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Musique

Jaymie Silk peint son ADN musical sur « Canvas »

Le producteur montréalais nous parle de son nouvel EP et nous dit pourquoi il doit quitter la ville.

La plupart des artistes vivant à Montréal ne tarissent pas d’éloges lorsqu’il est question de leur ville. C’est un petit paradis artistique, avec ses loyers (relativement) modestes, une scène culturelle énergique, et une communauté tissée serrée. Mais la ville a aussi ses défauts, dont on ne parle pas assez. Ce sont ces petites embûches qui, accumulées, font que, dans quelques mois, Jaymie Silk quittera la ville.

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Le producteur et DJ français d'origine bénino-italienne est arrivé à Montréal il y a six ans déjà, à une époque où il était plutôt connu pour son travail comme rappeur et beatmaker dans le monde du hip-hop français, travaillant avec des rappeurs comme Espiieem ou encore Lomepal. « C’est assez adulescent, le monde du rap. C’est pas les plus gros qui payent, en général ils essaient plutôt de ne pas payer », explique Jaymie Silk. Assez vite, il se tourne vers la musique électronique, une autre de ses passions.

« Au bout d’un moment, quand tu veux vivre de ta musique, c’est plus intéressant. Le rap, c’est beaucoup de la musique à la chaîne, y a pas de reconnaissance, dit-il. Moi, j’ai une vraie identité musicale, et mon but c’est de faire des choses diverses et variées; j’ai vraiment envie de montrer et créer quelque chose et d’offrir ce que j’ai. Dans la musique électronique, t’as beaucoup plus de liberté artistique. »

Ce fut donc le début d’une nouvelle aventure pour le jeune expatrié, qui découvre lentement la scène club à Montréal, et s’y forge vite une réputation enviable. Il cumule les performances dans des soirées importantes de la ville, comme le Piknic Électronik ou encore les évènements Moonshine, et sort des chansons sur des labels comme Ghost Club ou Trekkie Trax. Polyvalent, il se distingue dans sa capacité à franchir la limite des genres, à prendre des chances, et il tente de s’aventurer dans les recoins de chaque scène.

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Pourtant, le producteur sent que la ville le limite peut-être un peu trop. Vu la petite taille de la scène montréalaise, la compétition devient vite féroce et des cliques se forment. « Montréal, ç’a été très intéressant, parce que ça m’a permis d’élaborer tout le projet de Jaymie Silk, autant au niveau de pouvoir créer quelque chose de différent, de m’impliquer dans différentes communautés, et être influencé par plein de choses », estime-t-il. « Mais concrètement, je suis pas si actif que ça musicalement, dans ma production, à Montréal. Tous les projets que j’ai sortis, c’est sorti à 90 % sur des labels étrangers. »

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Le public montréalais tarde souvent à reconnaître ses talents locaux, les forçant souvent à devoir se créer d’autres publics ailleurs dans le monde avant de recevoir la validation de leur propre scène. « Même pour jouer, à Montréal, y a un problème et c’est que t’es limité géographiquement. On me propose des gigs en Angleterre, en Suède, en Allemagne, en Asie; mais financièrement je peux pas me déplacer autant en avion. Donc à la fois économiquement et pour les opportunités, c’est mieux que je parte. »

Avant de plier bagage, le producteur de 32 ans nous laisse toutefois avec Canvas, une compilation qui sort aujourd’hui, et qui est un reflet de son ADN musical. « Pendant huit mois, j’ai travaillé sur un album qui va sortir plus tard cette année, et j’ai jamais travaillé autant de temps sur un projet. Je voulais sortir quelque chose avant l’été, et donc c’est une compilation de chansons que j’ai faites dans la dernière année et qui n’avait pas pour but d’être ensemble. Dans l’idée, je voulais que ça soit moi qui raconte ma musique. C’est pour ça que j’ai appelé ça Canvas, comme une toile de peinture. »

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La peinture que crée Jaymie Silk sur Canvas est plutôt une carte de visite, qui permet au producteur de flexer toutes les complexités dont il est capable. Et si le producteur aimerait pouvoir faire le tour du monde pour promouvoir sa musique, il réussit à nous faire voyager avec cet EP, qui part dans tous les sens. Des percussions nerveuses et discrètes de l’intro ambiante « Soul Talk », à la bombe de club d’inspiration Desi de « Alter Ego », à la frénétique « I Would Kill All of You But It Will Be Like Killing Myself », Silk nous fait parcourir toute une gamme d’émotions.

« Plus j’avançais dans cette idée de toile, plus ça faisait écho avec ce moment de ma vie où je me retrouve dans une situation où t’as une sorte d’électrochoc, et t’as besoin de prendre du recul sur les choses », conclut-il. « Je me suis rendu compte que c’était comme peindre, en fait. T’as des couches et des couches de peinture, et que ce soit autant dans tes trucs créatifs que dans tes rapports interpersonnels, tu ne peux pas juste être tête baissée dedans. »

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