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Musique

Omnikrom est le groupe de rap québécois le plus influent de la dernière décennie

À quelques jours du retour d’Omnikrom sur scène aux Francofolies de Montréal, je me suis entretenu avec les gars du band pour parler de l’influence qu’ils ont eue sur l’industrie du rap québécois.
Crédit photo - Émilie Larivée-Tourangeau / VICE

En 2007, soit tu savais ce que c'était être « trop banane » ou soit tu étais totalement out, tel un Patrick Lagacé aujourd'hui. « Trop Banane », expression qui voulait plus ou moins dire « fucking cool », était aussi le titre de l'album du groupe Omnikrom sorti la même année. Omnikrom était le groupe que les adolescents québécois écoutaient et que les parents détestaient. Les parents, mais probablement aussi les grandes sœurs et tout le monde qui avait besoin d'un scapegoat pour représenter leur dégoût du rap.

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Les gars expliquent qu'ils étaient détestés par beaucoup de monde, mais que ça faisait partie du brand du band. « On avait créé des personnages. On s'en câlissait des fuck you qu'on recevait, parce que nos salles étaient pleines, on avait de l'argent dans nos poches. C'était chill », raconte Jeanbart.

Le Jeanbart - Crédit photo - Émilie Larivée-Tourangeau / VICE

À l'époque, ils avaient fait scandale malgré eux, en raison de leurs lyrics, qui contenaient des termes volontairement grossiers. Leurs paroles étaient considérées comme misogynes, et choquer était un peu l'objectif. « En 2006, quand on avait joué aux Francofolies, on avait fait la première page de La Presse. Le terme hypersexualisation était à mode et on était pointés du doigt pour nos paroles », se souvient Figure 8, qui concède que leur auditoire ce soir-là n'était pas leur public habituel puisque le spectacle avait eu lieu tôt en soirée. « Il y avait des petites filles qui jouaient à la corde à danser juste avant le show, c'était donc, peut-être, en effet, un peu une erreur de programmation », ajoute-t-il.

Figure 8 - Crédit photo - Émilie Larivée-Tourangeau / VICE

La scène du rap québécoise n'avait jamais vu rien de tel et, sans l'arrivée du groupe composé du charismatique Jeanbart, du beau Linso Gabbo et du talentueux beatmaker Figure 8, les groupes populaires d'aujourd'hui (Loud Lary Ajust, Dead Obies ou Alaclair Ensemble) n'auraient pas le même impact et la même visibilité. Omnikrom leur a ouvert une porte à une époque où le rap keb était un peu en retard sur le reste du monde.

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Et si leur message était critiqué, eux ne le prenaient pas au sérieux. « On nous en voulait parce qu'on se foutait de tout, dit Linso Gabbo. On voulait juste être cool, vendre de la merch pis être le plus populaire possible. La musique a toujours été un peu secondaire. »

Linso Gabbo - Crédit photo - Émilie Larivée-Tourangeau / VICE

« Notre but était de faire du rap comme celui qu'on écoutait et qu'on aimait, ajoute Jeanbart. Les puristes du rap québécois disaient qu'on écoutait le rap niaiseux du South, alors il n'y avait aucun moyen de s'entendre. »

Gabbo renchérit : « Quand ça s'est mis à marcher, c'est là que les autres ont commencé à dire qu'on ne faisait pas du vrai rap. On n'avait juste pas les mêmes standards et la même culture. On savait ce qu'eux écoutaient et on en écoutait aussi, mais on était peut-être plus à l'affût de ce qui se faisait un peu partout. »

Avec l'humour, la manipulation de l'image, la création des buzz, Omnikrom a permis au rap de s'infiltrer dans les salles et les festivals du Québec, qui, avant eux, n'en programmaient presque pas. Des clips vraiment dope (Danse la poutine, Été hit) et des collaborations avec DJ Champion, Ghyslain Poirier et TTC (leur pendant en France) leur ont permis de se démarquer.

Ils ont brillé avec une image bien à eux qui a fort probablement influencé, sinon permis à Radio Radio d'être accepté par la masse. Radio Radio, c'était comme une version plus clean, moins controversée, et évidemment plus acadienne d'Omnikrom. Jacuzzi était un peu comme leur Backstage et joue encore régulièrement un peu partout, à la radio, dans des pubs et dans des partys d'adultes. Les tounes d'Omnikrom ne jouent plus vraiment nulle part par contre. C'est souvent ce qui arrive quand tu es précurseur. D'ailleurs, comme Omnikrom, les gars de Radio Radio se font aussi dire par les puristes que leur musique n'est pas du vrai rap.

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« Il n'y avait pas tant de bands qui faisaient des choses weird et différentes avant nous. On se demandait s'ils [Radio Radio] étaient influencés par nous ou pas, peut-être qu'ils ont juste le même background et qu'on est arrivés en même temps. Il y a eu des petits bands qui nous copiaient totalement… Radio Radio, eux, avaient les mêmes influences que nous. Ils ont bénéficié des shows, promoteurs et festivals qu'on a réussi à infiltrer, mais c'est quand même différent », raconte Gabbo.

Selon lui, le style d'Omnikrom, avec du beat électro, de party, était rendu partout, tout le monde essayait, même la pub. « C'est juste que nous, on l'a fait un peu avant les autres, alors on est vus comme précurseurs », dit-il.

À l'heure du politiquement correct extrême et du déficit d'attention généralisé de la population : est-ce qu'Omnikrom peut encore nous faire « danser la poutine » le temps d'une soirée?

« Quand on a arrêté, ça descendait. Comme à la télévision était très attendu, mais il ne s'est rien passé. La preuve que ce n'était pas un super bon disque », dit Gabbo en faisant éclater tout le monde de rire.

« Il y a eu une belle réception quand on a annoncé le spectacle sur le net. Je pense qu'il va y avoir beaucoup de nostalgiques, mais, en même temps, on ne va pas se déguiser en Omnikrom de 2007. On fait ce qu'on pense être les vieilles tounes que le monde veut entendre le temps d'un show. Mais on ne partira pas en tournée ou rien de ça. Si on fait d'autres shows, c'est parce qu'on va avoir des nouvelles chansons », déclare Jeanbart.

Faut croire que les personnages fucking frais de l'époque étaient pas mal plus humbles et réalistes qu'on pouvait le croire. Ce genre de mascarade humoristique bien calculée est bien souvent la preuve d'une réussite d'un projet artistique bien ficelé.

Projet qui, encore aujourd'hui, influence et résonne dans les bands rap hors norme à la mode, qui, sans Omnikrom, ne seraient jamais là où ils sont maintenant. N'existeraient probablement même pas.