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Comment faire pousser des champignons avec de la bière et du café dans HoMa

Les pleurotes et moi, on se trouve dans un immeuble industriel du quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal.

Tous les champignons autour de moi se pensent dans le bois.

D'habitude, ils poussent loin en forêt, où ils empoisonnent, paralysent et tuent à leur guise autant de petits organismes qu'ils le souhaitent, pendant leur courte mais intense vie.

Mais on n'est pas en forêt. Les pleurotes et moi, on se trouve dans un immeuble industriel du quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal.

Entre ces hauts murs blancs couverts de champignons, les propriétaires de Blanc de Gris, Dominique Lynch-Gauthier et Lysiane Roy Maheu, travaillent méticuleusement à recréer les conditions de la forêt pour leurs champignons, avec des résidus de café et de bière.

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On cultive les champignons à l'année, à l'abri de nos conditions météo, impitoyables pour les champignons, et des mains des chefs. Mais l'absence de températures extrêmes et de chefs ne suffit pas à éloigner toutes les menaces potentielles de l'environnement propre et stérile de Blanc de Gris.

« Nous avons deux principaux ennemis : les moisissures et les mouches. Comme les champignons sont des sortes de moisissures, leur environnement idéal convient aussi bien aux autres moisissures », explique Lysiane.

« C'est comme dans Breaking Bad quand Walter White panique en voyant une mouche dans son laboratoire de méthamphétamine : "Ce n'est pas une mouche, c'est une contamination!" Si on voit une mouche ici, on panique aussi parce qu'elles se reproduisent à une vitesse folle, et personne ne veut de mouches autour de son assiette. On doit être très prudents parce que les mouches raffolent de notre substrat. »

Le substrat, c'est un mélange de substances qui permettent aux champignons de pousser : souvent du bois humide ou des arbres en forêt. Choisir le substrat approprié est une étape absolument cruciale pour la culture de champignons. D'ailleurs, le nom de Blanc de Gris est un hommage à cette matière blanche.

« Dans le jargon mycologique, le blanc désigne le substrat, qui se compose de grain qui permet de cultiver le mycélium, la partie végétale du fongus. Et gris, c'est en référence à la ville, mais aussi au capuchon du pleurote. »

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La première étape de la culture de champignons, c'est de récolter les résidus de bière et de café des brasseries et cafés des alentours. Ensuite, on les combine à des copeaux de bois de la Ville de Montréal. Puis on mélange et pasteurise le tout à haute température.

Ce qu'on obtient, c'est le substrat, qu'on inocule avec du mycélium et qu'on envoie dans des incubateurs, où on le laisse reposer deux semaines. Après, on le transfère dans les serres pour que le mycélium puisse « fleurir », comme aime à le dire Lysiane.

Au Québec, on aime plus le café que dans toute autre province. Près des trois quarts des adultes en boivent et, au total, on prépare environ six millions de cafés par jour. En plus, les microbrasseries ont le vent dans les voiles. Résultat : du substrat gratuit à profusion.

Lysiane dit qu'elle n'a pas compris la popularité des champignons ni pourquoi les chefs en sont obsédés avant de s'associer à son amie d'enfance, Dominique.

« Dominique aime les champignons. Elle les trouve superbes et en parle sans arrêt. Moi, je ne les aimais pas avant de commencer ce projet. Je me suis juste demandé : "Est-ce qu'il y a un bon modèle d'affaires et une demande pour ce produit?" »

Avec les chefs montréalais, la demande est forte : tous ont besoin de pleurotes frais à longueur d'année. « Les chefs les aiment. Quand ils voient nos champignons, ils nous disent : "Wow! Ça, ce sont des pleurotes!" La plupart des gens n'ont pas l'habitude de manger ou de cuisiner des pleurotes fermes et charnus. La plupart du temps, quand ils arrivent à l'épicerie, ils sont humides et mous. »

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Parmi les clients, on compte les gros canons Pastaga, Toqué! et Les 400 coups. « Les pleurotes de Blanc de gris sont de vrais joyaux de la culture urbaine », estime Louis-Philippe Breton, chef et copropriétaire de Pastaga et de quelques autres boutiques et restaurants de la Petite Italie. « Leurs champignons sont absolument uniques, ils ont une teinte bleutée et sont toujours vraiment frais. On est très fiers d'être leur client. »

Malgré tout, Lysiane affirme que ce qui l'a attirée dans ce projet, ce sont les bénéfices environnementaux.

« Les bienfaits pour l'environnement, c'est de loin le plus important pour moi. Encore plus que l'aspect commercial, plus que les champignons eux-mêmes. L'idée, c'est d'utiliser des matières qui seraient autrement jetées pour les transformer en nourriture », explique Lysiane. Elle ajoute que, si tout ce passe comme prévu, leurs installations utiliseront 50 tonnes de matière organique pour cultiver 300 kilogrammes de champignons par semaine.

Étant donné l'allure de serre hydroponique croisée avec un laboratoire style Breaking Bad de l'endroit, je ne peux m'empêcher de penser que ces installations pourraient servir à faire pousser une autre sorte de champignons. Lysiane acquiesce poliment à mes réflexions déviantes, mais me rappelle que je suis là pour parler d'alimentation. « Apparemment, c'est assez facile de faire pousser des champignons magiques. Je ne pense pas que ce serait difficile d'en cultiver ici, mais ce n'est pas dans nos plans. Je serais sûrement beaucoup plus riche si je le faisais, mais je me concentre sur les pleurotes! »