Comment j'ai découvert qu'on pouvait faire l'amour sans douleur
Photo par Sam Manns via Unsplash

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Comment j'ai découvert qu'on pouvait faire l'amour sans douleur

Pendant de longues années, j'ai pensé que sexe rimait avec souffrance à cause d'un mal peu connu.
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par Ruby

Je me suis toujours sentie un peu à part niveau sexualité. Ma puberté a commencé tard, j'ai été la dernière de ma classe au collège à avoir mes règles. J'ai longtemps été filiforme avant d'être rattrapée par mes hormones. De ce fait, je me suis intéressée aux garçons pendant ma période lycée, alors que mes copines fantasmaient déjà au collège sur M. Pokora, Zac Effron ou encore Justin Bieber. Véritable fardeau pour certaines, la perte de ma virginité n'était pas une priorité.

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Petite, j'ai régulièrement fait des infections urinaires car je ne m'hydratais pas assez – boire de l'eau c'est important, il ne faut pas l'oublier. J'ai des souvenirs amers d'une vessie brûlante qui m'empêchait d'aller uriner. J'ai alors développé le pouvoir de me retenir plus de 24 heures. A cette époque-là, je ne savais pas que mes problèmes urinaires allaient autant impacter ma vie sexuelle.

Ayant grandi dans une famille très pudique, la question de la sexualité n'a jamais été abordée. Cadette d'une famille de trois enfants avec un grand frère asexué, je ne connaissais les rapports amoureux que par le prisme de mes amis, des séries et des magazines d'ados que ma mère m'achetait. Autant dire que je n’y connaissais rien.

Aux alentours de mes 15 ans, j'ai commencé à subir cette pression d'être encore pucelle. Plus les années passaient, plus je me sentais à l’écart, puisque les conversations de mes camarades ne tournaient qu'autour de ça. J'avais envie de me sentir intégrée. Naturellement curieuse, j'ai demandé à une copine la sensation qu'une pénétration procurait. Celle-ci m'a répondu : « Imagine que tous tes problèmes sont centrés sous ta ceinture et lorsque tu fais l'amour avec quelqu'un, ceux-ci disparaissent totalement et te laissent une impression de plénitude et de légèreté ». (Oui j'ai fait L au lycée).

C'était bien beau tout ça mais je n'étais pas plus avancée. À mes 18 ans, lors de mes études supérieures, j'ai trouvé « The choosen one ». Celui qui restera gravé dans ma mémoire toute ma vie. À une période où je manquais cruellement de confiance en moi, cela me semblait primordial d'être amoureuse et d'être aimée en retour pour pouvoir laisser entrer un homme dans mon intimité. J'étais sa première copine, il ne connaissait le sexe que sous le prisme des sites pornos. À l'époque, nous étions tellement amoureux que nous sommes tombés dans le cliché du couple qui sèche les cours pour passer tout leur temps ensemble. J'étais tellement stressée à l'idée de souffrir en perdant ma virginité que nous avons attendu six mois pour passer à l'acte.

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Comme pour beaucoup, ma première fois a été décevante. Beaucoup de pression et de préparation mentale pour deux minutes très éloignées du nirvana tant promis. Je me souviens d'une sensation de déchirure et de brûlure intense lors du premier rapport. Je serrais les dents, j'étais contente que ça se termine rapidement. Satisfaite d'avoir franchi cette étape, c'est à ce moment-là que je me suis sentie adulte et intégrée dans la société.

« J'ai pensé à un complot mondial où tout le monde faisait semblant d'aimer le sexe alors qu'en réalité c'était nul à chier »

Mais les rapports qui ont suivi sont restés douloureux. Après chaque rapport, je courrais aux WC pour me passer de l'eau froide sur ma vulve rouge et gonflée. Pourtant, mon copain était doux et prévenant, on ne comprenait pas pourquoi j'avais mal à ce point. Six mois se sont écoulés et je n'aimais toujours pas faire l'amour. Associé à de la torture, c'était incompréhensible pour moi que les gens aiment ça. J'ai pensé à un complot mondial où tout le monde faisait semblant d'aimer le sexe alors qu'en réalité c'était nul à chier. En regardant des vidéos porno, je me suis demandée comment les actrices faisaient pour tenir aussi longtemps. La simple idée d'avoir plusieurs rapports à la suite me faisait frissonner de douleur.

En discutant avec des copines qui me racontaient leur expérience au lit, je constatais qu'ils leur arrivaient de pratiquer le sexe jusqu'à plusieurs fois par jour. J'ai réagi en demandant pourquoi elles s’infligeaient autant de douleur pour si peu de plaisir. C'est à ce moment-là que j'ai compris que c'était moi le problème. Étant naturellement sèche, je pensais que les femmes fontaines étaient un mythe fabriqué par l'industrie pornographique. Je m’étais vraiment trompée sur toute la ligne.

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J’ai décidé de prendre pour la première fois rendez-vous chez un gynécologue, sans en parler à ma mère. Mon copain m’a accompagné pour raconter cette sexualité douloureuse et mes antécédents d'infections urinaires au médecin. Je lui ai dévoilé également que je faisais des mycoses à répétition et des épisodes d'herpès génital (c'est la fête dans mon slip). Le gynécologue m'a simplement prescrit une crème contre les mycoses et m’a demandé de me détendre lors des rapports en raison de mon périnée très musclé.

Malgré tout, les douleurs insupportables après chaque fin de rapport n'ont pas cessé. Ma libido était au plus bas, la pénétration n'était parfois carrément plus possible. J’ai alors planifié un rendez-vous chez un autre gynécologue qui me disait la même chose que le précédent, malgré mes insistances. Après plusieurs rendez-vous médicaux foireux, j'ai décidé de prendre mon mal en patience et d'accepter que le sexe me fasse souffrir. Je me suis alors séparé de mon premier copain.

Quand j’ai entamé une nouvelle relation, j’ai prévenu mon partenaire de ma sensibilité. Il m’a rassuré en disant qu'il connaissait ça. On y est allé donc doucement. Je me souviens avoir eu particulièrement mal ce jour-là, mais je n'avais rien dit de peur de passer pour une fille frigide. Durant des années, le plaisir de ces messieurs est passé bien avant le mien. J'en disais le moins possible pour ne pas montrer que j'étais différente et que j'étais tout à fait capable d'avoir une relation sexuelle comme tout le monde.

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« Quand je tombais sur un mec qui me plaisait, j'acceptais de me faire pénétrer en sachant pertinemment que j'allais souffrir après »

Pendant ma période de célibat, je n'ai jamais vraiment cherché de plan cul car je n'en ressentais ni l'envie ni le besoin. Quand je tombais sur un mec qui me plaisait, j'acceptais de me faire pénétrer en sachant pertinemment que j'allais souffrir après. Toutes mes relations se sont déroulées de cette manière, ce qui explique aujourd'hui le peu de partenaires sexuels que j'ai eu car je n'associais pas le sexe à du plaisir.

Depuis quelques années, l'éducation sexuelle est beaucoup plus présente sur le net – ce qui a clairement manqué lors de mon adolescence. Il y a trois ans précisément, en lisant des articles en ligne sur Madmoizelle, je suis tombée sur des témoignages de femmes qui ont des problèmes similaires aux miens. Étant fraîchement installée sur Paris pour mes études, j'ai commencé à me pencher sur le sujet et j'ai découvert l'existence du vaginisme. Il s'agit de contractions musculaires involontaires et prolongées des muscles qui entourent l'ouverture du vagin, rendant la pénétration douloureuse. On parle également de vaginite dans les cas où le vaginisme est accompagné d'une inflammation du vagin et de la vulve. Exactement la définition de mes symptômes.

J’ai alors pris rendez-vous chez un gynécologue parisien pour lui faire part de ma découverte. Il était persuadé que je ne souffrais pas de ce syndrome rare. Comme tous les autres, il m’a donné un médicament contre les mycoses et m’a demandé de me détendre pendant les rapports et de bien me lubrifier l'entrée du vagin.

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Au même moment, j’ai commencé une nouvelle relation. Honteuse, je n'osais pas parler de mon problème à mon copain. Quand est venu le temps des premiers rapports, l’enfer a ressurgi. Puis j’ai décidé de lui confier mon terrible secret. Je lui ai raconté alors mes démarches, toutes soldées par un échec. Au fur et à mesure de notre discussion et de ses interrogations, je me suis décidée à découvrir la cause de tous mes soucis. J'ai obtenu un rendez-vous chez une dermatologue spécialisée en pathologie vulvaire.

Contrairement aux spécialistes précédemment consultés, celle-ci a pris en compte ma douleur et m’a confirmé que ce n'était pas normal. Je lui ai expliqué mes antécédents médicaux, avant qu’elle remarque que j'avais beaucoup de sensibilités au niveau des muqueuses (mycoses, aphtes dans la bouche, etc). Au regard de mes symptômes, elle s’est demandé si je ne faisais pas une allergie au sperme. Elle m’a prescrit un traitement pour éradiquer toute formes de brûlures vulvaires ainsi que des séances chez une sexologue. Elle m’a demandé de ne plus être en contact avec du sperme jusqu'à notre prochain rendez-vous.

Au bout de quelques mois de traitement et de retrait de la part de mon copain, ce fut la libération. Je commençais enfin à jouir et à ne plus avoir peur de souffrir après chaque rapport. J'avais également pris rendez-vous chez la sexologue qu'elle m'avait recommandée. Celle-ci m'a rassurée et n'a rien constaté d'anormal dans le fonctionnement de mon vagin et de mon périnée. TOUT ALLAIT BIEN.

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Quelques mois plus tard, je suis retournée toute contente chez la dermatologue. Entre-temps, j'avais fait des prélèvements et des analyses sanguines. Le résultat était sans appel : j’étais bien allergique au sperme, mais ma douleur était liée à une combinaison de réactions chimiques dues à l'acidité du sperme et de mon hypersensibilité. À cause d’un PH trop acide, des inflammations apparaissaient dès que ma vulve était en contact avec des corps étrangers.

***

Aujourd'hui j'ai 25 ans. J'ai un médicament à prendre à vie pour éviter les mycoses et mon copain se retire après chaque rapport. Ayant surtout eu des relations longues, je me passais de capotes au bout de quelques mois une fois le dépistage des IST fait. Je n'ai donc jamais assimilé ma douleur à une éventuelle allergie ou à un problème plus profond et généralisé dans mon corps.

Cela fait désormais un an que je découvre enfin une sexualité sans douleur, et je peux vous dire que je me sens libérée d'un énorme poids (comme quand mon amie m'avait expliqué ce que ça faisait d'avoir des rapports). Cela m'a pris du temps à enlever de ma tête cette appréhension constante avant chaque rapport de la souffrance qui m'attendait à la fin. J'ai appris à me détendre, à profiter du moment et à retrouver une vie sexuelle active. Je goûte désormais à tous les plaisirs et surtout de pouvoir baiser quand je veux et autant que je veux sans aucune pression. Aujourd'hui, je peux affirmer qu'on ne m'avait pas menti et que le sexe est un des plus grands plaisirs de la vie.

Là où je m'en veux, c'est d'avoir accepté cette douleur pendant si longtemps. Si un homme a mal pendant un rapport, il s’arrêterait immédiatement. Pourquoi en tant que femme, je me suis sentie obligée de prendre mon mal en patience et de penser au plaisir de l'autre avant le mien ? Je me sentais tellement coupable de ne pas pouvoir combler normalement un homme avec mes douleurs que je l'ai accepté. C'était horrible pour moi de penser que je ne pouvais pas assurer mon rôle de femme, que je ne pouvais pas satisfaire les besoins d'un homme. Heureusement, j'ai toujours été avec des personnes prévenantes qui n'ont jamais insisté lorsque j'avais mal. Le traumatisme lié à ma sexualité vient seulement d'un manque d'informations et d'une mauvaise prise en charge du corps médical.

Je m'aperçois que je suis loin d'être un cas isolé et cela me peine énormément. Aujourd'hui beaucoup de comptes Instagram ont émergé pour briser les tabous liés à la sexualité et qui questionne la place femmes dans les rapports hétérosexuels (je pense à l'excellent compte « T'asjoui ? »). L'information est désormais accessible à toutes et à tous et permet de déconstruire des préjugés ancrés depuis trop longtemps. Rappelez-vous que ce n'est jamais normal d'avoir mal, personne ne devrait vous dire le contraire. Parlez-en autour de vous et consultez des médecins spécialisés en cas de doute.

Liberté, égalité, levrette claquée.

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