Le ministère de l’Environnement ne reçoit que 0,2 % du budget du gouvernement québécois
En décembre dernier à Montréal avait lieu une manifestation pour que des actions soient prises pour contrer les changements climatiques. Photo Graham Hughes/La Presse canadienne 

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Le ministère de l’Environnement ne reçoit que 0,2 % du budget du gouvernement québécois

C’est pas beaucoup.

Alors que la CAQ a fermé la porte jeudi à l’idée d’adopter un projet de loi qui forcerait le gouvernement à respecter ses engagements climatiques, et à quelques semaines de la publication du premier budget du gouvernement de François Legault, VICE s’est penché sur les budgets de dépenses des gouvernements précédents, plus particulièrement sur celui alloué au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

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Le premier constat, c’est que le budget de l’Environnement est minime comparé aux autres ministères. Nous avons épluché tous les budgets des gouvernements québécois depuis dix ans, et le Ministère se place systématiquement dans les derniers en matière de budget, avec le ministère du Tourisme et celui des Relations internationales. En 2018-2019, le ministère de l’Environnement représente 0,2 % du budget de dépenses du gouvernement, avec d'un peu plus de 175 millions de dollars. Depuis 10 ans, ce pourcentage est en baisse : en 2008-2009, le budget de l’Environnement représentait 0,35 % du budget total.

Le peu de moyens consacrés par le gouvernement à l’Environnement semble être en décalage profond avec l’importance que les Québécois accordent aux questions climatiques. En novembre 2018, un sondage Mainstreet nous apprenait que les trois quarts des Québécois se disent prêts à faire des sacrifices financiers pour que le gouvernement combatte les changements climatiques. Cette semaine, ce sont des étudiants qui annonçaient préparer de grandes mobilisations pour le climat. Les Québécois prennent le sujet au sérieux, mais jeudi, les députés caquistes ont rejeté l’idée même d’un projet de loi encadrant ces questions.

Ce projet de loi est défendu par les instigateurs du Pacte, dont Dominic Champagne, qui est à l’origine de l’initiative. Par téléphone, on a discuté avec lui de cette nouvelle et de la diminution du budget du ministère de l’Environnement.

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« Il faudrait mettre l’environnement au-dessus de tous les autres ministères! », réagit-il en entendant que le budget du Ministère représente 0,2 %. « Il devrait y avoir un bureau qui dépend de l’autorité directe du premier ministre et qui veille à influencer l’ensemble de l’appareil gouvernemental. Parce que l’urgence à laquelle on fait face relève de tous les autres ministères : les transports, l’agriculture, les municipalités, l’aménagement du territoire. Tous sont concernés. »

Concernant la décision des députés caquistes de rejeter l’idée d’une loi sur le climat, Dominic Champagne explique qu’il aurait souhaité une unanimité face à l’urgence. « Je suis déçu », dit-il. « On nous sort tout un charabia pour se défiler. De deux choses l’une : ou bien on reconnaît l’urgence et on se donne les moyens d’y répondre, ou bien on ne veut pas adopter cette loi, parce qu’on pense qu’on a besoin de s’y dérober et qu’on ne veut pas être considéré comme hors-la-loi. Tout ce qu’on a eu pour répondre à l’urgence climatique pour le moment, c’est une mauvaise ministre de l’Environnement. On n’a pas eu l’ombre d’une mesure qui nous donne l'espérance qu’il y a une volonté politique forte et affirmée. […] Il y a une mobilisation à gauche comme à droite, en bas comme en haut, mais, visiblement, le leadership n’est pas pour le moment à la hauteur de la situation. »

Dominic Champagne estime que le besoin d’un effort collectif est grandement sous-estimé par le gouvernement : « On s’obstine sur les cibles, on s’obstine sur les moyens, dit-il, mais on devrait être dans un cas de corvée nationale extraordinaire, comme on a connu quand on a fait l’effort de guerre qui a permis aux alliés de vaincre les fascistes. »

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L'avocat Michel Bélanger a coécrit le projet de loi pour le Pacte. Pour le spécialiste en droit environnemental, le budget de l’Environnement est révélateur.

« Ce chiffre témoigne de l’importance que les gouvernements antérieurs ont attribuée au ministère de l’Environnement, estime-t-il. Certains disent “mais l’environnement a d’autres fonds”. Mais la finalité du Fonds Vert, par exemple, c’est lié à des objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Donc ce n’est pas une excuse de dire “l’argent est ailleurs”. Ça n’explique pas pourquoi on réduit le budget du Ministère. Les besoins augmentent, et les responsabilités de ce petit ministère augmentent exponentiellement, donc c’est quand même étonnant que son budget se réduise. C’est le seul ministère qui pourrait avoir le rôle de chien de garde de l’ensemble des objectifs à atteindre. »

Michel Bélanger estime que ce n’est même plus justifiable de parler de finances lorsque l’on parle de questions climatiques : « Si on ne fait rien, on va de toute façon se faire rattraper de façon extrêmement sévère par les effets du changement climatique. Ce n’est pas de l’argent mal placé que d’en remettre au ministère de l’Environnement, c’est au contraire essayer de se donner une chance d’éviter le pire. »

Daniel Breton a occupé le poste de ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs en 2012. Il est cosignataire de la déclaration qui rappelle à François Legault l'urgence d'une loi sur le climat avec cinq autres ex-ministres.

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« Le ministère de l’Environnement, c’est vraiment le parent pauvre, dit-il. Je me rappelle, il y a plusieurs années, on parlait du fait qu’il fallait que 1 % du budget du Québec soit consacré à la Culture, et j’avais dit : “Moi [à l’Environnement], je rêverai d’avoir 0,5%”! Quand on est ministre de l’Environnement, et qu’on a face à nous le ministre des Finances, le ministre des Transports, souvent on est en situation de désavantage numérique. Le ministère de l’Environnement est souvent considéré comme un ministère moins important. On entend beaucoup d’économistes dire : “Vous savez, c’est important qu’on ne laisse pas un lourd passif financier au Québec”, mais il faut aussi et surtout qu’on s’assure de ne pas laisser un lourd passif écologique aux Québécois. »

Pour Daniel Breton, une des solutions pourrait être que le ministère de la Santé transfère une partie de son budget (le budget 2018-2019 du ministère de la Santé est d'un peu plus de 38 milliards de dollars, NDLR) à celui de l’Environnement.

« Si on ne prend pas soin de l’environnement, dit-il, ça aura un impact sur la santé de la population. Un rapport de l’International Institute for Sustainable Development a déterminé que la pollution atmosphérique à elle seule coûte annuellement à peu près 35-36 milliards de dollars par année au Canada, donc à peu près 1000 dollars par Canadien. Si on ramène ça à l’échelle du Québec, ça veut dire 8 milliards, c’est énormément d’argent! Ça veut dire que si on commence à dire : ben là on va graduellement transférer des fonds de la Santé vers l'Environnement pour s’assurer de faire de la prévention, on va augmenter le budget du ministère de l’Environnement, et on va réussir à aider à la fois la santé des gens et les finances du Québec. »

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Dans quelques semaines, le gouvernement de François Legault déposera son premier budget. Nous verrons alors si le premier ministre tient ses promesses et s’il donne au ministère de l’Environnement la place qu’il mérite, considérant l’urgence de la lutte contre les changements climatiques au Québec.