vie, celui des famous, à grands coups de récits de photoshoots à Paris, de voyages dans le Sud et de sections VIP dans les clubs. Elle tente d'enfoncer ce mode de vie dans la gorge des jeunes adolescentes (sans aucun doute le public cible) en leur rappelant que « tout le monde veut être populaire (je suis bien placée pour le savoir!) ».

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Ce type de discours n'a rien de surprenant si vous avez suivi son blogue, où on trouve des aberrations du type « La liste des choses que les femmes veulent en 2016 », qui compte « être mince », « devenir mannequin » et « sortir avec un beau gars » au chapitre des aspirations les plus communes pour la moitié de l'humanité. Pendant que le féminisme verse des larmes de sang, je m'aplatis le front à coups de facepalm.

Un chef d'œuvre de contradictions

En tant que star, Noémie n'hésite pas à dénoncer l'envers de la médaille de l'industrie de la beauté, s'attaquant à la popularité grandissante de la chirurgie plastique chez les jeunes. « Quand j'y pense, et bien que je fasse partie moi aussi de la game d'Internet, je trouve cela incroyable. Notre monde est-il vraiment devenu si superficiel? », écrit-elle.

Sérieux!? Venant de la même personne qui, même pas 100 pages plus loin, se vante d'avoir été la tête d'affiche de #magiclips, une tournée de bars où elle a fait tirer des chèques-cadeaux d'une valeur de 1500 $ pour des injections des lèvres et qui juge « gratifiant » de pouvoir offrir un tel cadeau à ses fans? Et qui précise qu'elle n'accepte les contrats de promotion que pour des produits auxquels elle s'identifie?

Il est surprenant de voir qu'en seulement 236 pages, écrites en gros caractères, marges élargies et lignes largement espacées, on arrive à se contredire aussi grossièrement. C'est un affront au sens commun. Je refuse de croire que personne n'a soulevé le problème en cours de production, que personne n'a dit : « Hey guys, j'pense qu'on est fucking en train de dire n'importe quoi. » Cette contradiction est délibérée. Ce livre se moque de nous.

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Et il y en a d'autres, des contradictions. Simplement de dire « j'avais peur d'être aimée plus pour mon compte Facebook que pour ma propre personne » est risible en soi. Le livre s'intitule Un like à la fois. Noémie nous implore de l'aimer pour son compte Facebook.

Noémie la gagnante

À force de glorifier son mode de vie, Noémie semble avoir un objectif bien précis en tête. Parce qu'à travers son infopub, elle nous raconte qu'elle a fondé une entreprise qui vise à encadrer les aspirants famous qui veulent vivre le rêve, comme elle (et être payés en vêtements, en produits de beauté et en séances de bronzage). Faites le calcul.

J'en viens à me demander sincèrement si cette biographie n'est rien d'autre qu'un piège, un très gros piège annoncé avec des flèches, des paillettes, des alarmes et les mots en néons qui flashent : « Regardez, j'ai fait exprès d'écrire de la scrap, juste pour que vous parliez en mal de moi. »

L'appât est là, dans le livre. Noémie le répète à plusieurs endroits : « Parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en. » Et c'est dur de ne pas tomber dans le piège.

Je m'incline bien bas. Du haut de son empire, Noémie se fout de ma gueule : en voulant soulever les aspects déplorables d'un livre sans substance, j'ai fait de la pub à sa pub. Qui fait de l'argent là-dessus? Certainement pas moi.

Elle a gagné, j'ai perdu. Et je lui décerne le prix Nobel de la pire chick lit.

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Je vous laisse sur mes citations préférées

Sur la quête de sens et la réalisation de soi :

« J'avais quand même, instinctivement, l'impression que via ce média social, j'allais trouver ma voie, ou du moins, un sens à ma vie. » (p. 33)

« Les likes ne seront jamais un remède contre la solitude que l'on éprouve lorsque tout va mal et qu'on a l'impression que le monde entier est contre nous. » (p. 169)

« J'ai porté des robes vaporeuses, ultra-féminines, des talons aiguilles, bref, tout ce dont une femme peut rêver. » (p. 156)

Sur le voyage :

« À un moment, je crois même m'être endormie sur ma serviette. » (p. 124)

« Et si on entend souvent dire que les Parisiens sont désagréables, moi, je ne trouve pas. » (p. 153)

Sur les modes de transport :

« En fait, croyez-le ou non, on peut devenir blasé à force de se promener en limousine! » (p. 89)

« Elle habitait assez loin de chez moi et, comme je n'avais pas de voiture, je devais utiliser les transports en commun pour me déplacer. » (p. 164)

Et les révélations-chocs :

« En fait, pour être parfaitement honnête, j'ai déjà eu un perçage au nombril, mais je l'ai enlevé. » (p. 147)

« Ainsi donc, non, je n'ai pas eu d'augmentation mammaire et oui, je porte des soutiens-gorge rembourrés, comme une bonne partie des femmes qui, tout comme moi, ont une petite poitrine. » (p. 146)

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