Festivals

En fait, c'est bien trop facile de rentrer gratos en festival

Trois jours, trois festivals - et pour pas une cenne.
Simon Doherty
London, GB
En fait, c'est bien trop facile de rentrer gratos en festival
Photos: Josh Eustace

Au cours de ces dernières années, j'ai réussi à me frayer un chemin dans divers concerts et soirées en utilisant quelques arnaques somme toute assez simples : grimper sur les toits, accepter de travailler au bar pour annoncer le jour-J que j'étais malade, prétendre être un artiste appelé « DJ Dirt-E » (quelque part à Leeds, il y a un videur qui a fièrement pris un seflie avec moi; mec, sache que je suis sincèrement désolé).

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D'accord, ce n'est ni incroyable, ni intelligent, mais - pour ma défense - chaque fois que j'ai fait ce genre de truc, c'était parce que je n'avais pas un bal et aucun moyen d'y entrer. Coïncidence, je suis à sec pour le moment. J'ai donc décidé de voir jusqu'où j'allais pouvoir pousser mes escroqueries en me créant un tas de personas liées au festival et en tentant ma chance devant les grilles.

AGENT DE SÉCURITÉ

festival blag security guard

Le voyage a débuté un vendredi, lors d’un festival à Victoria Park, à Hackney, auquel j’ai assisté en costume d'agent de sécurité. Grâce à la hiérarchie des festivals, peu de personnes sont en mesure de vous demander des comptes. En tant que « garde », votre autorité se situe au-dessous des DJ, des promoteurs et de la police, mais au-dessus de tous ceux qui ne portent pas de gilet haute visibilité.

festival security blag

La tenue m'a coûtée au total 13,50 euros : 5,50 pour le gilet, encore 5,50 pour faire graver le mot « SÉCURITÉ » et des chiffres sans signification au dos du gilet, et 2,50 pour le brassard. Dans ce dernier, j'ai placé un badge d'accès d'un ancien bureau où je travaillais, enveloppé dans un sac en plastique bleu.

Avant même d'avoir atteint le site, quelqu'un m'avait déjà demandé le chemin pour l'entrée du personnel. Je l'ai orienté dans la bonne direction et lui ai rappelé de bien préparer sa carte d'identité. Ensuite, comment dire… Je suis juste « passé ». Et par la porte du personnel. Une policière m'a souhaité un bon après-midi, un authentique agent de sécurité s'est excusé de m'avoir bousculé - et c'est tout : j'ai marché tout droit en dépassant tout le monde. Genre, ça en était presque un peu décevant.

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festival security blag

Pendant que je me promenais, Josh, mon photographe, a tenté sa chance à trois entrées, affirmant qu'il était employé par le festival. Ça a été un bon gros non, sans doute parce qu'il ne possédait absolument rien qui laissait suggérer qu'il devait être là. Je suis sorti avec lui pour l'escorter vers la sortie. On a marché avec détermination à travers l'entrée des artistes et je suis passé tout droit au travers du personnel et du détecteur de métal, mais malheureusement Josh s'est fait arrêté.

« Appartient-il à un média ? » demanda un homme trapu dans la mi-vingtaine.

« Oui », ai-je répondu. « Il est avec nous. »

« Oh, d'accord; il a besoin d'un laissez-passer. »

« Je l'emmène à l'accréditation maintenant. »

« Ça se trouve dehors. »

festival security blag

On a gambadé jusqu'à l'entrée principale et refait le même petit cinéma; et c'est passé comme sur des roulettes. Dans une tournure étonnante des événements, les gardes m'ont demandé s'ils devaient fouiller le sac de Josh. « Oui », leur ai-je demandé, puis on a filé pour ne pas louper le concert d'Elder Island.

ÉBOUEUR

FESTIVAL BLAG LITTER PICKER

Stimulés par les efforts de la veille, on s'est dirigés samedi vers un festival dance à Finsbury Park. J'avais une veste haute visibilité avec « LITTER » (détritus) et quelques chiffres aléatoires imprimés au dos, ainsi qu'une pince de ramassage pliable à extension, achetée à Argos au prix de 11,20 euros. J'ai zoné en périphérie, ramassé le peu de déchets que j'ai trouvé et les ai jetés dans un sac poubelle.

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J'ai repéré une opportunité - un steward se tenait à l'entrée arrière sans aucune sécurité en vue - et me suis faufilé à l'intérieur sans être ennuyé. J'ai fait une ronde autour de la scène, quand presque immédiatement j'ai entendu « Oi, mon pote ». J'ai ignoré l'appel et me suis concentré sur mes petits déchets. « Oiiii, MATE ! » Je me suis retourné pour voir un videur gigantesque courir droit sur moi.

FESTIVAL BLAG LITTER PICKER

« Où est votre pass ? » Ses yeux méfiants se sont rétrécis. Ce mec était clairement à fond dans sa mission. « Je suis ramasseur de déchets, de l'équipe de Chris », ai-je dit. Son visage s'adoucit, mais il m'explique que je ne peux pas être là. Il me dit que je dois passer par l'entrée principale. Alors qu'il m'escorte hors du site, je m'arrête et ramasse un déchet, pour un effet on ne peut plus spectaculaire. « Méthodique », « dévoué corps et âme à son métier » : je suis ces deux choses.

De l'autre côté du site, je me suis fabriqué le parfait petit tour de patrouilleur spécial déchets. Enfin, on pourrait plutôt parler de flânerie, car j'avais les yeux qui se perdaient au sol à la recherche de mégots de cigarettes plutôt cette l'attitude super confiante que j’avais adoptée en tant que « gardien de sécurité ». Malheureusement, c'était au début du festival et il n'y avait pas beaucoup de déchets.

FESTIVAL BLAG LITTER PICKER

« Vous pouvez jeter des crasses pour justifier mon job ? » plaisantais-je avec les mecs de la sécu alors que je passais devant eux sur le site. Ils ont ri, j'ai ri - on s'est tous bien amusés.

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PERSONNEL DE CATERING

FESTIVAL BLAG CATERING STAFF

C’est l'arnaque que je voulais essayer depuis un moment déjà. J'ai emprunté un tablier et un pantalon de chef à un ami, j'ai pris un torchon dans ma cuisine et je suis retourné au même festival dance. J'avais toujours imaginé que j'entrerais avec une caisse pleine de bouteilles d'eau hissée au-dessus de ma tête (tout est question d'accessoires; de petites touches), mais mon costume d'éboueur m'avait finalement coûté 22 euros et m'avait fait dépassé mon budget, alors j'ai opté pour quelques gobelets trouvés sur le sol.

FESTIVAL BLAG CATERING STAFF

J'ai passé l'entrée du personnel. « Avez-vous un bracelet ? » me demanda un garde épuisé, assis sur une chaise de camping, d'un ton qui suggérait bien qu'il s'en foutait. « Bien sûr », répondis-je en lui montrant un vieux bracelet d'équipage Boomtown datant de 2016, pensant que j'allais me faire taper sur les doigts.

FESTIVAL BLAG CATERING STAFF

Mais bien au contraire : « Merci », me répondit-il en me faisant signe de passer.

MONTEUR

FESTIVAL BLAG RIGGER

Dimanche, on a opté pour un festival House à Peckham Rye Park. J'allais prétendre être un monteur. Emprunter le matériel - une doudoune haute visibilité, un casque de sécurité, quelques pinces pour mousquetons et un gant (je n'ai pu m'en procurer qu'un seul) - a été assez super facile à Londres, même lors d'un jour férié.

J'ai fait le tour du périmètre du site pendant que Josh faisait le tour du parc, tenant l'un des appareils photo les plus remarquables que j'aie jamais vus. Il prenait parfois des photos au hasard, et ne semblait pas trop se concentrer sur moi. En plus, il avait une bonne histoire sur un shooting mode spécial festival, au cas où il éveillait les soupçons de quiconque.

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FESTIVAL BLAG RIGGER

Ce fut un petit événement, les entrées étaient limitées. Je me suis décidé pour l'entrée principale, même si un monteur ne passerait probablement pas par là. Après avoir traversé sans encombre tout le monde, je me suis directement joint à la foule qui convergeait vers le devant la scène principale. En dansant, je jetais de temps en temps un coup d'œil sur l'infrastructure, de la même manière qu'un artiste admirerait son œuvre terminée.

DJ

FESTIVAL BLAG DJ

Plus tard ce jour-là, lors du même festival, je me suis retiré dans les buissons entourant le site pour changer de vêtements et avoir la prétention de jouer le rôle de DJ. Une meuf qui travaillait dans le domaine des relations publiques m'avait une fois pris pour DJ Jasper James (même si on ne se ressemble pas du tout) du coup j'ai supposé que ça ne serait pas trop difficile. J'allais devoir assurer à l'entrée des artistes en utilisant le nom d'un type fictif : DJ Dirt-E. Je n'avais aucun e-mail pour m'aider dans ma demande, ni personne à appeler pour corroborer mon histoire. En plus de ça, personne - à part cet unique videur de ma ville - n'avait jamais entendu parler de DJ Dirt-E.

La tenue ne coûtait rien : je portais simplement mes vêtements habituels, j'avais emprunté le sac d'un ami et je tenais mon casque usé dans la main (tout est dans les accessoires, rappelez-vous). Je me suis approché de l'entrée des artistes, qui ressemblait à une petite ouverture dans une barrière, et me suis préparé à leur dire, avec une conviction absolue, que j'étais DJ Dirty-E et que j'avais un set à 19 heures. Mais ils ne m'ont rien demandé. C'était bizarre. Pire, personne ne m'a demandé qui j'étais. Une femme est venue me dire qu'ils étaient à court de bracelets et que je devais patienter dans les coulisses pendant 20 minutes.

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FESTIVAL BLAG DJ

J'ai ensuite été fouillé - ce à quoi je n'avais visiblement pas pensé, car lors de l'ouverture de mon sac, à la place des disques, ils ont trouvé des gilets haute visibilité, une radio et un gant célibataire.

« Tu travailles ici ? » me demande le videur.

« Non, je viens d'un job de montage. »

« D'accord, mais ne mets pas ton gilet haute visibilité ici. »

« Pas de problème, je ne le ferai pas. »

Un peu plus tard, je dansais dans une tente en forme de dôme, essayant de ne pas trop emmerder les gens avec mon grand sac. Au bar, un type a vu mon casque et m'a demandé à quelle heure je passais. « 19h, scène principale », répondis-je sans hésiter. « Cool, je vais venir voir ça » me répondit-il.

Trois jours, trois festivals, cinq techniques - chacune d’elles a fonctionné. Clin d'œil à toutes les équipes de sécurité qui lisent ceci et mes excuses aux fraudeurs pour avoir révélé leurs secrets.

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