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Culture

À la rencontre du producteur québécois derrière certains des plus gros hits de latin trap

Avant de créer des hits pour Shakira et Migos, Alex Castillo, mieux connu sous le nom AC, dormait par terre dans son studio de L.A.
À la rencontre du producteur québécois derrière certains des plus gros hits de latin trap
Photo fournie par la SOCAN

Alex Castillo, mieux connu sous son nom d’artiste AC, est de retour dans son Montréal-Nord natal depuis quelques semaines seulement. Après de longs séjours à Los Angeles et en République dominicaine, il s’est réinstallé en ville juste à temps pour recevoir le prestigieux prix international de la SOCAN en octobre dernier.

VICE a rencontré AC dans le duplex de sa mère, sa maison d’enfance, sur la 10e avenue à Montréal-Nord. Il a déménagé temporairement dans l’appartement du deuxième et y a installé son studio dans le salon. Il y a encore des boîtes à défaire, mais son prix fraîchement reçu est déjà bien en évidence sur une étagère. C’est le cousin du hit maker qui a construit le studio pendant son absence qui vient nous porter des bières Corona. À 27 ans, le producer est de retour au bercail auprès de sa famille pour se recentrer et amorcer un nouveau chapitre de sa carrière.

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« J’ai passé mon adolescence à apprendre à faire des beats avec le mentorat de gars comme Realmind », raconte Alex Castillo. « À cette époque-là, il était le roi du reggaeton à Montréal. » Alors que ce dernier part en tournée en Colombie, AC commence à expérimenter avec des styles complètement différents. « Je voulais aller plus loin que le reggaeton et c’était le moment où la production hip-hop commençait à s’infiltrer dans les albums pop. »

Pendant que Pharell produisait des hits pour Britney, AC était loin de se douter qu’il travaillerait un jour avec la princesse de la pop. « Tout a commencé quand j’ai accompagné mon ami Billboard lors de sa participation à une compétition de beatmaking en Arizona en 2009. C’était mon premier contact avec l’industrie et le réseautage. » Après la compétition, Billboard envoie un message MySpace à un important producteur de L.A. qui l’invite à se rendre en Californie pour travailler dans son studio. C’est à ce moment qu’AC, qui venait d’avoir 18 ans, prend la décision de suivre son ami. Ce sera un tournant dans sa carrière. « Je savais que si je voulais poursuivre ma passion, il fallait que je quitte Montréal. J’ai tout lâché et j’ai réservé un vol aller simple pour Los Angeles. »

Alex se met à l’œuvre dans un petit appartement de L.A. qu’il partage avec Billboard. « C’était une période assez créative, mais je n’avais presque aucun contact là-bas. Les sessions de studio étaient moins fructueuses. » Après six mois de relative oisiveté, AC envisage de retourner au bercail. « Le jour avant la date prévue de mon départ, Billboard et moi, on reçoit un appel, c’est Dr. Luke qui nous invite à son manoir de Malibu. On a alors participé à des sessions avec Will.I.Am et il m’a offert de signer sur son label. C’était comme un rêve devenu réalité, je savais que ma vie venait de changer. »

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L.A., l’usine à beats

Avec ses papiers en règle et l’embauche d’un agent à L.A., AC se lance à fond dans sa carrière et doit rapidement faire face à des défis professionnels. « L’industrie du disque à L.A. est très mécanique et impersonnelle. Tous les jours, je participais à des sessions avec des artistes différents sans vraiment échanger avec eux, apprendre à les connaître ou connecter de façon créative. » Ce grind quotidien ajoutait aussi du poids à sa situation financière précaire. « Je travaillais tellement d’heures et on coupait quand même l’électricité dans mon appartement. Ça n’a pas toujours été facile pour moi, mais je savais qu’il fallait persévérer. »

AC signe son premier gros succès avec la chanson Wild Wild Love de Pitbull en 2012, puis Hold on Tight de Britney Spears. Malgré ces singles populaires, le coût faramineux de la vie à L.A. continue de peser sur le jeune producteur, et c’est dans un creux financier qu’AC crée le beat qui le fera émerger de l’ombre. « J’étais rendu à travailler dans le studio la nuit, car c’était le seul espace éclairé dont je disposais. Je m’étais fabriqué un lit avec les panneaux de mousse d’isolation sonore du studio et c’est dans ces conditions, vers 4 heures du matin, que j’ai créé le beat qui allait devenir Trini Dem Girls. » Son beat, coproduit par JMIKE, a été choisi par Nicki Minaj pour son légendaire album The PinkPrint. « Quand on a vu que Nicki aimait le son et qu’elle voulait l’enregistrer immédiatement, j’ai compris que tous mes efforts avaient porté fruit. »

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Porté par le succès de cette chanson, AC enchaîne les productions avec des artistes comme Justin Bieber, Ciara et Selena Gomez. Toutefois, il sent qu’il a atteint un plafond et qu’il est temps pour lui de bouger. Il décide de se relocaliser en République dominicaine où habite son père. « Je ne voulais pas passer le reste de mes jours à L.A. et j’avais besoin de me rapprocher de ma famille. » À son arrivée, il installe un studio chez lui et remarque rapidement que la scène pop latine prenait à son tour un virage urbain. « L’année 2015, c’était le début de la vague qui a mené au latin trap que l’on connaît aujourd’hui. En République dominicaine, c’était une sorte de renaissance. »

Les artistes latino-américains commencent à générer d’énormes taux de visionnement YouTube, ce qui permet aux chansons d’AC d’atteindre un niveau de rayonnement réellement mondial. « J’ai composé Vente Pa’Ca pour Ricky Martin et Maluma. Je me souviens m’être réveillé le lendemain de la sortie du clip et de me rendre compte qu’il était déjà à 2 millions de views en moins de 24 heures! » La chanson qui atteint aujourd’hui presque 1,5 milliard (!) de visionnements finit par attirer l’attention de Shakira. « J’étais dans une pharmacie de Santo Domingo et j’ai reçu un appel d’un numéro inconnu de Barcelone : “Allo, c’est Shakira. J’aimerais que tu viennes t’installer chez moi et que tu travailles sur mon album.” J’étais sidéré et complètement abasourdi. »

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Depuis lors, AC a participé à un bon nombre de projets de plus grande ampleur. En plus d’avoir contribué à l’album El Dorado de Shakira, il a été responsable de la trame sonore de sa tournée mondiale. AC a aussi contribué à la carrière florissante de Becky G, rassemblant une équipe pour encadrer sa progression artistique et marquant la production de son méga-hit Mayores avec le rappeur Bad Bunny. « J’ai de plus en plus la possibilité de faire des productions complètes où je garde la mainmise sur l’ensemble des projets. Je suis vraiment fier de cet aboutissement de ma carrière. » Sa plus récente production Iz You Ready pour le trio trap Migos a été choisie pour la trame sonore du film Mile 22 et comme chanson officielle des séries pour la Ligue majeure de baseball et la NBA.

Montréal, la maison

Cependant, malgré son succès international, c’est au sein de ses pairs et amis producteurs montréalais que AC se sent le plus à l’aise. « J’ai toujours organisé des sessions d’écoute sans prétention avec Ruffsound (producteur de Loud), Banx&Ranx (producteur de Diplo), Billboard, Realmind et Benny Adam, entre autres. On écoute nos beats, on se donne des conseils, du feedback. Chacun en profite. » Ce sont ces sessions qui le poussent à finaliser Montro, un projet instrumental et expérimental qui devrait paraître d’ici peu.

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Maintenant père de famille, AC souhaite s’établir de façon permanente à Montréal. « C’est vraiment important pour moi de reconnecter avec mes racines montréalaises et d’y établir un chez-soi pour ma famille. »

En restant dans la métropole, AC espère pouvoir enseigner aux jeunes producteurs et partager son expérience avec eux. « Je me suis réinstallé dans mon quartier de Montréal-Nord, car je veux être présent dans la communauté et peut-être un jour servir d’inspiration aux jeunes d’ici. »

Antoine-Samuel Mauffette Alava est internet ici et .