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Un manifestant réfugié dans une rue adjacente à l'école des beaux-arts d'Alger, lors de la manifestation du 1er mars. Photos : Fethi Sahraoui  / Collective220

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Algérie

La révolte algérienne au format carré

Depuis le début du mouvement anti-Bouteflika, le jeune photographe Fethi Sahraoui immortalise d'Alger à Mascara les jeunes Algériens en première ligne des manifestations.

Avant que le président Abdelaziz Bouteflika décide de renoncer à briguer un cinquième mandat ce lundi soir, il revenait tout juste d'un séjour à Genève pour cause d’hospitalisation et la contestation continuait de prendre de l'ampleur. Si l'élection présidentielle est désormais reportée, nul ne sait ce que le futur réserve au peuple algérien, qui gagne là sa première victoire. Ce qui est sûr en revanche, c'est que les trois dernières semaines sont historiques pour le pays, et notamment sa jeunesse, véritable moteur de ce mouvement pacifique.

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Cette jeunesse, le photographe Fethi Sahraoui en fait partie et l’immortalise depuis le début de la contestation. « Je me suis concentré sur les jeunes, parce que ce sont eux qui ont leur mot à dire en ce moment », explique par téléphone Sahraoui, qui a suivi les manifestations à Alger et dans sa ville de Mascara, située à une centaine de bornes au sud d’Oran. « Les manifestations dans Alger ont un certain poids, développe le jeune homme de 25 ans, interrogé avant le renoncement de Bouteflika. Sillonner toutes les grandes rues de la capitale, ça a un certain charme. Mais la marche de vendredi [8 mars] à Mascara était aussi très impressionnante. Il y a deux semaines, il y avait seulement quelques personnes qui manifestaient, et là c’était bondé. Cela nous montre que beaucoup de choses peuvent se passer en seulement 15 jours. »

Avant que la contestation anti-Bouteflika prenne de l’ampleur, Sahraoui travaillait sur une série de photos intitulée Stadiumphilia, centrée sur les jeunes supporters des équipes de foot de la région de Mascara. « Pour ma première manifestation [celle du 1er mars à Alger], je me suis aperçu qu’il y avait un lien entre les jeunes des stades et ceux que je retrouvais dans la rue, pose Sahraoui. Pour eux, le stade est un terrain sur lequel ils peuvent s’exprimer à haute voix, ils n’y vont pas seulement pour regarder le match. » Ce lien est d’autant plus prégnant que nombre de chants entonnés dans les stades algériens se sont retrouvés dans les rues ces dernières semaines. Quant au caractère pacifique des manifestations, Sahraoui explique que les Algériens ont atteint une certaine forme de maturité – « On a compris que la violence qu’on a connue pendant dix années de guerre civile ne menait pas à grand-chose ».

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Membre du Collectif 220, qui rassemble plusieurs photographes algériens, Sahraoui travaille parfois avec un appareil Nikon (pour des commandes) ou à l’argentique avec un Mamiya RZ67, « mais je l’utilise rarement parce que le film coûte cher ici, et qu’il n’y a pas de labos photos dans le pays. » Mais son appareil de prédilection reste l’iPhone, qu’il affectionne pour son « poétique » format carré. « Après, je n’ai pas envie d’être étiqueté comme le photographe à l’iPhone, c’est simplement un outil avec lequel je me sens à l’aise, dit-il clairement. Il est vrai que dans certaines situations l’iPhone m’a permis de passer un peu plus inaperçu, mais les gens ne sont pas dupes, on a cette posture de photographe, nos mouvements nous trahissent… »

Alors que les prochains jours s'annoncent cruciaux pour l'Algérie, on vous laisse avec les saisissants clichés de Sahraoui pris lors des manifestations des deux dernières semaines.

Les photos ci-dessous :

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Dans le centre d'Alger, après la prière du vendredi 1er mars, des policiers anti-émeutes bloquent le passage sur l'artère la plus fréquentée de la capitale.

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Lors de la manifestation du 8 mars à Mascara, des jeunes s'amusent sous le drapeau géant de la patrie.

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À proximité de l'école supérieure des Beaux-Arts d'Alger, le vendredi 1er mars, un manifestant a perdu connaissance à cause des gaz lacrymogènes. Des jeunes forment un cercle pour lui permettre de reprendre ses esprits.

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À côté du Palais présidentiel, le 1er mars, un manifestant a enfoncé sur ses doigts cinq cartouches vides de gaz lacrymogènes, en référence au cinquième mandat que souhaite briguer le président Abdelaziz Bouteflika.

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Dans les rues de Mascara, le 8 mars, un drapeau géant recouvre la rue.

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Dans la rue principale de Mascara, son centre névralgique, des manifestants défilent ce vendredi 8 mars.

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Dans le centre d'Alger, lors de la manifestation du 1er mars.

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Lors de la manifestation du 1er mars à Alger, le dispositif sécuritaire empêche les manifestants de se regrouper.

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Passage des manifestants dans un quartier populaire de Mascara, lors de la manifestation du 8 mars.

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La foule regarde un type grimper sur la statue de l'Émir Abdelkader avant le début de la manifestation du 8 mars à Mascara.

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Après des affrontements, des jeunes trouvent refuge sur le mur d'enceinte de l'école supérieure des Beaux-Arts d'Alger, le 1er mars.

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À l'intérieur des Beaux-Arts d'Alger, des manifestants patientent, le 1er mars.

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