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Drogue

Pourquoi il faut parler du marché noir du cannabis

Six mois après la légalisation, les criminels n’ont pas freiné leurs opérations. Bien au contraire.
Pourquoi il faut parler du marché noir du cannabis
Photo tirée du documentaire Cannabis illégal

Le 17 avril marque les six mois de la légalisation du cannabis au Canada. La Société québécoise du cannabis est maintenant devenue le plus grand « dealer » de la province. Mais le marché noir n’est pas disparu pour autant. Les revendeurs, transformateurs, cultivateurs et autres figures du monde interlope sont toujours bien actifs. VICE Québec en profite pour faire le point avec eux dans le documentaire Cannabis illégal, diffusé le 17 avril sur les ondes de Télé-Québec.

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En 2015, Statistique Canada estimait la valeur du marché noir du cannabis à 6,2 milliards de dollars au pays. Une vraie industrie. À titre comparatif, la même année, le marché de la bière était de 9,2 milliards, et celui du vin, de 7 milliards.

Il n’est pas exagéré de dire que le cannabis illégal fait vivre bien des familles au pays. Des gens qui évoluent en marge du système et qui transgressent les lois quotidiennement. Durant la production du documentaire, nous étions sensibles aux risques de passer le micro à ces individus qui vivent des fruits de la criminalité et de glorifier leurs activités. On y rencontre notamment un producteur de cannabis qui squatte des champs de maïs et un voleur qui ne se gêne pas pour dérober des livres de drogue douce.

Et le défi de faire parler les acteurs du marché noir est énorme. Ils n’ont rien à gagner à s’exposer devant une caméra. Au contraire, ils peuvent tout perdre, du jour au lendemain.

Il fallait donc établir un climat confiance, au fil des entretiens, des cafés, des soupers, des bières… Impossible d’obtenir ce type d’accès sans privilégier une approche empathique, dénuée de jugement. Nous les avons rencontrés à de nombreuses reprises, la plupart du temps sans caméra. Pour un « dealer » qui acceptait de nous parler, nous avons essuyé des dizaines de refus.

Il était primordial de ne pas faire preuve de complaisance ou de se faire les défenseurs du marché noir. Mais leur version de l’histoire mérite d’être racontée, même si on a affaire à des criminels. Parce que six mois après la légalisation, Hugo, Sylvain et Ludovic n’ont pas freiné leurs activités. Bien au contraire.

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Du jour au lendemain, le gouvernement veut grappiller leur part du gâteau, pour le meilleur et pour le pire. Même s’il existe de nombreuses façons d’intégrer la nouvelle économie légale, notamment grâce aux permis de microculture, les options sont limitées pour les acteurs du marché noir. Difficile d’écrire sur son curriculum vitae qu’on a trempé dans la vente de stupéfiants depuis le secondaire.

Aussi, plusieurs individus ont des casiers judiciaires liés au cannabis, ce qui freine les possibilités d’embauche. Si Justin Trudeau a parlé d’offrir le pardon à tous les Canadiens qui traînent une accusation de possession simple, cette mesure n’est pas encore appliquée et elle ne concerne pas les inculpations pour trafic ou production.

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Le premier ministre a répété sur toutes les tribunes qu’il voulait enlever le cannabis des mains du crime organisé. Notre enquête nous montre que la réalité est beaucoup plus complexe sur le terrain. Bien que les groupes criminels comme la mafia ou les motards soient présents dans cette industrie illicite, ils n’en détiennent pas le monopole. On a plutôt affaire à une nébuleuse de producteurs plus ou moins indépendants. Parce que ce n’est pas difficile à faire pousser, du pot.

Si l’État veut que la légalisation se fasse harmonieusement, nous estimons qu’il aussi doit prêter oreille aux gens de cette industrie qui existe depuis des décennies et qui a développé sa propre dynamique et ses codes.

Simon Coutu est sur Twitter .

Le documentaire Cannabis illégal, est disponible sur le site web de Télé-Québec.