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Santé

Insérer une éponge de mer dans son vagin est une terrible idée

C’est une bonne manière de se magasiner une infection. Ou pire.

Avec la Terre qui se meurt et les océans qui se noient dans le plastique, avec la popularité du mouvement « zéro déchet » et la méfiance envers les produits chimiques, les solutions « naturelles » ont la cote.

Dans cet esprit, des femmes essaient de trouver une solution écologique pour remplacer les dizaines de tampons et serviettes qu’elles jettent chaque année.

La coupe menstruelle et la serviette lavable sont des solutions de mieux en mieux connues. Mais dans des coins sombres du web, un autre produit est proposé et quelquefois vanté sur les réseaux sociaux et les plateformes de vente en ligne : l’éponge de mer menstruelle.

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Il s’agit d’une vraie de vraie éponge, recueillie au fond des eaux, découpée pour qu’elle ait la taille d’un œuf, ou un peu plus. Pour stopper son flux menstruel, il faut la mouiller puis l’insérer dans son vagin, de la même manière qu’un tampon.

Le marketing et les commentaires des utilisateurs rendent le tout séduisant. Sur internet, on peut lire qu’il suffit de la retirer aux quatre à six heures, de la rincer et de la remettre en place pour avoir des règles écolos et sans tracas.

On dit qu’elles sont douces, qu’elles ne dessèchent pas les muqueuses, qu’elles sont lavables, réutilisables (certains disent qu’elles peuvent servir un cycle, d’autres un an), compostables et économiques, qu’il s’agit d’une manière « plus santé » de vivre ses règles.

On fait même des analogies quasi ésotériques. Sur un des nombreux sites consultés, on peut lire : « Notre corps est fait d’eau, et les éponges ont vécu dans les océans, pourquoi n’utiliserais-tu pas ces alliés spongieux lors de ton cycle lunaire? »

En fait, il y a plusieurs raisons de ne pas utiliser ces « alliés spongieux ».

Des ennemis dans votre éponge

La Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis s’est penchée sur la question durant les années 80, et a jugé les éponges de mer à usage menstruel comme étant « à risque ».

L’agence s’appuie sur deux études. Une d’entre elles a été menée par l’Université de l’Iowa à la fin des années 80 : en analysant 12 éponges menstruelles, les chercheurs ont trouvé des traces de sable, de poussière, de bactéries et de matériaux divers.

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Lors d’une autre étude, des agents de la FDA ont effectué 41 inspections auprès de distributeurs et visité plus de 500 magasins au détail. Ils ont prélevé des échantillons d’éponges de mer, et l’analyse a révélé des traces de sable, de poussière, de bactéries, de levures et de moisissures.

Sur son blogue, la gynécologue d’origine canadienne Jen Gunter argue qu’il y a « de réels risques » si l’on utilise des éponges de mer, en raison de tous ces débris et résidus. Ceux-ci pourraient notamment se détacher et se transformer en nid à bactéries.

« Les éponges pourraient modifier l’écosystème vaginal qui favorise la croissance de bonnes bactéries. L’incapacité de nettoyer adéquatement entre les utilisations pourrait faire en sorte qu’on introduise des bactéries potentiellement dangereuses qui se sont multipliées dans l’éponge le temps qu’elle sèche près de l’évier. Et l’éponge pourrait causer des abrasions lors de son insertion ou de son retrait. »

Comme quoi la solution naturelle n’est pas forcément la plus adéquate.

Attention au choc toxique

« Je connais des femmes qui ont “perdu” leur tampon, et qui ont eu le syndrome du choc toxique – ce qui ne se produit pas avec les éponges – alors je ne m’en ferais pas trop si j’étais vous! » témoigne-t-on dans la foire aux questions d’un site web de vente d’éponges menstruelles.

Il faut faire attention avec ce genre de rhétorique : en réalité, ce témoignage anonyme n’a rien de factuel.

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Avec l’éponge de mer, il y a bien un risque de contracter le syndrome du choc toxique, cette infection rare et potentiellement mortelle que l’on peut notamment contracter en portant un tampon trop longtemps.

La FDA met l’accent sur ce point : le Centers for Disease Control d’Atlanta a rapporté un cas où cette grave infection bactérienne était liée à l'utilisation de l’éponge menstruelle, ainsi qu’un autre cas où on soupçonne que l’infection pourrait y être liée.

Une autre étude menée par une équipe de Salt Lake City dans les années 80 a relevé que les bactéries responsables du choc toxique avaient des taux de colonisation beaucoup plus élevés chez les femmes qui utilisaient l’éponge que le tampon. Les chercheurs concluent que les résultats « indiquent que les éponges ne sont pas une solution de rechange aux tampons pour les femmes qui cherchent à diminuer le risque du syndrome du choc toxique ».

C’est pour cela que la mise en marché des éponges de mer pour remplacer les serviettes hygiéniques requiert une approbation spéciale de « précommercialisation » de la FDA. Les produits doivent être testés avant d’être vendus au public.

C’est la même chose au Canada. Questionnée par VICE, Santé Canada répond qu’elle réglemente la vente ainsi que la publicité qui entourent les méthodes « alternatives » d’hygiène féminine, dont les éponges de mer utilisées à des fins d’hygiène menstruelle.

Elles sont catégorisées dans les « instruments médicaux » qui présentent « le risque le plus élevé ». Pour en faire la promotion ou pour en vendre, il faudrait qu’un détaillant démontre d’abord que le produit est conforme aux exigences de sécurité et d’efficacité prévues par la loi.

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À ce jour, « Santé Canada n’a pas approuvé de demande d’homologation pour des éponges de mer à des fins d’hygiène menstruelle », et n'en a pas non plus reçu, assure-t-on.

Les Américains à l'affût

Aux États-Unis, des distributeurs inspectés par la FDA dans les années 80 ont été informés des risques de choc toxique et des obligations de préapprobation de leurs produits. La majorité a fermé boutique, les autres ont changé leur emballage, proposant plutôt d’en faire un usage cosmétique.

L’agence demeure à l'affût de la vente de ces produits.

En 2014, elle a envoyé un avertissement à la compagnie Jade&Pearl, qui commercialisait les « Sea Pearls Sea Sponge Tampons » à des fins d’hygiène menstruelle, sans préapprobation de la FDA. Elle critique en outre l’absence de contrôle de qualité des éponges de mer reçues en vrac.

Toujours en vente

« Éponges épongeront », comme dit l’adage que je viens d’inventer.

La compagnie Jade&Pearl vend toujours ses éponges sur internet. La seule différence, c’est qu’on ne fait plus référence à leur usage pour l’hygiène menstruelle : on vend des éponges de mer réutilisables, tout simplement.

La compagnie indique d’ailleurs dans la section des commentaires des utilisateurs qu’elle a dû « retirer tous les commentaires qui contenaient des utilisations possibles des éponges de mer ».

Sur un autre site qui vend des produits Jade&Pearl, la compagnie a ajouté une note. « En raison des règles de la FDA, nous ne pouvons plus vendre nos Sea Pearls expressément pour les menstruations ». On ajoute ne plus vouloir associer les éponges de mer au mot tampon. « Par définition, nos Sea Pearls ne sont pas des tampons, ce ne sont que des éponges. »

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L’intention est noble, mais il reste que ce produit et cette note sont affichés sur un site entièrement consacré à la vente de produits d’hygiène menstruelle.

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Il ne s’agit d’ailleurs que d’un cas parmi tant d’autres. Sur des plateformes comme Etsy ou sur des sites spécialisés en hygiène féminine, on retrouve en grand nombre des éponges de mer vendues pour l’hygiène menstruelle.

Et puis, comme des personnes l’ont remarqué sur les réseaux sociaux, il est possible d’acheter n’importe quelle éponge de mer dans la section cosmétique de la pharmacie et de l’utiliser pour l’hygiène menstruelle.

Personne ne peut vous empêcher de vous enfoncer une éponge de mer dans la demoiselle, si c’est ce qui vous chante.

Mais ce n’est pas parce qu’une chose est possible qu’elle est préférable.

Justine de l'Église est sur Twitter.