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Société

Les conséquences de l’arrivée massive d’hommes dans un pays

Gulan Avci, actuelle présidente de la Fédération des femmes libérales de Suède, nous explique ce que le pays doit faire pour intégrer tous ces hommes.

En matière de salaire, d'éducation, de soins de santé et de droits civils, la Suède est l'un meilleurs endroits dans le monde pour les femmes. Mais c'est une destination de plus en plus prisée par les hommes : d'après des données récentes, ils sont plus nombreux que les femmes en Suède pour la première fois depuis que le pays a commencé à enregistrer des données démographiques, en 1749.

Cette augmentation est en partie le résultat d'une politique d'immigration portes ouvertes. L'an dernier, 163 000 immigrants ont demandé asile en Suède, la plupart originaires d'Iraq ou de Syrie. Parmi eux, 70 % sont des hommes, et 90 % des enfants non accompagnés sont des garçons.

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La Suède n'est pas seule : de tous les migrants arrivés en Europe par bateau dans la dernière année, seulement 20 % sont des femmes, tandis que 45 % sont des hommes — les autres sont des enfants — selon les statistiques de l'ONU. Deux tiers des migrants entrés par l'Italie ou la Grèce sont des hommes. Ce contingent d'hommes a entraîné ce que certains ont nommé le « problème d'hommes de l'Europe ». On ne sait pas encore si ce changement démographique aura une influence sur la société suédoise, notamment reconnue pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Mais des experts, comme la professeure de l'Université Texas A&M Valerie Hudson, pensent que l'augmentation du nombre d'hommes pourrait entraîner une hausse des cas de violence contre les femmes en Suède, comme on l'a déjà constaté dans d'autres pays où les hommes sont majoritaires.

VICE a rencontré Gulan Avci, ancienne députée et actuelle présidente de la Fédération des femmes libérales de Suède. Elle-même immigrante d'origine kurde, elle est arrivée à Stockholm avec ses parents dans les années 80. Nous lui avons demandé ce que le pays doit faire pour intégrer tous ces hommes.

VICE : Pourquoi doit-on se préoccuper du grand nombre d'hommes parmi les immigrants?
Gulan Avci : Dans les pays comme la Syrie, les femmes et les hommes n'ont pas les mêmes droits. Ils voient les femmes différemment. Quand ils arrivent dans un pays comme la Suède, qui est quatrième au monde pour l'égalité hommes-femmes, il y a évidemment un choc. C'est ce à quoi on fait face en ce moment.

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Malheureusement, on a peur d'aborder ces problèmes. On a toujours eu peur de passer pour des racistes quand on parle de normes culturelles différentes. Le résultat, c'est qu'on balaie le problème sous le tapis et il prend de l'ampleur jusqu'à ce qu'il y ait une explosion

Que faut-il faire? Lancer un programme éducatif? Accepter plus de femmes?

Je pense qu'on doit faire les deux. Actuellement, 70 % des demandeurs d'asile sont des hommes. On doit faire en sorte de plutôt recevoir 70 % de femmes. On doit aussi mettre en place un programme éducatif pour tous les immigrants à leur arrivée en Suède. Peu importe le pays d'origine, chacun devrait passer par ce programme pour connaître ses droits, ses obligations et la loi suédoise. Pas seulement la loi, mais aussi les valeurs de la société suédoise comme l'égalité entre les hommes et les femmes. On doit s'occuper des défis sur le marché du travail parce que la plupart des gens qui arrivent ici se retrouvent sans emploi. Il faut aussi se pencher sur le système de l'éducation suédois. Ensuite, sur les politiques de logement. Il y a beaucoup de ségrégation. Quand les immigrants arrivent en Suède, ils sont dirigés vers des quartiers de la banlieue où ils vivent en marge de la société, sans emploi. Ils n'ont pas l'opportunité de commencer une nouvelle vie.

Pensez-vous que les Suédois devraient respecter davantage la culture des immigrants?
La culture, c'est la langue, les traditions et ainsi de suite. La culture n'a rien à voir avec l'égalité entre les hommes et les femmes. On a un grave problème de relativisme culturel en Suède, surtout avec des politiques de tolérance des différentes perceptions des droits de la personne et de l'égalité hommes-femmes, sous prétexte que « c'est dans leur culture ». On ne dirait jamais ça d'un Suédois qui opprimerait sa femme.

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C'est pourquoi on doit bien informer les immigrants dès leur arrivée. C'est la seule façon d'en arriver à une bonne politique d'immigration. Si on ne le fait pas, les Suédois commenceront à avoir peur. S'ils n'ont pas le sentiment que les politiciens défendent leurs intérêts, leur réaction sera de chercher un parti qui propose une solution différente. Une société qui a peur devient très dangereuse.

En tant qu'immigrante, comprenez-vous mieux ce que vivent les immigrants?
Ils vivent la pire guerre moderne en Syrie. Évidemment, je comprends qu'ils veulent fuir leur pays. Mais ce ne peut pas être une excuse. On peut les accueillir en Suède, mais on veut qu'ils fassent partie de la société. On veut que leurs droits soient protégés, mais aussi qu'ils s'engagent envers la société suédoise à respecter la loi et les valeurs grâce auxquelles notre pays est si fort.

Vous êtes arrivées en Suède à 5 ans. Vous êtes-vous sentie suédoise à part entière?
Je suis arrivée en Suède au début des années 80. Ma famille a fui après le coup d'État en Turquie. Il n'y avait pas beaucoup d'immigrants ici. J'ai grandi entourée d'enfants suédois et je parlais suédois. À mon école, les élèves étaient suédois.

Aujourd'hui, dans des écoles de la banlieue, vous pouvez chercher longtemps avant de trouver un élève suédois. Certains immigrants ne parlent même pas suédois. Ce n'est pas acceptable parce que, si on veut vivre en Suède, ou dans n'importe quel pays, il faut en connaître la langue. C'est la clé de l'intégration à la société.

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