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Drogue

Le CBD pourrait interagir avec des médicaments d’ordonnance

Voici ce que l’on sait jusqu’à maintenant sur les effets de la combinaison du cannabidiol avec un ou des médicaments.
Medicine organizer with colorful pills on table

L’article original a été publié sur VICE États-Unis .

Pris seul, le cannabidiol (CBD) est jugé généralement sans danger, du moins à court ou moyen terme. Bien sûr, des personnes qui consomment ce composé non psychoactif du cannabis à des fins médicales ou récréatives peuvent ressentir une légère fatigue, remarquer des changements touchant leur appétit ou avoir à l’occasion la diarrhée. Pour la plupart, cependant, ces rares effets secondaires ne pèsent pas lourd comparativement aux bienfaits du CBD, notamment pour réduire l’inflammation et le stress. C’est en partie pourquoi il est devenu si populaire.

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Mais le fait que le CBD soit relativement sans danger ne signifie pas qu’il le reste lorsqu’il est combiné à d’autres substances. Chaque fois que l’on fait entrer deux substances ou plus dans notre organisme, il est toujours possible qu’elles interagissent et produisent de nouvelles réactions. Même des produits aussi communs que le poivre noir peuvent avoir une influence sur l’effet d’un médicament, dit Donald Abrams, professeur au département de médecine de l’Université de Californie à San Francisco, spécialisé dans les traitements à base de cannabis. Le CBD pourrait donc interagir avec de nombreuses autres substances, mais personne ne sait encore quels sont les médicaments ou les dosages qui pourraient poser problème.

C’est que l’on n’a pas encore étudié systématiquement les interactions entre le CDB et d’autres médicaments. La seule documentation sur ce sujet est le fruit d’études sur l’Epidiolex, un médicament approuvé par le gouvernement américain, composé principalement de CBD concentré et utilisé contre de rares formes d’épilepsie. Ces études ont montré que des doses particulièrement élevées de CBD pouvaient, chez certains patients, augmenter le taux dans le sang d’autres antiépileptiques qu’ils prenaient, comme la clobazam, l’eslicarbazépine, le rufinamide, le topiramate, le valproate et le zonisamide. Avec la clobazam, il y a eu une augmentation de l’effet sédatif, et avec le valproate, une augmentation de l’activité du foie pouvant devenir toxique avec le temps. Une étude de cas a également révélé qu’en combinaison avec anticoagulant sanguin, la warfarine, l’effet anticoagulant avait augmenté de façon imprévue. Mais, somme toute, les interactions documentées sont assez peu nombreuses, et les risques sont donc considérés comme mineurs.

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En revanche, on en connaît pas mal sur les effets du CDB sur l’organisme. Par exemple, on sait que le CBD interagit avec un système enzymatique du foie particulièrement puissant. En bref, le CBD pourrait empêcher d’autres médicaments d’avoir accès à ces enzymes, et, en conséquence, ils pourraient s’accumuler dans le système sanguin. Une récente recherche de Carola Rong, chercheuse à l’Université de Toronto, explorait l’idée que, dans ce cas, la puissance de bon nombre de médicaments augmente. Cet effet pourrait aussi empêcher certains types de médicaments d’avoir un effet bénéfique.

Si ce groupe d’enzymes hépatiques n’interagissait qu’avec quelques types de médicaments, ce serait une chose. Mais il s’agit d’environ 60 % de tous les produits pharmaceutiques sur le marché, y compris les médicaments psychotropes comme le Klonapin, le Valium, le Xanax et une foule d’antihistaminiques, d’antirétroviraux et de stéroïdes, par exemple, explique Carola Rong.

La bonne nouvelle, c’est que la présence de CBD n’affecte pas le système enzymatique au point de modifier l’effet de ces médicaments. Par contre, d’après elle, on ne connaît pas les doses exactes de CBD qui pourraient avoir un effet clinique significatif sur un médicament donné, ni même sur les médicaments que l’on sait affectés par des doses élevées de CBD. On ne sait pas non plus pendant combien de temps une dose donnée de CBD agirait sur ces enzymes, un autre facteur de l’évaluation des risques, ajoute Adrian Devitt-Lee, un chercheur qui travaille au Project CBD, une ONG de recherche sur le CBD. D’après lui, en règle générale (et c’est une estimation très approximative), toute personne prenant un gramme ou plus de CBD en une journée doit s’attendre à une interaction quelconque, et il n’est pas impossible qu’une ou des interactions se produisent également après avoir pris une dose plus faible. (Un gramme est bien au-dessus de la dose d’environ 30 mg recommandée par les marques de CBD les plus populaires, comme Lord Jones et Charlotte's Web, mais le CBD n’étant pas réglementé, on ne peut pas se fier à la quantité par dose indiquée sur les produits sur le marché.)

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Concrètement, le chercheur n’a eu connaissance que de quelques cas d’interaction entre le cannabis et des anticoagulants. Dave Bearman, un médecin de la Californie qui prescrit du cannabis à des fins médicales depuis près de deux décennies et a vu plus de 3000 patients, affirme pour sa part que rares sont ceux qui se sont plaints d’une interaction avec des médicaments. Et la plupart des produits à base de CBD contiennent souvent des quantités bien inférieures aux doses d’Epidiolex qui ont eu des effets indésirables, dit Timothy Welty, pharmacologue à l’Université Drake, en Iowa.

Néanmoins, plus la dose de CBD dans l’organisme est élevée, plus les interactions avec d’autres médicaments métabolisés par ces enzymes hépatiques sont possibles. « Chez les personnes qui consomment des teintures très concentrées et des huiles contenant du CBD, je suis très préoccupé par le risque d’interaction avec des produits pharmaceutiques », dit Donald Abrams. On n’a pas établi avec précision ce qu’est un produit « très concentré », mais les concentrations sur le marché sont maintenant plus fortes que jamais auparavant. Le fait que ces fortes concentrations soient de plus en plus courantes, sans compter que des produits pourraient contenir plus de CBD qu’indiqué, augmente le risque. Tant qu’il n’y a pas de réglementation sur le CDB, les fabricants ne seront pas tenus de donner des indications justes et vérifiées, ainsi que la liste de toutes les autres substances qui se trouvent dans un produit à base de CDB. Chaque substance inconnue supplémentaire peut occasionner des effets néfastes en interagissant avec des médicaments.

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Des experts, comme Sarah Melton, pharmacienne clinicienne et professeure de pharmacie à l’Université East Tennessee State, se sont publiquement dits inquiets que des personnes consommant régulièrement de fortes doses de CBD fassent un jour une surdose accidentelle de sédatif, par exemple. Mais, selon Adrian Devitt-Lee, la plupart des médicaments sont suffisamment sécuritaires pour produire les effets escomptés même s’ils s’accumulent dans le système sanguin, et, au pire, il n’y a qu’un risque accru de subir des effets secondaires bénins. La véritable inquiétude, dit-il, c’est au sujet des médicaments qui ne sont efficaces qu’à des dosages très précis, car au-dessous, ils n’ont aucun effet réel, et au-dessus, ils peuvent être toxiques, ainsi que des médicaments qui sont administrés à des doses élevées.

Le fait que l’on ne sache pas avec quels médicaments le CDB pourrait le plus interagir est un grave problème, en particulier maintenant qu’il est populaire. Si le CBD retarde la métabolisation de médicaments de chimiothérapie, par exemple, Adrian Devitt-Lee dit qu’il pourrait y avoir de graves conséquences : comme les médecins essaient de donner la dose maximale tolérable, une augmentation pourrait vite la rendre toxique.

Il est par ailleurs difficile de mener une étude permettant de déterminer avec quels médicaments le CBD est susceptible de poser un risque grave pour la santé. C’est en partie à cause de la difficulté de mener ou de financer des recherches sur des composés du cannabis, mais il y a un autre obstacle majeur. Comme le dit Donald Abrams, on ne va pas donner des doses de CBD de plus en plus fortes à tous ces gens qui suivent les centaines de types de chimiothérapie pour obtenir les données nécessaires.

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En grande partie, selon Timothy Welty, il faut mener plus d’études de cas et noter plus d’observations chez les gens qui consomment du CBD et des médicaments. Ça peut paraître risqué, mais des médecins attentifs peuvent détecter des symptômes d’une interaction néfaste avec le CBD et trouver le bon dosage d’un médicament qui maximisera les effets positifs et réduira les effets négatifs. C’est ainsi que les chercheurs qui ont étudié l’Epidiolex ont résolu les problèmes auxquels ils se sont heurtés et ont conclu que, malgré les effets négatifs de l’interaction entre le CBD et certains médicaments antiépileptiques, il était essentiellement sans danger, rappelle Adrian Devitt-Lee.

Pour le moment, la prudence est de mise pour quiconque prend de fortes doses de CBD et d’autres médicaments. En particulier les personnes en chimiothérapie ou qui prennent des anticoagulants à la warfarine, selon Adrian Devitt-Lee, compte tenu du grave risque que représente une augmentation de la concentration dans l’organisme. Et Carola Rong conseille vivement aux médecins d’être très consciencieux lorsqu’ils prescrivent des médicaments aux patients qui consomment du CBD ou des produits qui en contiennent.