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Culture

Pourquoi les rappeurs aiment tant Narcos

« On est toujours plus attiré par ce qui nous ressemble un peu. »
Pourquoi les rappeurs aiment tant Narcos
Photo: Daniel Daza/Netflix

Migos aux États-Unis, 13 Block en France ou encore Enima au Québec, pour ne nommer qu’eux, ont pour point commun d’avoir tous sorti des morceaux rendant hommage à la série Narcos. Dès sa sortie au mois d’août 2015, le succès fut instantané. La télésérie de Netflix est rapidement devenue une référence dans la culture populaire. Son influence s’est étendue au monde du rap, donnant ainsi naissance à une tonne de morceaux qui glorifient le maître colombien de la cocaïne. Alors que la quatrième saison est disponible sur Netflix, voici comment les codes de cette télésérie ont su séduire la planète rap.

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Comme Pablo

L’année 2018 a commencé sous le signe de Migos, qui a complètement pris le contrôle de la culture populaire lorsque Culture II est paru en janvier dernier. Un album parsemé de hits dont le fameux Narcos rendant hommage au baron de la drogue Pablo Escobar, mais également à la série de Netflix. « Trapping like the narco / Got dope like Pablo / Cut throat like Pablo / Chop trees with the Draco / On The Nawf, got Diego / Say « Hasta luego » / Muy Bien wrap a kilo / Snub nose with potato ». On retrouve en concentré toutes les références à la série : argent, armes et drogue.

Il faut dire que l’histoire de Pablo Escobar a de quoi fasciner : le chef du cartel de Medellín était l’un des principaux barons de la drogue dans les années 80. À son apogée, il fournissait 80 % de la cocaïne consommée aux États-Unis. Pour couronner le tout, il est le criminel le plus riche de l’histoire avec une fortune évaluée à environ 30 milliards de dollars à l’époque. Un parcours qui a de quoi émerveiller la jeunesse qui connaît les classiques Scarface, la trilogie The Godfather ou encore Goodfellas. La glorification du monde criminel, c’est toujours payant et ça, Netflix l’a bien compris. En 2015, elle lance une série consacrée au parcours du baron de la drogue colombien Pablo Escobar.

Pour beaucoup de rappeurs, ce qui charme dans le personnage de Pablo Escobar, c’est sa réussite fulgurante. Issu d’une famille pauvre, il est parti de rien pour atteindre des sommets sans jamais oublier d’où il venait. « La jeunesse de Pablo a beaucoup de points communs avec celle d'un jeune de quartier en banlieue », raconte Wealstarr, un beatmaker français qui a produit pour des rappeurs comme Booba, Dosseh, Kekra ou encore Rim-K du 113. « “Je ne suis pas une personne riche, je suis une personne pauvre avec de l'argent.” C'est une de mes citations préférées de la série. Forcément, on est toujours plus attiré par ce qui nous ressemble un peu ».

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En France, les rappeurs du groupe 13 Block ont consacré le premier morceau de leur dernier album Triple S à la série Narcos en l’appelant Don Pablo, l’un des surnoms de Pablo Escobar. Dans le refrain, on peut entendre : « On est parti d’rien, un peu tout comme Don Pablo ». « Dans ce genre de série ou de films, les protagonistes viennent de quartiers déshérités. La misère rime souvent avec la délinquance et la rage de s'en sortir à tout prix, illustre Wealstarr. La plupart des acteurs du rap sont issus de la pauvreté et la seule préoccupation que tu as quand tu es enfant, c'est de sortir de cette misère à tout prix ».

Escobar, l’homme d’affaires et le bon samaritain

Le Québec n’est pas en reste. On pense au rappeur Enima qui a deux morceaux qui portent le nom de famille de Pablo. Sur Escobar II, sorti en avril 2018, on peut entendre une phrase qui exprime son admiration pour le succès de Don Pablo: « Je suis Escobar dans la game mais j’vais pas die ».

C’est le côté homme d’affaires de Pablo qui séduit beaucoup d’entre eux. « Clairement, son côté entrepreneur et son sens de l’organisation sont des qualités qui me fascinent. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que mon personnage préféré de la série est Gustavo Gaviria, le cousin de Pablo. Il était intelligent, prévoyant, calme et toujours à ses affaires. C’est pour cela qu’il était le cerveau des opérations. J’étais vraiment déçu qu’il meure aussi tôt dans la série », explique le producteur LARUE.

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L’un des acteurs québécois de l’industrie du rap qui a été le plus influencé par la série Narcos est le beatmaker Cotola, connu pour avoir beaucoup travaillé avec le rappeur Obia le Chef. Le beatmaker d’origine chilienne a été inspiré par la trame sonore de la série pour l’album nommé Narco Bolero. La chanson Tuyo de Rodrigo Amarante qui ouvre chaque épisode de la série lui est restée en tête. « Le générique de Narcos est un bolero. C’est une balade romantique latino-américaine de jadis fusionnée au rock psychédélique. Un jour, en regardant la série, j'ai cliqué et je me suis dit qu’il fallait que je sorte un projet au complet comme ça. Mélanger le hip-hop et le bolero avec des samples extraits de ma collection de vinyles, le tout parsemé de citations de films obscurs latino-américains ».

Par son succès, Narcos coïncide avec la montée en popularité de la culture latine à travers le monde. « En 2018, on peut voir des artistes comme Drake et Cardi B faire des morceaux avec des artistes latinos comme Bad Bunny ou J Balvin. Ce sont des collaborations qu’on va voir de plus en plus au cours des prochaines années », explique RealMind. Et c’est vrai : difficile de ne pas entendre un peu du Narcos de Migos dans le I Like It de Cardi B en collaboration avec Bad Bunny et J Balvin.

L’influence latine de Pablo Escobar n’est pas nouvelle dans le rap, explique Cotola : « Même le rappeur Nas dans les années 90 portait le pseudonyme d’Esco en référence à Escobar ». D’ailleurs, sur son morceau Got Yourserlf a Gun paru en 2001, Nas disait : « I’m the N, the A, to the S-I-R / And if I wasn’t, I must’ve been Escobar ». Même son de cloche du côté du rappeur de Miami Rick Ross sur son légendaire morceau Hustlin’, où il dira : « I know Pablo, Noriega / The real Noriega / He owe me a hundred favors ». En 2015, Joey Bada$$, quant à lui, échantillonnera carrément la chanson titre de Narcos dans son morceau Front & Center paru en 2015. Et la liste est encore très longue, de Freddie Gibbs à Kanye West en passant par Pusha T.

« Personne ne peut nier l’immense population latine en Amérique du Nord. Cela amène une influence culturelle incontournable aux États-Unis, comme peuvent l’être les slangs créoles dans les quartiers chauds de Montréal, avance le beatmaker Cotola. Notre culture rejoint tout le monde parce qu’elle est carnavalesque. »

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Pour d’autres, Netflix agit comme une excellente porte d’entrée pour en apprendre plus sur une culture qu’ils ne connaissent pas forcément très bien. « Grâce à des émissions comme Narcos et Casa de Papel, je pense que cette culture est de plus en plus accessible pour certaines personnes », résume LARUE.