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Culture

Yona, le robot qui veut prendre la place des chanteuses pop

Il y a quelques semaines paraissait « C », l’album de Yona, un personnage fictif doté d’une intelligence artificielle. On a parlé à Ash Koosha, son créateur.
Photo fournie par l'artiste.

« My heart has never felt this warm », chante un filet de voix fragile par-dessus un beat électro-pop. À première vue, il pourrait s’agir d’un nouvel album d’un producteur techno à la mode qui n’a pas lésiné sur l’Auto-Tune. Mais non. Ici, celle qui a composé les mélodies et écrit les paroles, c’est Yona, une Auxuman créée par le producteur d’électro Ash Koosha.

Ce dernier a fondé le laboratoire technologique KOIZ dans lequel il fait ses expérimentations avec les Auxumans, une forme d’intelligence artificielle personnalisée. Ces robots génèrent, grâce à un programme d’intelligence artificielle, des paroles et des sons de manière aléatoire.

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De ces expériences initiales est née Yona, la première concluante, qui a fait paraître C, un album sous son nom, en 2018. Dans les extraits entendus, Art and Law et Oblivious, l’Auxuman aborde des thèmes qui semblent tout à fait à propos pour un robot : l’amour, mais sur un ton froid et détaché, ou la dualité de l’art et de la loi, avec des exemples et des déclarations un peu décousues. Par moments, la voix qui nous parle se rapproche étrangement d’une vraie voix humaine, mais ces instants sont rares.

Ash Koosha décrit la composition des chansons de C comme étant un processus qui est près du mi-chemin entre l’humain et la machine. Il a composé quelques beats d’électro plutôt minimalistes pour montrer la voie à l’IA. Un exercice qu’il qualifie de surréel. « L’aspect aléatoire du résultat (les paroles, les mélodies et le chant), c’est la partie la plus inspirante du système, selon moi. C’est dans ce produit final partiellement aléatoire que je trouve le potentiel de ce que je fais. »

Pour lui, la parution de C établit un tournant pour la suite des choses. « Je pense que ça marque un point critique parmi les changements rapides qui surviennent dans toutes les industries par le biais de l’IA. L’album peut donner à la personne qui l’écoute la quantité recherchée d’émotions et le côté bordeline mystique-insensé de l’art. Et tout ça a été principalement généré par un ordinateur. »

Personne ne va prendre Yona, dans sa forme actuelle, pour une chanteuse pop, malgré les intentions de son créateur. Dans le magazine The Fader, Ash Koosha a affirmé : « Le but est de reproduire la voix d’une chanteuse pop. Mon hypothèse est que les chanteurs vont devenir inutiles, puisque cette machine sera capable de transmettre toute la gamme de la voix humaine – un manifeste anti-pop en quelque sorte. »

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La fascination d’Ash Koosha pour les machines et l’informatique ne date pas d’hier. « J’ai toujours travaillé avec des ordinateurs, affirme-t-il. Dès mes toutes premières expériences, j’ai senti qu’il y avait un immense potentiel dans ces machines. Je voyais à travers elles un grand pouvoir d’interaction. Quand j’étais petit, j’essayais d’obtenir une réponse de mon Commodore 64. Plus tard, j’ai appris à travers mes recherches que ces machines-là ne sont finalement rien d’autre que l’extension de notre propre pensée. »

C’est seulement lorsqu’il a commencé à créer activement que son regard sur les nouvelles sphères technologiques a pris un tournant significatif. « Je me suis grandement intéressé à l’IA en tant que champ d’études au moment où j’ai commencé à faire de la musique électronique et à apprendre des méthodes un peu plus complexes de l’ audio engineering, souligne-t-il. Le fait de tout concevoir en données, d’être en mesure de transmettre des informations et d’obtenir une réponse d’un ordinateur était d’une grande importance dans ma perception de la création digitale en général. »

Sa vision devenue réalité, le créateur multimédia écarte par le fait même la perception parfois négative que certains peuvent se faire d’un futur dystopique où les machines gagnent du terrain au profit des humains. Pour lui, les avancées dans le domaine ne peuvent qu’être bénéfiques. « Yona va toujours ajouter à ce que je fais. S’il arrivait qu’elle me surpasse au niveau de la création, personnellement, je ne pense pas que ce serait nécessairement quelque chose de négatif pour l’avenir. En fait, si ça se produisait, ça me mettrait en position de concocter un meilleur produit en tant qu’artiste. Je devrais trouver de nouvelles facettes à ce que je fais, et ça, pour moi, c’est positif sur tous les plans. »

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Il prévoit de concevoir plusieurs autres Auxumans pour encourager le plus grand nombre possible de producteurs et d’artistes divers de la scène internationale à emboîter le pas vers la diffusion de musique accompagnée par l’IA. « Le but est de montrer qu’il faut propulser et non pas craindre les démarches peu orthodoxes. »

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« Dans les dix ou vingt prochaines années, on verra l’implantation d’une nouvelle ère de la musique où tout sera méga-expérientiel et multidimensionnel. Dans cette perspective, en tant que créateurs, on est mieux de préparer le public. C’est exactement ce que je fais avec ce projet. »

L’album C de Yona ests disponible sur toutes les plateformes numériques.

Ash Koosha fera paraître son album Return 0 le 21 septembre. Ce projet a également été augmenté par la contribution d’Auxumans.