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La vengeance pornographique n’est pas approuvée par tout le monde

​ Lorsqu’on vérifie la méthodologie de l’étude, il est impossible de participer à la tromperie irresponsable et de répéter la conclusion des chercheurs sans d’abord émettre des doutes quant à la justesse de leur processus.

Il y a plus de six ans, j'ai trompé mon mec. Avec un homme qui filmait nos ébats. Une fois, je n'ai pas su qu'il nous filmait. J'ai reçu une vidéo dans les messages privés de Facebook. Je retirais mon manteau rouge. J'étais coincée dans l'entrée, mon amant m'embrassait, j'embrassais mon amant, puis j'avais le visage contre un mur, dans son entrée, un mur blanc ou gris. Nous n'avons pas baisé longtemps, il est venu rapidement entre mes fesses. Tout était filmé. Quand j'ai reçu le message, j'étais offensée. Je disais oui presque à tout, même à ne plus porter de ballerines, et j'adore les ballerines. Je ne comprenais pas pourquoi cette fois-là, il ne m'avait rien demandé. Je ne suis pas la seule à avoir reçu cette vidéo. Mon amant l'a envoyée à mon mec. Je ne sais pas quand. Je n'ai pas demandé de date à mon mec. Je ne sais pas s'il l'a envoyée après que j'ai définitivement rompu avec lui. Cette vidéo, il ne l'a peut-être partagée qu'à mon mec, pas à la Terre entière, mais ça reste une vengeance pornographique.

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Le droit de choisir de se dévoiler ou non

Misha Barton a exposé mercredi dernier qu'elle en avait été victime aussi. Une ancienne relation l'a menacée de vendre une vidéo intime d'elle. Dans le bureau de son avocate, l'actrice de The O.C. a annoncé qu'elle entamait des poursuites et qu'elle avait pris la décision de s'exprimer publiquement pour combattre la revenge porn, tenter d'enrayer ce phénomène qui humilie surtout les femmes. L'avocate Lisa Bloom a statué que Misha Barton et elle prenaient position pour le droit des femmes de choisir quelles images de leur propre corps pouvaient être publiques : « Personne n'a le droit d'exploiter ma cliente ou n'importe quelle autre femme pour se venger ou pour un gain financier. »

Le suicide de victimes d'actes obscènes

Récemment, grâce au vétéran des Marines de l'armée américaine Thomas Brennan, un groupe Facebook obscène et secret, suivi par 30 000 membres de l'armée, a été retiré de la toile. « Marines United » proposait à ses membres un trafic de photos de femmes nues, la plupart étaient leurs collègues. Les photos étaient parfois le résultat d'une traque; les femmes ne sachant pas du tout qu'elles étaient photographiées. Pour certaines victimes de vengeance pornographique, cette atteinte à leur vie privée à un tel impact qu'elles en viennent à s'enlever la vie. Deux adolescentes canadiennes, Rehtaeh Parsons et Amanda Todd, se sont suicidées à la suite de la publication de photos qui dévoilaient pour la première des scènes d'un viol collectif, et pour la seconde des images de sa nudité.

99 % des gens s'en foutent de la vengeance pornographique? Vraiment?

Pourtant, un article paru dans VICE rapportait les résultats d'une étude qui suppose que la vengeance pornographique ne dérange personne. Des chercheurs en psychologie à l'Université du Kent au Royaume-Uni ont publié une étude, The Malevolent Side of Revenge Porn Proclivity: Dark Personality Traits and Sexist Ideology dans l' International Journal of Technoethics selon laquelle 99 % des participants approuvaient la vengeance pornographique. VICE n'est pas le seul média à avoir rapporté ces chiffres alarmants sans se questionner sur la valeur réelle de cette étude consternante.

Méthodologie plus que douteuse

Lorsqu'on vérifie la méthodologie de l'étude, il est impossible de participer à la tromperie irresponsable et de répéter la conclusion des chercheurs sans d'abord émettre des doutes quant à la justesse de leur processus. Les 100 participants, âgés entre 18 et 54 ans, ont été repêchés uniquement sur les réseaux sociaux, spécifiquement parce qu'ils étaient possiblement liés à la vengeance pornographique. C'est un petit échantillon, autosélectionné et pas représentatif de la population.

Bien que le sujet d'étude soit intéressant et nécessaire face à l'ampleur de ce phénomène qui est très peu contextualisé et analysé, la conclusion, choquante, est surtout explicable par le fait que seuls les participants qui ont indiqué n'être « pas du tout d'accord » (« strongly disagree ») ont été comptabilisés comme désapprouvant le concept de la porno vengeresse.

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« Pas d'opinion » égale « approbation partielle »?

Les participants avaient en effet une échelle d'options pour chacune des questions posées lors de l'étude dirigée par Afroditi Pina : « tout à fait d'accord », « d'accord », « pas d'opinion », « pas d'accord » et « pas du tout d'accord ». Les participants ayant donc coché « pas d'opinion » et « pas d'accord » étaient, sans qu'ils ne le supposent, liés aux autres qui montraient une certaine approbation envers le fait de partager des photos des seins de son ex.
Statuer que cette étude réussit à démontrer quoi que ce soit de plus important qu'une observation de traits de personnalité dominants chez ceux qui encouragent la vengeance pornographique serait irresponsable. Les statistiques, manipulées, ne permettent que des généralisations.

Condamnation des coupables

Depuis les suicides des jeunes Canadiennes, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité, criminalisant la diffusion de photos et de vidéos intimes sans le consentement de la personne qui y figure.

L'article 162.1 du Code criminel stipule que « quiconque sciemment publie, distribue, transmet, vend ou rend accessible une image intime d'une personne, ou en fait la publicité, sachant que cette personne n'y a pas consenti ou sans se soucier de savoir si elle y a consenti ou non, est coupable ». La loi définit une image intime comme un enregistrement visuel, photographique ou filmé, d'une personne, réalisé par tout moyen, où celle-ci y figure nue, exposant ses seins, ses organes génitaux ou sa région anale ou se livrant à une activité sexuelle explicite. Lors de la réalisation de l'enregistrement, il est entendu que les circonstances faisaient en sorte qu'une attente de protection de sa vie privée soit raisonnable, et que cette attente soit encore présente lors de la perpétration de l'infraction, soit le dévoilement de l'image intime.

Les États-Unis ont aussi créé des lois pour contrer la vengeance pornographique. Des citoyens ont déjà reçu des peines d'emprisonnement à cet effet. Lorsque la justice s'en mêle, ça répond à un besoin de la société : la société, ainsi, condamne les actes qui humilient les victimes de revanche pornographique. Même si Thomas Brennan reçoit des menaces horrifiantes depuis qu'il a exposé le groupe « Marines United » (on suggère que la torture soit utilisée contre lui et que sa femme se fasse violer), plusieurs témoignages de membres de l'armée, souvent anonymes, soulignent le courage nécessaire des victimes et leur espoir que de telles actions ne se reproduisent plus.

Quand est-ce que ce type de vengeance serait légitime?

La vengeance pornographique n'est pas acceptable. Ni rendre responsable les victimes de ce qu'elles vivent. Envoyer une photo de soi en train de sucer un popsicle en lingerie n'est pas donner l'opportunité à une personne d'en humilier une autre. Tout le monde n'est pas atrocement à l'aise avec la vengeance pornographique… sauf si, comme un lecteur commentant l'étude le suggérait, le scénario proposé aux participants était celui-ci : « Une reine monstrueuse et diabolique garde une jolie princesse comme otage dans une tour très haute. Le seul espoir de secourir la princesse était de rassembler plein de gens autour de la tour et d'attaquer la monstresse en la poignardant au cœur. Les gens étaient sceptiques du plan parce qu'aucune attaque de la monstresse n'avait fonctionné par le passé. Toutefois, vous étiez déjà sorti avec la reine au collège et vous aviez en votre possession des photos de ses fesses sur votre téléphone qui montraient bien les faiblesses de la reine. Qu'est-ce que vous penseriez de présenter cette pièce d'évidence aux gens de la ville? Et là, voilà, 99 % auraient répondu qu'ils étaient d'accord ou très en accord. »