Peut-être êtes-vous un poteux de longue date. Peut-être votre rapport au pot se limite-t-il à quelques puffs volées dans des partys de cégep. Peut-être n’avez-vous jamais consommé, car vous attendiez poliment la légalisation, et ce jour est enfin arrivé.Qu’importe qu’on soit connaisseur ou novice, il est toujours bien de se rappeler les principes de la consommation responsable, et d’avoir une marche à suivre pour nos expériences plus ambitieuses – on se rappelle que près de la moitié des Canadiens ont manifesté leur désir de tester les produits comestibles au cannabis et que ces produits ne sont pas présentement offerts sur le marché.
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Pour avoir les meilleurs conseils, on est allés interroger deux experts de la Clinique la croix verte. Depuis 10 ans, cet établissement encadre les patients à qui l’on prescrit du cannabis à des fins thérapeutiques. C’est dire que la consommation, ils connaissent ça et qu’ils savent guider les habitués comme les néophytes.On a donc passé un après-midi dans le bureau de Shantal Arroyo, la directrice et copropriétaire de la Clinique, avec le docteur en biologie moléculaire François-Olivier Hébert en conférence téléphonique. Les deux sont également porte-parole de l’Association québécoise des intervenants en cannabis médical, et M. Hébert donne en outre des formations au sein de l’Institut national du cannabis.Sativa, indica ou hybride? Selon la légende, le premier serait stimulant, le deuxième calmant, et le dernier, un heureux mélange des deux.Mais ce n’est pas si simple. Il vaudrait mieux ne pas se fier uniquement à ça. Selon François-Olivier Hébert, cette forme de classification n’a pas de réelle base génétique. Les plantes n’ont pas été développées avec des programmes rigoureux de sélection génétique, ce qui a pour résultat un « gros fouillis ». « Si on dit qu’un cannabis est 60 % indica et 40 % sativa, c’est de la bullshit, lance le biologiste. Même les sortes qui ont l’air de sativa, quand tu regardes dans leurs gènes, ils n’ont rien à voir avec le groupe des sativas. Donc ils n’auront pas l’effet qu’on associe aux sativas. »
Quelle sorte de cannabis je devrais prendre?
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Tu veux savoir l’effet d’un weed? « On s’en fout des sortes », s’exclame Shantal. Regarde le niveau de THC, l’ingrédient psychoactif du cannabis qui fait buzzer, et de CBD, qui n’a pas d’effet psychoactif et qui tempère les effets du THC.Et tu choisis en fonction du contexte de ta consommation et de l’effet recherché. Tu veux quelque chose de relaxant? Va vers un produit qui contient du THC, auquel on associe des odeurs de lavande, de poivre, de levures, d’effluves terreux. Tu veux un cannabis plus stimulant, qui réveille? Va vers quelque chose de plus faible en THC et un peu plus élevé en CBD, qui sent les agrumes, le pin.Le choix d’un cannabis, c’est « très relatif aux personnes, convient Shantal. Souvent, je propose aux personnes de le sentir. Si tu aimes l’odeur, il y a de bonnes chances que tu aimes l’effet que ça va faire. Si tu n’aimes pas l’odeur, ne va pas là. Rendus là, c’est de l’aromathérapie! » s’esclaffe-t-elle.Non. Tu ne sais juste pas inhaler.Non. Même si la SQDC a choisi de mettre de l’avant les capsules et les huiles de cannabis, ingérer du cannabis, ce n’est pas pour un débutant.« Quand tu manges le cannabis, c’est métabolisé par le foie. La molécule est brisée et elle est transformée en une autre molécule qui est beaucoup plus psychoactive », explique Shantal. Le buzz est plus fort, et il est long. Commencer par ça, c’est se magasiner une mauvaise première expérience.
C’est-tu vrai que ça buzze pas la première fois qu’on fume?
J’ai jamais pris de cannabis. Mais je ne veux pas fumer. Je veux en manger. C’est une bonne idée, right?
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« On ne peut pas dire aux gens quoi faire, avance prudemment François-Olivier, mais on peut leur suggérer de ne peut-être pas essayer par ce mode de consommation là. »La SQDC vend des atomiseurs buccaux (des sprays) au cannabis. Si tu ne veux pas fumer, ça peut être intéressant.« Ça te fournit une dose infime à chaque spray. Tu peux bien doser à coups de 1 mg ou 500 nanogrammes, dépendamment de la dose. C’est des petites quantités qui vont se digérer tout de suite dans la bouche. Ça s’absorbe vraiment bien, par toute la vascularisation de la bouche, la langue, toutes les muqueuses. »« C’est sans doute la meilleure manière de tester sa réponse au cannabis », explique François-Olivier.Dans ce cas, le conseil, c’est bien entendu de procéder prudemment. Consomme des comestibles qui contiennent très peu de cannabis. Prends-en une bouchée et attends longtemps pour que ça fasse effet.
Mais je veux vraiment juste en prendre en mangeant
Mais je m’en fous du spray
Edibles 101
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Elle rappelle qu’il ne faut jamais consommer à jeun. Si tu donnes juste un comestible à ton estomac, le cannabis passe beaucoup plus vite dans le système et son action va être beaucoup plus intense – trop intense.Oh! et conseil d’ami : fais attention à ce que tu manges le lendemain. « Le lendemain matin, tu te lèves, t’es ben correct, t’as faim. Tu manges deux toasts au beurre de pinotte avant d’aller travailler. Ou du bacon, des œufs. Coucou! You’re high again », prévient Shantal. C’est que le cannabis reste longtemps dans ton sang, si tu manges quelque chose de gras, tu restimules la digestion, le cannabis est remétabolisé et le buzz revient. Si tu as pris beaucoup de comestibles la veille, privilégie un déjeuner léger.L'absorption du cannabis diffère pour tous. Mais si on veut établir une règle générale, une portion de comestible, c’est 5 mg de cannabis sous forme d’huile ou de beurre. Peu importe la quantité de gâteau, de biscuits que tu prépares, assure-toi de te couper un morceau qui contient un maximum de 5 mg de weed.« À 5 mg, n’importe qui a un gros effet. À 10 mg, c’est vraiment, vraiment fort. À 15 mg, si t’es pas habitué, c’est “Je feel pas, je pense que je vais mourir ou que je suis en psychose, je m’en vais à l’hôpital” », explique Shantal Arroyo.Pour les gourmands qui seraient portés à manger tous les biscuits ou tout le gâteau, il est conseillé de faire deux batchs – une infusée au cannabis et une à manger une fois que les munchies vont faire leur effet. Ou encore, il est possible de mettre 5 mg de cannabis dans toute ta recette et de manger le plat au complet.
Quelle quantité mettre dans mes edibles?
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Comment faire mes edibles?
Baratter le beurre
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Côté beurre, le mieux, c’est d’utiliser du beurre clarifié. On peut l’acheter tel quel (comme le ghee, le beurre clarifié utilisé dans la cuisine indienne) ou le clarifier soi-même.Pour l’infuser sur une cuisinière, on prépare un bain-marie dans lequel on fait fondre le beurre et le cannabis grindé (mais pas de trop petits morceaux). On garde l’eau juste en dessous du point d’ébullition : si on chauffe trop, on détruit les molécules qu’on veut activer. On laisse infuser pendant deux, trois heures, et ensuite on filtre le beurre pour enlever tout le cannabis.Il est aussi possible de faire un beurre de cannabis avec une mijoteuse. On emballe sous vide le beurre et le cannabis, et on le laisse cuire à low pendant toute une nuit, ou huit heures.Il est possible de faire une extraction à base d’alcool, c’est-à-dire une teinture de cannabis. On peut ensuite en mettre au compte-gouttes dans des drinks, des comestibles, des crèmes pour le corps.Il faut avoir sous la main un alcool fort, à 70 % ou plus. On peut l’acheter à la SAQ : demandez simplement la bouteille que les restaurateurs utilisent pour flamber leurs desserts. De grâce, n’employez pas de l’alcool de pharmacie.On grinde le cannabis, on le met dans un pot. On ajoute ensuite une quantité d’alcool égale à la quantité de cannabis. Tu as une tasse de cannabis grindé? Tu y verses une tasse d’alcool. Ensuite tu scelles le pot et tu laisses ça dans le noir à la température ambiante dans un endroit frais pendant un mois. Après, tu filtres ta décoction. Et voilà, tu as une teinture de THC. Pour faire une teinture de CBD, il suffit d’employer un cannabis élevé en CBD.
Faire sa teinture ou son huile de cannabis
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À noter qu’on peut répéter le processus avec n’importe quels huile ou corps gras, comme de l’huile de coco, d’olive ou de la glycérine, et employer le tout dans les recettes souhaitées. Pour l’huile, on parle d’une macération d’une à deux semaines.Il faut cependant ressortir son algèbre pour ensuite bien doser ses recettes, en calculant le rapport entre le pourcentage de THC ou de CBD dans le cannabis, la quantité de cannabis employée et la quantité de millilitres extraits après la filtration. « C’est là que tu vas dire “AH! TABAROUETTE! j’aurais pas dû fumer avant d’aller à mon cours d’algèbre.” », rigole Shantal.Mets quelques gouttes de teinture de cannabis dans ton drink préféré – on parle évidemment de drinks sans alcool. L’alcool est déconseillé avant la consommation du cannabis : le weed va amplifier l’absorption de ta bière – on ne sait jamais exactement à quel point, mais tes trois bières peuvent faire l’effet de six.Tu peux aussi faire infuser ta cocotte de cannabis et la boire comme une tisane, mais l’effet va être discret, car le cannabis n’est pas vraiment soluble dans l’eau. « Si tu veux quelque chose de très léger, c’est parfait », conseille Shantal.C’est cher, claquer 7 ou 15 g dans une livre de beurre.À la place, tu peux simplement grinder la demi-cocotte qui te reste. Tu la fais chauffer une vingtaine de minutes dans une casserole de lait (du lait gras, pas 0 %, il est aussi possible de prendre du lait végétalien). Ensuite, tu le filtres et tu l’aromatises à ce que tu veux : du miel, de vanille, du chocolat.
Faire des drinks
Faire un edible pour vraiment pas cher
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Aussi, tu peux accumuler tes restants de cannabis vaporisé et t’en servir pour faire ton huile à edibles. C’est économe et ça évite le gaspillage.Tu n’es pas seul. Rares sont ceux qui veulent déguster des biscuits qui goûtent la lichette de joint froid.Emploie des ingrédients qui ont un goût fort : remplace le sucre par de la cassonade, dépendamment de la recette, ajoute de la mélasse, des agrumes, des fruits et légumes plus acides, de la pâte de tomate… Ça va aider un peu à masquer le goût. Joue aussi avec les épices : c’est le temps d’invoquer ta inner basic white girl et d’assaisonner tes comestibles au pumpkin spice.Aussi, bien évidemment, diminue le dosage. « Si ça goûte fort, c’est que ça va être fort », résume Shantal.Non. Mais c’est sûr qu’un bad trip n’a rien d’agréable, surtout avec les effets de paranoïa.Ce n’est pas une recette miracle, mais on peut garder à portée de main des huiles essentielles de pin, de citron. Ou encore tout simplement manger une orange ou un peu de citron. « Ça neutralise un peu les effets du THC. Ça te remet les idées plus claires et ça te sort un peu de ton bad trip. »Et bois de l’eau, beaucoup d’eau. Un comestible, ça déshydrate. Si tu as mal à la tête, c’est probablement parce que tu es déshydraté.Sachant que nous sommes une population très médicamentée, il faut faire attention avec le cannabis, qui peut interagir avec les médicaments, rappelle Shantal.« Quand tu ajoutes du CBD ou du THC dans ton corps, l’absorption du médicament change. Elle devient plus forte. Tout d’un coup, ton médicament est plus absorbé, et là tu as des effets secondaires de ton médicament, que les gens vont confondre avec les « effets buzz » : palpitations, fatigue, étourdissements… Il faut faire extrêmement attention. Je dirais qu’on parle à notre pharmacien avant d’ingérer du cannabis. »
Ark, j’haïs ça, le goût du weed dans ma bouffe
J’ai pris trop d’edibles. Je vais mourir?
Attention aux interactions médicamenteuses
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Elle donne l’exemple du Lyrica, prescrit comme antidouleur ou antidépresseur. « Le Lyrica avec le CBD, ça ne marche pas, prévient Shantal. Ça grossit vraiment beaucoup les effets du Lyrica. Deux gouttes, c’est assez pour que la personne se ramasse en arythmie. »Et mieux vaut aussi ne pas s’automédicamenter avec le cannabis. Il est toujours préférable de consulter un médecin pour s’assurer de faire les bons choix.On va mettre une chose au clair : la SQDC met en garde contre les risques de cancer du poumon associés au grillage de bats, mais, d’après François-Oliver, c’est une exagération.« Toutes, toutes, toutes, toutes les études qui essaient de vérifier un lien entre développement de cancer, augmentation de cancer et consommation de cannabis échouent, ne démontrent absolument rien, et personne n’est mort d’un cancer qui est dû à ça », s’exclame-t-il.Mais il concède qu’il est mieux de vaporiser que de fumer, parce que brûler de la matière végétale libère du goudron et des molécules oxydantes qui peuvent causer des stress métaboliques dans le corps. Il y a un risque de développer des bronchites chroniques.Avec la vaporisation, on élimine ce risque, en plus d’éliminer les odeurs – pratique, si ton proprio a banni le weed de son bloc d’appartements.Et, parlant d’odeurs, si tu veux éliminer les odeurs de cannabis de ton logis, tu peux aussi te procurer un purificateur d’air au charbon.
Vaporiser ou fumer du cannabis?
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Des crèmes au cannabis
Cap sur la relaxation
Aussi, pensez à glisser quelques gouttes de cannabis dans votre huile à massage. Détente garantie. À appliquer pour le plaisir ou sur un torticolis, par exemple.Tu as mal à la gorge? Le miel, c’est toujours bon pour la gorge. Mais on peut y glisser quelques gouttes de cannabis. Dans une gorge en feu, « ça fait du bien », dit Shantal.L’idéal, c’est d’utiliser du papier à base de chanvre, autant pour rouler que pour faire le cut. Non, pas un billet de métro.Et, si possible, évitez le tabac dans les joints. On peut le remplacer par la molène, une herbe qui se fume, mais qui n’est pas associée au cancer du poumon.Mise à jour : Une version précédente de l’article mentionnait qu’une huile de cannabis contient une proportion de mg de THC/ml. Il s’agit plutôt d’une quantité de mg d’huile extraite/ml. Nous avons mis l’article à jour et avons ajouté des précisions pour clarifier la situation.Justine de l'Église est sur Twitter.
Cannabis et mal de gorge
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