FYI.

This story is over 5 years old.

Culture

Ça a créé du Mana le week-end dernier à la Place Bonaventure

On s'est pointés au Grand Prix Magic The Gathering Montréal pour voir des centaines de gens invoquer des élémentaux et se lancer des boules de feu sur la gueule.
Kevin Jones, alias American Daddy, repart plus riche de 10 k$. Photo : Wizards of the Coast

Il y a quelques jours, tous les yeux de la communauté Magic The Gathering (MTG) étaient rivés sur Montréal. La Place Bonaventure, dans toute la majestueuse médiocrité de son architecture grisonnante, abritait le grand prix de Montréal 2017, une étape classique qui pouvait booster les stats des joueurs ambitieux ayant le circuit pro dans leur ligne de mire – en plus de repartir avec quelques milliers de dollars. Des hordes de joueurs venus, pour la grande majorité d'entre eux, des quatre coins du Canada et des États-Unis s'étaient donc donné rendez-vous pendant trois jours consécutifs pour confronter leurs decks préparés avec amour en combinant 60 cartes ( -ish) choisies judicieusement parmi les cinq couleurs thématiques (vert, blanc, bleu, noir et rouge) et/ou incolores qui composent le jeu.

Publicité

Parfois créature maléfique et légendaire ou artefact, parfois rituel et enchantement éphémère ou permanent, chaque carte en main a un coût en mana pour entrer en jeu durant la partie. Ce mana est produit par les terrains qui sont posés en jeu au fur et à mesure puis engagés (inclinés à 90° pour indiquer que les cartes sont actuellement utilisées) afin de produire l'énergie nécessaire, qui diffère selon les cartes. Forcément, lancer une boule de feu ne demande pas autant d'énergie que d'invoquer un seigneur dragon. Expliqué si simplement, ce jeu de cartes à jouer (et à collectionner) au tour par tour paraît vraiment simpliste et chiant, mais la tonne de possibilités, de scénarios et de combinaisons offertes par les quelque 17 000 différentes cartes éditées jusqu'à présent plus l'évolution constante de son contenu depuis près de 24 années d'existence non seulement sont addictives mais génèrent un facteur stratégique exponentiel d'une durée de vie qui frôle l'inépuisable.

Avant d'aller plus loin, je souhaite cependant mettre fin aux préjugés ostentatoires. Beaucoup d'entre vous imaginent cette activité comme un passe-temps pour no-life célibataire aux cheveux gras qui gagne probablement sa tune en tant que développeur C++ dans un studio de jeu vidéo : vous êtes vraiment à côté de la plaque. Il est certain qu'en 1993, lorsque Richard Garfield, le créateur de MTG, déboule avec son univers fantastique en carton (au sens propre), le jeu fut adopté en majeure partie par les rôlistes les plus puristes, mais ça, c'était avant. Depuis, la communauté s'est diversifiée et n'est plus exclusive à une élite déjà fan de scénarios Heroic fantasy-esque de Dongeons & Dragons ou de parties épiques de Warhammer, dont l'armée d'orques et de gobelins fraîchement peinte sera le seul et unique salut.

Publicité

Cela étant dit, j'ai eu le goût de me replonger dans ce jeu un instant par pure nostalgie, mais aussi parce que j'y ai consacré de longues heures et beaucoup d'argent entre 1996 et 1999. Mine de rien, MGT a eu son petit impact sur le sérieux de ma scolarité, au grand dam de mes parents un peu saoulés de me voir invoquer un éfrit de la tourmente plutôt que de me voir réviser mes cours de biologie. Mon samedi matin, souvent synonyme de gros chill, de Froot Loops et parfois de comatage intense devant une série un peu bidon, est donc passé à la trappe et je me suis pointé dans l'aile ouest de Bonaventure pour me remémorer ces instants de vie précieux, tous issus d'une adolescence plutôt glorieuse.

J'avoue que la surprise a été plutôt cool à mon arrivée et ma petite appréhension matinale, c'est-à-dire la peur de me retrouver bloqué avec la communauté de l'anneau ou autres weirdos, s'est assez vite dissipée. De nombreuses filles et nombreux garçons, jeunes et moins jeunes et de toutes classes sociales, à en voir les styles éclatés qui sont présents sur les lieux, étaient réunis dans une ambiance joviale mais compétitive. La place est très spacieuse, mais le public qui a répondu à l'appel l'investit de manière à faire union. Des dizaines de très longues tables style soirée bingo ou biergarten à la berlinoise accueillent les centaines de duels qui verront s'affronter les « magiciens » tout au long du week-end.

Publicité

Les artistes-illustrateurs Véronique Meignaud, Eric Deschamps et Anastasia Ovchinnikova, tous trois contributeurs de visuels pour MTG, sont sur place. Ils sont venus rencontrer leurs fans qui s'agglutinent en rang d'oignons pour repartir avec un selfie qui finira sur leur insta et pour se faire dédicacer des cartes que certains refourgueront probablement sur eBay pour le double de leur cote. Il y a aussi des stands tenus par des magasins et revendeurs. Pour la première fois de mon existence, je vois le Black Lotus, la carte la plus rare et qui n'a plus été rééditée depuis 1993. Le dude qui fait office de vendeur est pas très flex et ne me laisse la toucher qu'avec les yeux juste après m'avoir confié que le prix de ce morceau de carton de 63 x 88 mm pouvait actuellement atteindre un joli 20 k$ selon son état et son édition. J'ai beau être français, je ne me serais pas cassé avec en courant. Quoique.

J'en reviens maintenant à des choses plus concrètes et je me mets alors à zigzaguer comme un badaud entre les différentes tables et les dizaines de juges attentifs et endimanchés dans leurs uniformes noirs NBA -ish aux couleurs des Wizards Of The Coast, la boîte qui édite MTG depuis sa première édition. Ça ne rigole pas ici et chacun compte bien repartir chez lui avec la banane et les 10 k$ promis. Puis si c'est 5000, 2500 ou même 1500, ça sera déjà pas mal. Les pioches posées sur les tables, ou bibliothèques dans le jargon, ainsi que les cartes déjà engagées dans les parties sont malades et je mets ma main à couper que certains decks valent plusieurs milliers de dollars. Bref. Je suis certainement rouillé, mais je sais encore reconnaître un bon jeu et une carte kick-ass par ses capacités, mais aussi par son coût en mana. Par contre, je vous avoue que je suis un peu paumé face aux nouvelles règles et aux multiples variantes du jeu qui sont réparties sur les deux journées de festivités. Que ce soit à un contre un ou en équipe, avec une liste de cartes soumise et validée en amont ou un starter pack scellé (donc random) et imposé à l'inscription, les multiples formats de jeu officiels ont largement contribué à rendre MTG super compétitif et à le démocratiser avec pas loin de 20 millions de joueurs sur le globe. Simple joueur du dimanche ou professionnel qui en a fait son gagne-pain : même combat.

Au terme du week-end, huit joueurs ont tiré leur épingle du jeu et sont repartis avec du cash et de bonnes stats pour espérer briller sur le parcours pro. La finale 100 % deck Aetherworks Marvel, qui est le deck le plus populaire de ce grand prix, a vu l'américain Kevin Jones (alias American Daddy) balayer le Torontois Paul Dean, comme le reste de ses adversaires qu'il a surinés allègrement avant de repartir avec la banque. Je ne vais pas entrer dans les détails techniques, mais juste pour votre culture G Magic-esque, ce style de deck de winner est super efficace et tend à torcher la partie en un minimum de tours. Composée de créatures puissantes et de sorts à faible coût, cette préparation génère un max de mana jusqu'à l'activation de la fameuse carte – qui donne son nom au deck – parfois pas plus tard qu'au tour 4, ce qui permet possiblement de lancer un Ulamog, the Ceaseless Hunger (une créature super puissante) assez rapidement. Si c'est le cas, autant vous dire qu'il y a de grandes chances que ce soit coucou bye-bye pour qui sera en face.

En tout cas, je seconde ce dude qui avait déjà remarqué un certain laisser-aller de la part de certains des participants de tournois Magic The Gathering : la présence accrue de la raie du maçon en milieu compétitif n'est vraiment pas une légende urbaine.