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Commandité

En visite chez Charlotte, reine des fripes

Elle a transformé sa collection en business.
Charlotte Cayla
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Cet article fait partie de la série « Les vraies affaires ».

L’amour que Charlotte Cayla porte aux vêtements relève de la passion obsessionnelle. Tout a commencé à l’âge de six ans, alors que la Lambertoise d’origine se faisait constamment traîner dans les friperies par sa tante.

« Ma tante était costumière pour Radio-Canada et mère de deux garçons, donc c’est sûr qu’on tripait lorsqu’on allait essayer des vêtements dans les friperies de Mont-Royal. Ma mère m’y amenait également pour trouver des costumes d’Halloween vraiment flyés. »

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Ces multiples escapades au royaume du costume et du vêtement de seconde main font partie des meilleurs souvenirs qu’elle garde de son enfance. À l’adolescence, Charlotte fréquente l’école privée où l’uniforme est obligatoire. Ses trouvailles vestimentaires deviennent alors une façon d’exprimer sa marginalité dans un milieu où tout le monde est identique.

« Les surveillants étaient toujours sur mon cas : mes bijoux ou mes souliers trop extravagants allaient à l’encontre du code vestimentaire. Je courais vers les salles de classe pour ne pas qu’ils m’attrapent! Je n’écoutais pas en classe et j’étais constamment au bureau du directeur, l’un d’eux m’a même déjà dit que j’irais nulle part dans la vie. »

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Charlotte a seize ans lorsqu’elle finit l’école secondaire et décide de prendre une année sabbatique pour réfléchir à ce qu’elle veut faire dans la vie. Ses parents, plutôt en désaccord avec cette décision, l’encouragent à se trouver un emploi à temps plein. Charlotte décide donc d’aller porter son CV dans plusieurs magasins de vente au détail du centre-ville de Montréal et finit par se faire embaucher par une grande enseigne. Elle y forge son intérêt pour le service à la clientèle et commence à se bâtir une impressionnante collection de vêtements.

« C’est simple, tout mon argent allait dans le linge. Je partais à la chasse au trésor dans les friperies au moins trois fois par semaine, je devais prendre deux bus et un métro pour m’y rendre. C’était compulsif, voire maladif; je me demandais si j’étais une matérialiste complètement folle. »

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Ça inquiétait ses parents si bien qu’il fallait que Charlotte se cache lorsqu’elle revenait à la maison avec des sacs pleins.

Maniaquerie ou non, sa collection était ce qui la rendait heureuse au point d’en oublier ses besoins essentiels.

« Quand je réorganisais ma garde-robe, il m’arrivait d’oublier de manger, boire et même fumer, c’est complètement fou. Ça pouvait me prendre des heures, mais j’aimais tellement ça, j’étais en transe avec mes vêtements. »

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Oui, Charlotte aimait bien accumuler tout ça chez elle, mais ce qui l’allumait aussi, c’était le concept de chasse au trésor, cette espèce de fébrilité qui l’habitait avant d’entrer dans les magasins. Trouver la perle rare à un coût dérisoire, la quête du deal, quoi. L’une des trouvailles dont elle est le plus fière? Un manteau de cuir bleu Courrèges datant des années 60.

« J’ai payé 7 $ pour ce manteau qui en valait 1000 $. J’aurais pu facilement le revendre à ce prix-là, mais ce n’est pas trop ma philosophie. J’ai décidé de le vendre 200 $ et il est parti en quelques heures seulement, je regrette un peu, mais bon, ça va avec le métier. » Elle se souvient aussi d’avoir payé un sou les lunettes Dolce & Gabbana à cause d’une erreur de prix dans un magasin.

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L’année sabbatique se termine et Charlotte décide de retourner à l’école en commercialisation de la mode. Elle y apprend les rudiments du métier et se familiarise avec les marques de haute couture. À la fin de ses études, elle décide de quitter le domicile familial pour s’installer dans la métropole. Dans son nouvel appartement, une pièce est entièrement consacrée à ses vêtements. Cette pièce devient naturellement le premier endroit où elle fait ses propres ventes.

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« À ce moment, j’ai changé d’habitude, je continuais d’acheter, mais là, c’était pour les autres. Ça me permettait de maintenir mon obsession pour le magasinage sans trop accumuler de trucs dans ma garde-robe personnelle. »

À l’aube de la vingtaine, Charlotte caresse déjà le rêve d’ouvrir sa propre boutique. Son copain finit par la convaincre et ils se mettent à travailler ensemble afin de rendre ce rêve possible. Charlotte met les bouchées doubles, en travaillant simultanément à trois friperies. L’un des propriétaires finit par lui demander de devenir gérante pour la durée d’un an et elle accepte sous certaines conditions : augmentation de salaire et de commissions.

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« Je faisais littéralement tout dans ce commerce. En un an, j’ai réussi à faire tripler le chiffre d’affaires. Ça m’a donné de la confiance, de l’expérience en gestion, mais aussi assez d’argent pour ouvrir ce qui est devenu la boutique Ruse. Au final, on a réussi à ouvrir la boutique sans emprunter à la banque, ce qui m’étonne encore à ce jour. »

Aujourd’hui, Charlotte est copropriétaire de Ruse avec son amoureux. La boutique est ouverte depuis trois ans. Au départ, l’inventaire était un mélange de trouvailles de Charlotte, de vêtements en consigne et d’accessoires neufs. Maintenant, on ne trouve que des articles laissés en consigne.

« Je savais qu’offrir la possibilité de mettre des vêtements en consigne serait bénéfique puisqu’il n’y a pas ou très peu de boutiques qui le font. C’est sûr que c’est beaucoup de gestion, mais au final je sais que les gens amènent des trucs intéressants. À ce jour, près de neuf cents clients sont venus laisser des vêtements, sans même annoncer que nous faisons de la vente en consigne. »

« Je ressens la même excitation lorsque des clients amènent des sacs de vêtements à vendre à la boutique. J’ai déjà pleuré de joie en ouvrant le sac d’une cliente; il contenait un manteau à carreau en fausse fourrure que j’ai décidé de garder pour moi. »

Ce manteau est certes l’un des plus beaux cadeaux qu’elle s’est offerts en ayant sa boutique, mais l’insurpassable a été un sac à main noir en cuir matelassé Chanel.

« Je garderai ce sac toute ma vie et je le léguerai à mes enfants. Avant d’ouvrir Ruse, je ne pensais jamais pouvoir me permettre d’acquérir l’un de ces prestigieux sacs. Je m’étais dit que le jour où j’aurais mon sac à main Chanel, j’aurais réussi. Aujourd’hui, c’est fait. »

Cet article a été publié grâce au soutien de la Banque Nationale.