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Interview

Dix questions que vous avez toujours voulu poser à une personne dans le coma

Après avoir été diagnostiquée avec une maladie cardiaque, Lauren a été maintenue dans un coma artificiel pendant près de trois semaines.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR

Imaginez qu’un jour, de manière un peu inattendue, vous ne vous sentiez pas dans votre assiette. Rien de trop intense, mais juste ce qu’il faut pour commencer à vous inquiéter. Dans les jours qui suivent, cette sensation ne fait qu’empirer, jusqu’au moment où vous vous retrouvez allongé dans un lit d'hôpital et qu’un médecin vous annonce qu'il doit vous plonger dans un coma artificiel pour une durée indéterminée si vous voulez avoir une chance de survivre.

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C’est l'expérience qu’a vécue Lauren Banton Williams, 28 ans. À peu près à cette même époque l'année dernière, elle a appris qu’elle était atteinte d'une myocardite fulminante, à savoir une inflammation du cœur, le plus souvent causée par des infections virales et des maladies auto-immunes. Par conséquent, Lauren a été maintenue dans un coma artificiel pendant près de trois semaines, coma au cours duquel elle a subi un arrêt cardiaque qui a empêché son cœur de battre pendant 30 minutes d'affilée. Contre toute attente – ses chances de survie étaient littéralement de 0,1 pour cent – elle est encore en vie aujourd’hui.

J’ai discuté avec elle pour savoir ce que ça fait d'être passée aussi près de la mort.

Lauren

VICE : C'était comment, de tomber dans le coma ?
Lauren Banton Williams : La dernière chose dont je me souviens, c'est que le médecin m'a dit que j'allais être dans le coma, mais qu'il ne savait pas pendant combien de temps. C'était quelques jours avant mon anniversaire – j'avais des projets ! Quand j'ai compris que j’allais certainement rater mon anniversaire, j’ai eu peur de ne pas être réveillée pour Noël. Les médecins m'ont dit qu'ils n'étaient sûrs de rien, mis à part que le coma était ma seule chance de survie. J'ai commencé à expliquer frénétiquement que j'aimerais beaucoup rester en vie. Avant de m’endormir, j'ai baissé les yeux et j'ai dit : « Allons, petit cœur, tu peux le faire. » Je savais à ce moment-là qu'il y avait une chance pour que je ne me réveille plus jamais, mais je gardais espoir.

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Étais-tu consciente de quoique ce soit pendant que tu étais dans le coma ?
C’est un peu comme si j’avais dormi pendant plusieurs semaines – je ne me souviens de rien. Mais on m'a dit qu'à un moment donné, j'ai levé la main pour la mettre dans ma bouche, où se trouvait le tube, et mon médecin m'a ordonné de la reposer, ce que j'ai aussitôt fait – c’est bien que quelque chose se passait.

Tu n’as donc aucun souvenir, même inconscient, de ton temps passé dans le coma ?
J'ai des souvenirs, mais quand je dis « souvenirs », je ne sais pas vraiment si c’était des rêves ou non. Dans mon rêve le plus mémorable, mon corps avait été réassemblé et certains de mes membres étaient en bois. J’étais dans une sorte de machine où se trouvaient beaucoup d'autres corps, et la sortie s’effectuait grâce à une sorte de pince mécanique qui s'ouvrait régulièrement ; les corps étaient poussés à travers l’ouverture, avant de tomber dans un champ boueux… c'était bizarre.

Avais-tu conscience d'être proche de la mort ?
J'ai fait mon arrêt cardiaque un peu moins d'une heure après avoir été plongée dans le coma. Ma mère a été la première à remarquer que j’étais froide parce qu'elle me tenait la main. Elle a alerté l'infirmière quelques secondes avant que toutes les machines ne s'éteignent. Je n'avais absolument aucune idée de ce qui se passait.

Comment s’est passé le réveil ?
Mon premier souvenir remonte à quelques jours après mon réveil, quand j’ai vu mes frères et que je leur ai tenu la main, sans être capable de leur parler – le tube avait fait beaucoup de dégâts. Je me souviens d’avoir ressenti du mouvement, comme si nous étions sur le pont d'un bateau. Je n'avais aucune idée de ce qui m'était arrivé ou de la raison pour laquelle j'étais à l'hôpital, mais je me souviens d'avoir été soulagée de voir les visages des gens que j'aimais – cela m’a mis les larmes aux yeux.

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« Après mon réveil, je n'ai ni contacté mes amis, ni regardé mon téléphone pendant une semaine ou deux. J’avais l’impression de mieux gérer la situation si je ne la comparais pas à ma vie d’avant. »

Comment es-tu parvenue à rattraper tout ce que tu avais manqué ?
J’ai été très surprise quand on m’a annoncé la date. Après mon réveil, je n'ai ni contacté mes amis, ni regardé mon téléphone pendant une semaine ou deux. J’avais l’impression de mieux gérer la situation si je ne la comparais pas à ma vie d’avant ; le fait de savoir que mes amis vivaient leur vie comme d'habitude me donnait l'impression que ma situation était encore plus terrible.

Quelle est la plus grosse idée reçue que tu avais à propos du coma et qui s’est révélée fausse ou différente de la réalité ?
La plus grosse idée reçue est celle qui veut que les personnes dans le coma puissent entendre ou sentir ce qui se passe autour d'elles. Peut-être qu’inconsciemment elles peuvent sentir certaines choses, mais dans l'ensemble, elles sont complètement déconnectées. Aussi, ce dont les gens ne se rendent pas compte, c’est qu'il est vraiment très difficile pour les médecins de sortir quelqu’un du coma quand le moment est venu ; il faut souvent beaucoup d'essais, et le processus peut être long et pénible pour toutes les personnes impliquées.

As-tu changé radicalement ton mode de vie après être sortie du coma ?
C’est plus dû à mes problèmes de cœur qu’au coma – mais oui, j'ai changé mon comportement à certains égards. J’ai envie de mieux prendre soin de moi-même. J’ai pris conscience que la vie est précieuse et je m’y accroche un peu plus. Et surtout, je ne fais plus autant la fête qu’avant ! J'aime me coucher tôt et me lever tôt désormais.

En quoi le fait d'être dans le coma a-t-il changé ta vision de la vie et de la mort ?
Je pense beaucoup plus à la mort qu’avant. Je sais que ça a l'air sombre dit comme ça, mais je ne peux pas m'en empêcher – la mort fait partie de la vie, je m’en suis rendu compte en la voyant de si près. Ça a été une expérience très effrayante et solitaire. Je ne souhaite ça à personne.

As-tu révisé tes priorités de vie ?
Depuis cette expérience, mes valeurs et priorités sont devenues beaucoup plus claires. C'est difficile à expliquer, mais j'ai l'impression de savoir plus que jamais ce qui compte pour moi. Ma famille a toujours été importante pour moi, mais elle l’est d'une manière différente à présent. Je pense aussi que mes proches ont, plus que quiconque, une idée de ce que l'expérience a été pour moi. Ils étaient aux premières loges à ce moment-là et je pense qu’ils peuvent me comprendre mieux que quiconque. Tout ce que je veux, c'est être entourée des personnes que j’aime, être heureuse et en bonne santé. C'est ce que j'ai toujours voulu, à ceci près que je me fiche du reste à présent.

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