La meilleure façon de légaliser le weed, selon ceux qui l’ont fait
Image : Jurassic Blueberries/Flickr

FYI.

This story is over 5 years old.

Drogue

La meilleure façon de légaliser le weed, selon ceux qui l’ont fait

Entre autres, le Canada devrait permettre à ceux qui ont été trouvés coupables d’une infraction de participer au marché légal.

Le Canada et le Québec auraient la chance de bien faire les choses. Il suffit de la prendre.

D'ici environ un an, le Canada va devenir le deuxième, mais surtout le plus grand pays du monde à avoir légalisé le cannabis.

Au Québec, la loi provinciale d'encadrement du cannabis va être déposée cet automne, alors que les discussions et les travaux à ce sujet s'entament à peine. Pour l'instant, on ignore tout du modèle de vente et de distribution préconisé par le Québec.

Publicité

Si le gouvernement Trudeau lui a laissé peu d'indications sur comment procéder, le gouvernement du Québec n'a pas à être dérouté pour autant.

Les États qui ont déjà légalisé le cannabis jouent ici le rôle de phares dans la brume : pour élaborer nos politiques provinciales, il est pertinent de s'inspirer de l'expérience de l'Uruguay et des États comme la Californie, le Colorado et le Washington, qui ont récemment légalisé le cannabis.

Des experts ayant participé à l'élaboration de ces politiques étaient présents hier à un forum sur l'encadrement du cannabis au Palais des congrès de Montréal, forum qui se poursuivait aujourd'hui.

Voici quelques exemples intéressants à retenir des politiques d'ailleurs:

Donner une chance à tout le monde de réussir

Contrairement à ce que le Canada envisage pour l'instant, la Californie compte effacer rétroactivement du dossier criminel les offenses liées au cannabis - ou en diminuer la gravité, dépendamment du crime en question.

Mais on va plus loin encore dans la justice sociale.

Dans l'élaboration de son cadre législatif, la Californie s'est en plus attaquée à la discrimination raciale, a expliqué Tamar Todd, directrice des politiques à la Drug Policy Alliance (DPA), un organisme qui fait la promotion de la réforme des lois entourant la drogue.

Plusieurs mesures ont été prises pour rétablir une certaine équité.

D'une part, on a déterminé qu'une licence commerciale de cannabis ne pouvait être refusée en raison d'une infraction antérieure liée à la drogue (c'est cependant ce que le Canada envisage).

Publicité

Il y a des motivations d'équité raciale qui sous-tendent cette décision. « Les gens arrêtés par le passé, ce n'était pas parce que c'était eux, ou uniquement eux qui étaient en possession de marijuana, qui en vendaient ou en faisaient pousser. C'était simplement ceux que les policiers ont choisi d'arrêter », a nuancé Tamar Todd.

Dans ce contexte, si on empêchait les gens coupables d'une infraction relative aux drogues de participer au marché légal, cela voudrait dire que les personnes à la peau foncée, qui ont été particulièrement visées par les forces policières californiennes, seraient à nouveau désavantagées.

On exclurait d'emblée ces gens qui veulent se réhabiliter, avoir un emploi, une entreprise. Même dans le marché légal, on en reviendrait à favoriser des communautés au détriment d'une autre, « ce qui est fondamentalement injuste », a insisté Todd.

D'autre part, la Californie a choisi de réinvestir directement dans les communautés les plus touchées par l'application des lois antidrogues.

Une enveloppe de 50 millions de dollars par année est donc allouée au développement économique de ces communautés; il y est notamment question de financement de la réinsertion sociale, de l'élimination des casiers judiciaires, ainsi que des services d'aide dans l'obtention de licences commerciales et du respect du nouveau cadre réglementaire.

Que faire du pot puissant?

Les effets potentiellement délétères du THC, l'ingrédient psychoactif du cannabis, sont source d'inquiétudes pour plusieurs acteurs du milieu de la santé. Dans un contexte où la production et l'offre sont encadrées par l'État, la question de la concentration de THC dans les produits du cannabis est donc assez centrale.

Augusto Vitale, expert en matière d'encadrement et de contrôle du marché du cannabis en Uruguay, a expliqué que son pays avait choisi de ne pas commercialiser de produits à forte teneur en THC, préférant plutôt des produits avec un indice de psychoactivité relativement faible.

Publicité

Un analyste qui a conseillé l'Uruguay dans l'élaboration de ses lois offre cependant une solution alternative. Steve Rolls, du Transform Drug Policy Foundation, un think tank basé au Royaume-Uni, propose de taxer davantage les cannabis plus forts en THC.

Il a donné l'exemple de la vente d'alcool en Australie, où un tel schéma a été adopté. « Les bières avec une teneur d'alcool plus élevée sont plus taxées. Ça a clairement démontré que ça encourage les gens à consommer des bières plus légères », a-t-il soutenu.

Ce n'est pas une prohibition qu'on impose sur le produit, a poursuivi Steve Rolls, mais plutôt une façon d'utiliser l'infrastructure réglementaire pour encourager des pratiques plus sécuritaires.

Prendre son temps

Si le gouvernement du Québec souhaite déposer son projet de loi à l'automne, il va devoir agir vite - tout reste encore à faire. Mais une telle situation n'est pas désastreuse pour autant, selon Steve Rolls. Il n'est pas nécessaire d'ouvrir les boutiques à la seconde où le pot est légal, a-t-il insisté.

« Si c'est pour prendre plus de temps, prenez plus de temps, a avancé Rolls. La loi sur cannabis a été adoptée en 2013-2014 en Uruguay, et les boutiques viennent tout juste d'ouvrir. Même après le changement de législation, il est toujours temps d'implanter de nouvelles politiques. »

L'important, c'est de ne pas essayer de régler tous les problèmes d'un coup. « Vous pourriez commencer une politique simple et provisoire qui pourrait ouvrir le marché à un niveau de base, et ensuite lui faire prendre de l'expansion les mois et les années suivantes », a-t-il suggéré.

Ce pourrait donc être l'occasion de remettre les jujubes et les concentrés de cannabis à plus tard, et de ne penser qu'à la plante pour l'instant. Il suggère donc de commencer par répondre à la demande existante avec une offre adéquate, ce qui laisserait moins de place au marché noir.

En attendant, il serait important de décriminaliser la possession et l'usage de cannabis dès maintenant, a martelé Rolls, qui a profité du forum pour interpeller les politiciens à ce sujet.