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Une fille ou une femme est assassinée tous les deux jours au Canada

Un rapport révèle que les femmes des Premières Nations et des régions rurales courent le plus grand risque d’être assassinées.
Stop violence against women posters
Affiches avec photos de Destiny Rae Tom placées sur des chaises à la salle d’audience de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, à Smithers, en Colombie-Britannique, le 26 septembre 2017. Photo : Darryl Dyck, The Canadian Press

Quand une femme est assassinée au Canada, les circonstances du meurtre ne sont pas du tout les mêmes que lorsque la victime est un homme.

Les femmes sont plus susceptibles d’être assassinées par une personne qu’elles connaissent très bien : plus de la moitié sont tuées par leur conjoint et 13 % par un membre de leur famille, d’après un rapport de l’Université de Guelph publié hier. Statistiquement, l’endroit où elles sont le plus fréquemment assassinées, c’est à la maison. Leur assassinat est plus susceptible d’impliquer une agression sexuelle. Et le risque est plus grand chez les femmes de 25 à 34 ans.

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Les hommes, quant à eux, sont plus susceptibles d’être assassinés par un inconnu ou une connaissance.

Les différences sont si marquées qu’on soutient dans le rapport qu’une catégorie spécifique aux meurtres de femmes est nécessaire : les fémicides. L’auteure principale du premier rapport annuel de l’Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation, intitulé #CallItFemicide (littéralement, « appelez ça un fémicide »), affirme qu’il est crucial d’examiner la prévalence et les causes de ces types de crimes.

D’après le rapport, 148 femmes et filles ont été tuées l’an dernier. Des 140 personnes accusées de ces meurtres, 91 % sont des hommes. Si les femmes de 25 à 34 ans ne représentent que 14 % de la population, elles comptent pour 27 % des personnes assassinées.

En entrevue avec VICE, l’auteure principale du rapport, Myrna Dawson, dit que c’est parce que ce groupe démographique est plus socialement actif. « C’est l’âge auquel les femmes commencent à sortir de la maison et à entrer dans la société plus générale. Elles entrent en relation et ont des contacts avec des meurtriers potentiels plus souvent dans leurs activités ou l’établissement de leurs relations. »

Elle souligne le fait que les signaux d’alarme à cet âge peuvent être plus subtils. La violence physique dans un couple est un signal d’alarme, bien sûr. Chez les jeunes, des indices comme les comportements obsessionnels ou contrôlants peuvent aussi en être, surtout s’ils se manifestent par de la jalousie ou de la surveillance de la part d’un conjoint. Mais ce sont des signes que les jeunes femmes ont parfois tendance à ne pas prendre assez au sérieux, selon elle. « J’ai entendu des femmes dire : “Oh, il me texte 60 fois par jour”, et en rire. Il est possible qu’il n’y ait pas matière à rire. C’est l’indice d’une volonté de contrôler une femme. »

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Parmi les autres situations dans lesquelles le risque est plus grand, il y a la vie en région rurale : même si seulement 16 % de la population vit à l’extérieur des zones urbaines, plus d’un tiers des femmes assassinées vivaient dans une région rurale. Myrna Dawson ajoute que les services d’aide pour femmes sont en général basés sur des données démographiques et que les statistiques montrent qu’ils devraient être adaptés en fonction des besoins. C’est au Nunavut que le taux de meurtres de femmes est le plus élevé, suivi du Yukon, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba.

Un groupe en particulier sort du lot : les femmes et filles des Premières Nations. Elles ne représentent qu’environ 5 % de la population, alors qu’elles comptent pour 36 % des femmes assassinées. Myrna Dawson juge que leur situation est terrible. « Elles sont souvent victimes de violence excessive et de violence sexuelle à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de leurs relations intimes. C’est important parce qu’elles doivent craindre presque autant leurs connaissances et les inconnus, ce qui est très différent de ce que vivent les femmes non autochtones. »

Le titre du rapport, #CallItFemicide, est une allusion au mouvement #MoiAussi, qui témoigne de la haute prévalence dans le monde de la violence à caractère sexuel envers des femmes. Myrna Dawson dit que les comportements misogynes et les structures sociales qui engendrent la violence à caractère sexuel contribuent à perpétuer les fémicides. Des facteurs comme le rejet de la faute sur les victimes et l’écart salarial entre les hommes et les femmes haussent les risques pour les femmes en faisant en sorte qu’il leur est difficile de sortir d’une relation toxique pouvant devenir fatale.

Ce premier rapport se penche sur 2018 et rassemble des données de diverses sources. Statistique Canada, par exemple, donne le nombre de meurtres de femmes et de filles, mais ses données contextuelles sont limitées. Mais, dans plusieurs secteurs, il est difficile pour les spécialistes canadiens d’obtenir des données précises sur les tendances.

C’est pourquoi les chercheurs se sont basés sur les articles de presse, parce que « les journaux donnent plus d’information que les sources de données officielles ». À l’avenir, les documents juridiques seront aussi utilisés pour suivre des dossiers, et les médias resteront la source privilégiée pour les cas qui ne sont pas traités par les tribunaux (par exemple si l’auteur de meurtre s’est suicidé).

Pour ces raisons, Myrna Dawson affirme que ce rapport n’est que la pointe de l’iceberg. Dans certains cas, l’enquête étant toujours en cours, il n’est pas encore possible de classer des meurtres comme des fémicides, du moins pour l’instant.

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