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#KuToo, le mouvement japonais contre le port de talons hauts

En référence à #MeToo, ce mouvement féministe combine les mots japonais pour chaussures (kutsu) et douleur (kutsuu).
Shamani Joshi
Mumbai, IN
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
#KuToo, le mouvement japonais contre le port de talons hauts
Photo via Pexels

Les talons hauts font mal aux pieds. Pour certaines, il s'agit d'un appareil de torture moderne, pour d'autres, d'un mal nécessaire. C'est particulièrement vrai au Japon, où l'on attend encore souvent des femmes qu'elles portent des talons au travail. Au-delà de l’environnement professionnel, même les bars ont commencé à accorder aux femmes des réductions en fonction de la hauteur de leurs talons.

Et maintenant, environ 19 000 Japonaises prennent position contre ce code vestimentaire officieux dans les bureaux japonais. Tout a commencé lorsque l'actrice et écrivaine indépendante Yumi Ishikawa a été obligée de porter des talons hauts alors qu'elle travaillait dans une maison funéraire, ce qui l'a incitée à lancer une pétition qui a vite fait son chemin. Dans un tweet qui a été partagé 30 000 fois, elle a expliqué que son lieu de travail exigeait de facto qu'elle porte des talons malgré l'inconfort. C'est ce qui a donné naissance au mouvement #KuToo.

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Ironiquement, le mot japonais « Kutsu » signifie « chaussures », tandis que « Kutsuu » signifie « douloureux ». Ishikawa a donc décidé de combiner ce sentiment avec le mouvement mondial #MeToo contre la misogynie pour faire place au mouvement des femmes japonaises sous la forme du #KuToo. À la suite d'une réunion avec des responsables du ministère du Travail, Ishikawa a fait une déclaration aux journalistes : « Aujourd'hui, nous avons présenté une pétition demandant l'introduction de lois interdisant aux employeurs de forcer les femmes à porter des talons. C’est une forme de discrimination et de harcèlement sexuel ». Une représentante du gouvernement a dit qu’elle était favorable à la pétition et que c'était la première fois qu'une voix féminine aussi omniprésente avait attiré l'attention du ministère. « Après le travail, tout le monde enfile ses baskets ou ses chaussures plates », a-t-elle écrit dans sa pétition, soulignant que les talons hauts causent souvent des oignons, des ampoules et des douleurs lombaires. « C'est dur de bouger, on ne peut pas courir et on a mal aux pieds. Tout cela pour une question de bonnes manières », poursuit-elle, rappelant qu'on n'attend pas la même chose des hommes.

Pour Ishikawa, c'est un premier pas en avant vers un avenir à plat et sans misogynie, ce qui est un problème assez alarmant au Japon. Pas plus tard que l'an dernier, un député japonais avait déclaré que les femmes ne devaient pas rester célibataires et devaient avoir plusieurs enfants pour ne pas devenir un fardeau pour l'État plus tard dans leur vie.

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Aujourd'hui, la pétition a cédé la place à une discussion plus large, comparant les talons à la coutume inquiétante des pieds bandés, pratiquée en Chine sur des jeunes filles afin de les cantonner à des tâches domestiques.

Le Japon n'est pas le premier pays à se battre pour un tel changement. En 2016, une pétition contre les hauts talons au travail a été signée par plus de 150 000 personnes au Royaume-Uni. Il s'agissait d'un soutien à Nicola Thorp, licenciée par la société comptable PwC lors de son premier jour en tant que réceptionniste intérimaire car elle refusait de porter des talons hauts. On espère que des lois seront mises en œuvre pour protéger les femmes qui ne veulent pas porter de talons aiguilles. En 2017, l'État canadien de la Colombie-Britannique a adopté une loi interdisant aux employeurs de forcer les femmes à porter des talons pour se rendre au travail, qualifiant cette pratique de discriminatoire.

Historiquement, on a dit aux femmes que les talons les rendraient plus « féminines ». Mais qui a le temps pour des talons hauts quand on fuit la misogynie ?

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