Fakear a essayé de faire de la pop mais il n’a pas aimé ça
Photo: Facebook/Fakear

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Culture

Fakear a essayé de faire de la pop mais il n’a pas aimé ça

Pour le beatmaker français Fakear, se battre contre Major Lazer n’en vaut pas la peine.

Fakear, c’est un peu l’élève de l’école secondaire qui se faisait embêter par les autres, mais à qui tout réussit aujourd’hui. Le producteur qui a commencé à composer dans sa chambre fait désormais le tour du monde grâce à sa musique. En 2014, l’engouement autour de son single La Lune rousse lui a donné un accès privilégié au grand public. Cela lui aura également permis de produire une chanson pour M.I.A. deux ans plus tard. Malgré le succès, il reste toujours à la recherche de nouveaux défis, comme avec son dernier album qui devait selon ses dires ouvrir une nouvelle ère pour lui.

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Devenir le Major Lazer français était une des ambitions de Fakear avec son deuxième album, All Glows. Une incursion dans le monde de la pop qui ne lui laissera pas de souvenirs impérissables, mais qui l’aura convaincu de retourner aux racines de sa musique. Alors qu’il était de passage au Théâtre Corona pour un concert le 9 août dernier, VICE a rencontré le producteur de 27 ans, sous contrat avec le label Nowadays Records, pour discuter de sa tentative pop, de méditation et de science-fiction.

VICE : Pourquoi tu dis que ton album All Glows est une nouvelle ère?

Fakear : En fait, cet album, c’est une nouvelle ère et en même temps une parenthèse. Une nouvelle ère parce que je me suis aventuré un peu plus profondément sur les sentiers de la pop et de quelque chose de plus ouvert au grand public. Et comme ça ne m’a pas forcément séduit, je peux dire aujourd’hui que ce n’est pas une nouvelle ère, mais plutôt une parenthèse, une tentative que je suis content d’avoir faite.

Qu’est-ce qui t’a déçu dans cette aventure?

Je suis très fier de cet album, mais j’ai réalisé après coup que se lancer dans la course de la pop, c’est se lancer dans une course qu’on ne gagnera jamais parce que Major Lazer fera toujours mieux. Essayer de faire les morceaux pop mainstream qui tabasse en festival, il y a déjà trois ou quatre gars qui sont là pour nous rappeler que c’est eux les maîtres du game.

J’ai aussi réalisé que ce qui est important dans un projet, c’est d’assumer son identité à fond. Maintenant, je me replonge dans les racines de Fakear, ce qui a construit mon identité depuis le début : les voix africaines et quelque chose de plus percussif et plus rythmique.

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C’est plutôt contradictoire pour un baba cool comme toi d’avoir voulu faire de la pop…

Carrément! Je me disais : on va voir si ça marche sans une énorme machine marketing. Je voulais savoir si c’était possible de breaker l’industrie soi-même sans vraiment de gros support derrière. J’ai réalisé à la fois que ce n’était pas vraiment possible parce que c’est un milieu fermé où, si tu n’as pas les bons contacts, tu n’arrives pas à ce que tu veux, et que surtout c’est une course qui ne marchera jamais pour nous les petits producteurs indépendants.

Photo: Laurene Berchoteau

Qu’est-ce que tu as appris de cette expérience?

En étant allé plus deep dans ce game-là, j’ai réalisé plein de trucs, comme le fait que Diplo a une armée de producteurs derrière lui. C’est certain que c’est un artiste très talentueux qui a d’excellentes idées, mais on va dire qu’il a les moyens nécessaires pour réaliser les productions qu’il fait aujourd’hui et depuis plusieurs années.

Je suis très content d’avoir réalisé ça et de revenir maintenant sur mes plates-bandes. Les petits producteurs indépendants ont leur identité et il ne faut pas qu’ils rentrent dans cette course à la pop. J’ai presque envie de dire à tous les producteurs comme moi que j’ai réalisé que ça n’en valait pas la peine. Ce qui est cool, c’est la petite vague qui vient de nos tripes.

Tu as été malade au printemps et tu as dû annuler plusieurs shows. Tu avais quoi exactement?

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C’était à la fois un épuisement physique et mental. Je ressortais de plusieurs mois de studios pour finaliser mon album, et puis on a commencé les répétitions avec mon groupe pour préparer les concerts. Après, on a enchaîné avec les tournées en France, en Angleterre, en Allemagne, et il devait avoir la tournée américaine, mais je suis arrivé un peu au bout du rouleau. Cette expérience m’a permis de tester mes limites et de savoir quand il fallait que je m’arrête. En même temps, j’ai l’impression que c’est ce qui arrive à beaucoup de DJ. L’exemple absolu, c’est Avicii… Ce truc de trop tourner, de se perdre là-dedans et de ne plus voir sa famille et ses amis, c’est tellement destructeur que je suis devenu hyper vigilant avec ça. Ajouté à ça, le rythme est fou, tu ne dors jamais au même endroit, et c’est compliqué de mener une vie saine même si tu as de bonnes intentions.

Photo: Tlex Photographe

Comment tu fais pour rester zen?

Je médite tous les jours et je fais aussi du yoga. La médiation m’a énormément aidé à gérer le rythme effréné des tournées. Mon père en faisait beaucoup quand j’étais petit, ça m’a intrigué, mais je n’arrivais pas à saisir le truc. Par contre, il y a deux ou trois ans, j’ai suivi une méditation guidée sur YouTube qui m’a donné la clé pour méditer. Le secret, c’est vraiment de se concentrer sur sa respiration. C’est un jeu de ping-pong pour te concentrer sur ta respiration et non sur tes pensées. C’est hyper sain, ça m’aide beaucoup, j’en fais pendant 20 à 30 minutes tous les jours.

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Est-ce que la science-fiction permet aussi t’évader?

Oui, énormément. Je suis un grand fan de Star Wars et de science-fiction en général. D’ailleurs dans All Glows, j’ai utilisé un sample de Star Wars et de Game of Thrones. Ce qui me plaît dans tout ça, c’est l’univers mystique qui en découle. J’ai lu beaucoup de livres de Mœbius et de Jodorowsky, je suis également un immense fan de Miyazaki. Ces gars-là arrivent toujours à créer un univers imaginaire très bien construit et fascinant dans lequel j’adore me perdre. Je suis aussi fan de jeux vidéo comme Mass Effect parce que c’est super bien écrit et que tu peux être en immersion pendant plusieurs jours.

On dit souvent que tu fais de la musique du monde, même si je trouve ça démodé comme terme. Comment tu décrirais ta musique ?

C’est vrai que la world, c’est un peu le tiers-monde de la musique, on met tout dedans, et c’est un peu bizarre. Pourtant la world, c’est une appellation que j’aime bien, car c’est un terme que j’ai rattaché à Deep Forest, ce vieux groupe d’electro-world presque eurodance. C’est un peu mon influence de base et c’est un groupe que j’ai encore énormément de plaisir à réécouter.

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Tu vois dans tout ce délire lié à All Glows, où j’ai voulu aller vers la pop, tu sens quand même quelques petites pointes de consciousness comme la chanson du même nom qui est sur All Glows. C’est la dernière chanson que j’ai composée de l’album, et j’avais déjà cette sensation d’avoir été au bout de ce filon pop. Les prochains morceaux vont aller dans la direction de Consciousness. Hors de la world, il y a un truc très trance dans ma musique, ce n’est pas de la house, ce n’est pas de la techno, pourtant il y a un kick sur tous les temps, donc je dirais que c’est une trance-world cheloue. Pour le coup, les concerts sont vraiment destinés à entrer en transe, et c’est quelque chose que je trouve magique.