Réaction au doux et inoffensif débat de la course à la chefferie du NPD

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Réaction au doux et inoffensif débat de la course à la chefferie du NPD

Les affirmations les plus fréquentes ont été « Je suis d’accord » et « Jack Layton ».

Dimanche dernier, le NPD a tenu le premier débat de sa course à la chefferie depuis que le centriste Thomas Mulcair l'a dévoyé. Mulcair qui, avec son charme de dentiste particulièrement sévère, pensait qu'il était brillant d'occuper la place des libéraux au centre en promettant des budgets équilibrés. Un pari qui n'a pas été gagnant, ne convainquant ni la droite que le NPD n'est pas un groupe d'enfants prodigues costumés en humains décents, ni la gauche qui s'est choisi un premier ministre Mountain Equipment Co-op qui a promis de border doucement chaque progressiste avant le dodo.

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Le NPD a perdu plus de 50 sièges aux dernières élections et est passé de « Oh mon dieu, on est l'opposition officielle, on pourrait gagner » à « Hey, tout le monde, on est encore là ».

Où en est donc maintenant le NPD? Est-ce un rival du Parti libéral en tant que parti d'une gauche pour tous auquel le Canada n'a pas encore donné sa chance ou une bande de militants idéalistes et rêveurs, une sorte de bar sympa avec de la bonne musique dans une ville où tout le reste est ennuyeux à mourir?

Le débat de dimanche nous a donné un aperçu de sa direction. D'abord, les quatre candidats :

Peter Julian, député de New Westminster, en Colombie-Britannique. Est absolument contre les pipelines. Sourit beaucoup. Le type que ta mère fréquente après son divorce et qui est tellement content que vous formiez une famille.

Charlie Angus, député de Timmins–Baie James, en Ontario. Sel de la Terre, organisateur col bleu. Une sorte de sac de hockey changé en homme. Si l'on se fie à ce qu'il a souvent répété dans le débat, il aime boire.

Niki Ashton, députée de Churchill–Keewatinook Aski, au Manitoba. Seule femme dans la course. Veut parler aux milléniaux et aux militants. Lunettes élégantes. A l'énergie contagieuse d'une personne qui vous recommande sa balado préférée. Méprise le néolibéralisme et adule Beyoncé.

Guy Caron, député de Rimouski-Neigette–Témiscouata–Les Basques. Ex-économiste du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. A raconté une excellente blague sur Justin Bieber.

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La première chose qui ressort du débat, c'est que ces candidats sont de très bonnes personnes qui s'aiment bien et se respectent. C'était comme regarder un débat entre des chandails de laine qui souhaitent être celui qui vous gardera au chaud par une froide nuit d'hiver. L'affirmation la plus fréquente a été « Je suis d'accord ». Vraiment, il n'y a eu aucun désaccord de tout le débat. On entendait si souvent « Je suis d'accord » que les gens dans le bar où je regardais le débat ont commencé à vider leur verre chaque fois qu'un des candidats était d'accord. Je ne sais d'ailleurs pas ce qu'ils sont devenus, peut-être anarchistes ou aveugles.

Si tous ces accords rendaient le débat un peu ennuyeux, il faut avouer que de voir cette petite bande de bonnes âmes pleines de bonnes intentions qui sans doute cuisent eux-mêmes leurs pains et s'entendent à merveille sur la meilleure façon de rendre le monde plus juste m'a fait chaud au cœur après les semaines d'argumentations entre les conservateurs à propos de la meilleure façon d'étouffer les pauvres et les laissés-pour-compte de la société.

Mais, à travers toute cette bonne camaraderie et cette affection, on a perçu des signes d'une tension émergente. Même si tous ces chefs en puissance ont dit s'engager à reprendre possession de la gauche progressiste, le centrisme tiède de Mulcair ayant été balayé du revers de la main, une question a lézardé le mur : à qui s'adresse le NPD et comment les convainc-t-on?

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Les candidats qui ont semblé prendre les devants dans cette course sont ceux qui ont le mieux répondu à cette question. Niki Ashton a capté l'attention avec son discours engagé, écorchant le néolibéralisme et affirmant que le NPD sera le parti de l'intersectionnalité. Elle voit le NPD regagner ses lettres de noblesse en ralliant les groupes progressistes et se voit moins comme la chef d'un parti que la leader d'un mouvement.

En face d'elle, il y avait Charlie Angus, qui s'est posé en défenseur de la classe ouvrière. Il a passé le débat à dire à la blague qu'il aime la bière gratuite, à raconter des histoires à propos de sa grand-mère et à évoquer des conversations autour d'une bière pendant des matchs de hockey au bar sportif du coin. La seule façon pour lui de mieux incarner le citoyen ordinaire aurait été de se faire tatouer  en direct pendant le débat le logo de la Labatt 50.

C'est, il me semble, le conflit duquel doit se dépétrer le NPD : c'est davantage une question de message que de valeurs. S'adressera-t-il aux abonnés Twitter urbains ou aux ouvriers de petites et moyennes villes? Peut-il simultanément rejoindre les deux?

Peut-être est-ce pour cette raison que la deuxième chose que l'on a le plus entendue dans ce débat est « Jack Layton ». Il avait réussi à transcender ce fossé. Sa fidélité à ses principes, notamment, lui avait permis d'entrer dans le groupe extrêmement sélect des politiciens aimés et admirés tant du courrier à vélo que du cultivateur. Tous les candidats ont parlé du bon Jack avec révérence, comme si en le mentionnant abondamment ils pouvaient se concilier à la fois sa bénédiction et son taux d'approbation.

L'ennui, c'est que Jack ne reviendra pas. La bonne nouvelle, c'est qu'il n'est peut-être pas indispensable. Dimanche, nous avons vu un parti qui, en réaction à sa défaite et à son impopularité, s'est engagé à revenir à ses idéaux. Il a abandonné la bataille pour accaparer le centre politique, que Layton lui-même avait amorcée et que Mulcair a ensuite intensifiée.

Les candidats ont plutôt proposé de faire preuve d'audace et de gagner avec leurs valeurs et non en dépit d'elles. Il y a des bénéfices à cette stratégie : à l'heure où Donald Trump déstabilise le monde et où le Parti conservateur s'engage à mettre en œuvre des politiques brutales, le mièvre centre est le dernier endroit où l'on veut se trouver. Que Trudeau tente, lui, de séduire à la fois tout le monde et personne. Si le NPD reste fidèle à lui-même et trouve sa voix pour communiquer ses idées, il pourrait se retrouver exactement à la place où il doit être.

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