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Culture

Dans la porno de la Québécoise Valérie Rosz, la femme est adorée et reine

Ici, la femme a réellement du plaisir.
Dans la porno de la Québécoise Valérie Rosz, la femme est adorée et reine
Crédit photo : Valérie Rosz

Depuis cinq ans maintenant, l’artiste érotique Valérie Rosz explore la sexualité, sa sexualité à elle, en relation avec celui qu’elle nomme l’Amant. À travers des photos et des vidéos, la Québécoise met en scène son érotisme résolument féminin, sans tabou ni complexe.

Provocante, elle expose le résultat de ses expérimentations sur lnstagram et sur Tumblr, ainsi que sur une plateforme payante. La publication de ces images osées lui a valu la suspension de ses comptes à quelques reprises, mais cela n’a pas réussi à tarir son désir de transmettre au public sa vision de l’Éros.

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Son premier film porno, elle l’a réalisé en 2016, en expérimentant avec une caméra Super 8, sans jamais l’achever. C’est pourquoi l’artiste se tourne aujourd’hui vers des formats numériques plus courts. Elle a produit deux courts métrages pour le moment : paru il y a un mois, Orgasm se concentre sur le plaisir féminin, tandis qu’ Erogenous, paru jeudi dernier, explore la zone érogène de la poitrine féminine. L’artiste vise à produire un nouveau film érotique par mois, explorant chaque fois un nouveau thème.

VICE s’est entretenu avec elle pour décortiquer son œuvre la plus récente et pour parler de ce qui motive sa ferveur créatrice.

VICE : Quelle histoire racontes-tu avec Erogenous ?
Valérie Rosz : C’est un court-métrage basé sur la stimulation de zone érogène. J’évoque mon expérience et l’apprentissage de l’excitation ressentie lorsqu’on stimule les seins. Je sais qu’on parle peu d’éducation sexuelle et qu’on questionne peu le plaisir féminin, que c’est souvent tabou d’en parler. Je me sens un peu comme une « porte-parole » à travers ces extraits. J’ai l’impression d’avoir une certaine responsabilité envers les femmes. J’ai découvert ma sexualité très tôt et je trouve nécessaire de parler de mon expérience.

Ça fait combien de temps que tu travailles sur ce court métrage?
Quand je tourne, généralement j’ai le footage nécessaire à la fin de la journée. J’aime la spontanéité de l’acte, alors je fais mon montage avec ça. Erogenous a été tourné en environ trois heures. Ce qui me prend souvent plus de temps c’est l’editing. Je ne sais jamais vraiment ce que je veux jusqu’à ce que l’œuvre soit complètement terminée. Souvent, je pars avec une idée de base et, à la fin, c’est complètement une autre histoire.

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Image tirée d'Orgasm. Crédit photo : Valérie Rosz

Ton premier film était sur pellicule. Est-ce que tu utilises encore ce format?
Ce n’est plus le cas, étant donné les complications du film. La caméra à film demande une certaine habileté, et étant donné que l’Amant et moi sommes les producteurs et les protagonistes de nos films, nous étions très limités en termes de mouvements et de distance. La caméra à film exige qu’on tienne le bouton enfoncé pour chaque scène. Envisager de trouver quelqu’un pour filmer ne faisait pas partie de nos projets, et à bout de bras lors de nos ébats, ça ne laissait pas assez de place à la diversité de création. Nous nous sommes tournés vers une vieille caméra numérique et avons mis en place un tout autre processus de création que nous apprécions davantage.

Que voulez-vous explorer, maintenant?
Nous explorons toujours l’intimité, mais le visuel à grain fin noir et blanc ne fait plus partie de nos récents projets. À travers ma nouvelle technique de montage, je veux laisser place à la poésie, au frisson. Dans le cas de mon premier film numérique [ Orgasm, NDLR], j’ai exploré davantage l’audio que le visuel. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait avant et que je désire explorer davantage dans mes prochains films.

As-tu pour projet de mettre d'autres personnes en scène dans tes vidéos ou pour l'instant préfères-tu continuer à te mettre en scène toi-même?
Je pense que la démarche ne serait plus la même si je mettais quelqu’un d’autre en scène. La recherche de soi, c’est un peu le centre de notre processus créatif.

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Image tirée d'Erogenous. Crédit photo : Valérie Rosz

Image tirée d'Erogenous. Crédit photo : Valérie Rosz

Dans un extrait présenté sur Instagram, j'ai remarqué qu'on peut voir la caméra vidéo dans le reflet du miroir. Était-ce dans le but d'aller rechercher l’esthétique de porno « amateur », où on nous montre des gens au quotidien, plutôt que des pornstars ? Est-ce que c'est une façon d'exacerber l'expression de l'intimité?
Exactement. Je ne cherchais pas à cacher la caméra à tout prix, mon désir étant d’aller chercher la plus grande spontanéité possible à travers le processus de création, et de laisser paraître la caméra ajoute une certaine expression à l’esthétique.

Parlant d'esthétique. Dans les shots, on voit un homme qui porte un t-shirt blanc, puis une chemise blanche, et ton haut en dentelle est blanc. Quelle est la réflexion derrière tes choix vestimentaires?
Le visuel a toujours été important pour moi et on retrouve souvent ce même esthétisme vestimentaire dans ma démarche cinématographique et photographique. Le masculin revêtu de blanc ou de noir, sobre, brut, redoutable et fort. Le féminin dans la nudité qui l’habite, souvent revêtu d’un seul accessoire. Ils ne sont que l’expression de mon regard sur le féminin et le masculin.

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Est-ce que ton art, tu le fais en réaction à la porno conventionnelle?
Je remarque à travers la porn traditionnelle qu’il y a en effet très peu d’hommes véritablement soucieux du plaisir de leur partenaire, et dans mes courts métrages, il en va dans un tout autre sens. La femme est adorée et reine.

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Qu’est-ce que la société devrait retenir, ou même apprendre, au sujet du désir féminin?
Il y autant de femmes ardentes sexuellement qu’il y a d’hommes ardents au Québec, et je pense que les bons partenaires sexuels sont rares et qu’il y a peu de place accordée au plaisir féminin. À qui la faute? Je ne blâme aucun des deux sexes. On éduque peu les jeunes filles et les jeunes garçons, je pense qu’on a un problème au niveau de l’éducation sexuelle en bas âge.

Le rôle des parents est important aussi. Les pères castrateurs et les mères castratrices… c’est un sujet assez lourd aussi et qui appartient au domaine de la psychologie, mais qu’il ne faut pas oublier parce qu’il a un rôle édifiant auprès de la sexualité de l’enfant, adolescent, adulte.

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Dirais-tu que ton approche est féministe, tant dans la force de la douceur, de la féminité, que l’affirmation de sa sexualité?
Je ne sais pas si utiliser le terme « féministe » pour définir mon approche est une bonne chose, j’ai toujours l’impression de marcher sur des œufs quand j’entends ou utilise ce terme. Disons que chacun se fait sa propre idée.

Mais tu parles quand même de femme adorée, de femme reine. Il y a quand même une forme d'empowerment dans ton œuvre?
Il y a certainement une forme d’empowerment dans mon œuvre, autant cinématographique que photographique. C’est assez important pour moi d’ailleurs de le transmettre aux femmes. Cependant, je ne tiens pas à catégoriser mon œuvre de féministe pour autant.

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Quel public rejoins-tu avec ta porno érotique?
J’ai remarqué autant de femmes que d’hommes et de toutes les tranches d’âge, de jeunes filles de 15 ans, de femmes adultes, d’hommes dans la vingtaine à des hommes d’âge mûr. Bref, toutes les catégories d’âge et actuellement une plus grande majorité de femmes.

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Est-ce que tu reçois beaucoup de critiques pour ta sexualité affirmée et mise en scène?Mon public est assez réceptif; je pense que moins on justifie l’art, plus le spectateur se questionne et se fait sa propre idée. La plupart du temps, soit les gens demeurent indifférents face à ma création, soit ils se sentent menacés ou bien ils apprécient sans faire trop de bruit. Je pense que la sexualité est malheureusement encore très taboue.

Ton art est parfois décrit comme provocateur. Tu penses quoi de ce qualificatif?
Je pense qu’il y a une marge entre l’art et la provocation et l’art de la provocation. Dans les deux cas, j’aime provoquer. Je pense que la provocation est parfois nécessaire, lorsqu’elle est bien maîtrisée.

Justine de l'Église est sur Twitter.